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Afrique du Sud

L’afflux de réfugiés zimbabwéens mal préparé

Depuis le début des invasions de fermes détenues par des Blancs, en février 2000, l’Afrique du Sud redoute un afflux de réfugiés zimbabwéens.
De notre correspondante à Johannesbourg

Un plan d’urgence avait été préparé avant l’élection présidentielle de mars 2002, dans la crainte d’un exode provoqué par d’éventuels troubles politiques. Le ministère de l’Intérieur, à Pretoria, avait indiqué que plusieurs camps militaires désaffectés, le long de la frontière, pourraient servir d’abris temporaires. Depuis, il dément toute augmentation sensible des arrivées ou des demandes d’asile politique et continue de rapatrier les Zimbabwéens en situation irrégulière à un rythme de 5 000 personnes par mois. Un nombre qualifié de «normal». Les craintes d’une déferlante redoublent aujourd’hui, à cause d’une famine qui menace la moitié de la population de ce pays, 7 à 8 millions de Zimbabwéens.

Selon l’AFP, pas moins de 100 clandestins sont arrêtés et rapatriés chaque jour, aux alentours de Beitbridge, le principal poste-frontière entre les deux pays. La plupart ne se rendent pas en Afrique du Sud dans l’intention d’y rester, mais pour se ravitailler en fruits et farine de maïs, des denrées qui ont disparu des étals zimbabwéens.

Publié en décembre, un rapport préparé par l’Université du Witswatersrand (Johannesburg) et une ONG dénommée Consortium national des affaires aux réfugiés (NCRA) a tiré l’alarme, une nouvelle fois. Outre l’indulgence de Thabo Mbeki, le chef de l’Etat sud-africain, à l’égard de Robert Mugabe, ce rapport critique l’impréparation des autorités. Et ce, alors qu’une crise humanitaire est annoncée depuis plusieurs mois. A en croire une source gouvernementale citée par Herman del Valle, l’un des auteurs du rapport, des préparatifs trop visibles côté sud-africain auraient «créé des tensions au sein de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC)». Selon cette étude, le plan d’urgence préparé à la veille de l’élection présidentielle de mars 2002, au Zimbabwe, ne tient pas lieu de politique. Il n’aurait pas permis, en effet, d’aider plus de 1 000 personnes pendant trois jours, soulignent cependant les chercheurs.

Sur les 13 millions de personnes menacées par la famine en Afrique australe, la moitié se trouvent au Zimbabwe, répète le Programme alimentaire mondial (PAM). Pour l’instant, le seul changement de politique en Afrique du Sud concerne les ouvriers agricoles qui travaillent illégalement pour des fermiers blancs de la province du Limpopo (Nord). Une réunion a rassemblé en octobre Membathisi Mdladlana, le ministre du Travail sud-africain et July Moyo, son homologue zimbabwéen, pour évoquer les «problèmes» provoqués par la présence de quelque 15 000 sans-papiers zimbabwéens dans cette région frontalière. Taillables et corvéables à merci, ces clandestins ont été défendus par des organisations de défense des droits de l’Homme sud-africaines.

L’ambivalence de l’ANC envers Mugabe

En visite au Zimbabwe, du 4 au 8 janvier dernier, Membathisi Mdladlana s’est employé à mettre au point un mémorandum qui régularisera leur présence. Cet accord devrait permettre l’octroi de permis de travail et la garantie du salaire minimum de 700 rands instauré pour les ouvriers agricoles en Afrique du Sud.

Au cours de son séjour, le ministre sud-africain s’est aussi rendu dans trois fermes redistribuées à de petits exploitants noirs dans les environs de Harare, la capitale. Il s’est déclaré «impressionné» par les progrès de ces fermiers, et a été jusqu’à recommander à son propre gouvernement une évaluation de la façon dont les terres redistribuées – en toute légalité, avec compensations à la clé – en Afrique du Sud sont exploitées par leurs nouveaux propriétaires. Il a par ailleurs estimé les deux pays «liés par un destin commun», avant de rectifier le tir le lendemain, assurant que «l’Afrique du Sud ne répèterait pas les erreurs du Zimbabwe dans sa réforme agraire».

Un exemple concret de ce que Jackie Cilliers, directeur de l’Institute for Security Studies (ISS), basé à Pretoria, appelle «l’ambivalence» du Congrès national africain (ANC) à l’égard du Zimbabwe. «L’ANC a une vraie sympathie pour la politique de Robert Mugabe, estime cet analyste, même s’il n’est pas question de l’approuver». Convaincus qu’une approche conciliante et qu’une politique d’assistance économique permettront d’éviter l’effondrement total du pays, les dirigeants sud-africains ont du mal à admettre que la catastrophe est en cours.



par Sabine  Cessou

Article publié le 11/01/2003