Afrique du Sud
Dissensions au sein de l’ANC
La 51ème conférence quinquennale du Congrès national africain (ANC), qui se tient du 16 au 20 décembre, sera marquée par les dissensions internes du parti au pouvoir.
De notre correspondante à Johannesbourg
Déjà, en 1997 à Mafikeng, lors du premier congrès de l’ANC en tant que parti de gouvernement, la politique libérale adoptée par un mouvement profondément marqué par le marxisme avait prêté à controverse. Indissociable des alliés de toujours que sont le Parti communiste sud-africain (SAPC) et le Congrès des syndicats sud-africains (Cosatu), une aile gauche mal définie s’inquiétait des conséquences sociales de ces choix. A Mafikeng, le Programme de reconstruction et de développement (RDP) lancé en 1994 par le premier gouvernement de Nelson Mandela avait été enterré, au profit d’un plan dénommé «croissance, emploi et reconstruction» (Gear). Assorti d’une longue liste de sociétés nationales à privatiser et d’un programme social limité au strict minimum, ce plan a certes valu à l’Afrique du Sud les bons points du Fonds monétaire international (FMI) et des agences de rating internationales. Mais pour la majorité noire, qui représente la base électorale de l’ANC, la pilule a été d’autant plus amère que tout était attendu des nouvelles autorités : eau, électricité, logements, emplois, protection sociale.
Cinq ans plus tard, l’inexorable montée du chômage, un fléau qui frappe le tiers de la population active, n’a fait qu’aggraver la fracture. A Stellenbosch, il sera beaucoup question de «transformation» economic et de black empowerment. Quitte à occulter le theme central des débats qui agitent l’ANC : gérer le pays sans s’endetter, ne rien faire qui puisse dissuader des investisseurs étrangers toujours très attendus, comme le veulent Thabo Mbeki, le président, et Trevor Manuel, le ministre des Finances, ou une intervention plus audacieuse de l’Etat, comme le souhaitent les syndicat, pour arriver au taux de croissance de 6% - au lieu de 3% cette année – qu’il faudrait pour créer des emplois.
Thabo Mbeki écarte tous les rivaux potentiels
L’émergence d’une classe moyenne noire n’a pas endigué les inégalités sociales héritées de l’apartheid. Selon les statistiques officielles, les élites noires et blanches représentent 16% de la population et se partagent 72% des revenus, tandis que les pauvres, en majorité Noirs, forment encore la moitié des 44 millions de Sud-Africains, et se partagent à peine 3% des revenus.
La possibilité d’une «révolte sociale» a été évoquée pour la première fois par l’ANC en juillet dernier. Jeff Radebe, le ministre des Entreprises publiques, a évoqué cette menace pour justifier l’accélération du black economic empowerment. Conscient des enjeux, le pouvoir voit d’un très mauvais oeil leur exploitation dans ses propres rangs.
L’existence d’une «ultra-gauche» a été dénoncée par Thabo Mbeki, le président de l’ANC et du pays, quelques semaines avant le congrès. Une rumeur insistante, depuis l’an dernier, fait état d’une volonté de certains dirigeants du Cosatu de fonder un parti politique dissident de l’ANC. Par crainte de passer pour des traîtres, les syndicats, eux, n’ont pas poussé la fronde plus loin que des journées isolées de grève générale contre les privatisations.
Ces dissensions paraissent inévitables, dans un contexte de normalisation de la vie politique sud-africaine, douze ans après la fin de l’apartheid. L’ANC, fondé en 1912, s’est d’abord construit sur la lutte contre l’oppresseur. Souvent décrit comme une «grande congrégation», il a vu monter en puissance, depuis les premières élections multiraciales de 1994, une nouvelle bourgeoisie noire liée au pouvoir.
«La normalisation est très relative», affirme un responsable du Cosatu, qui reproche à l’ANC de s’être embourgeoisé, sans avoir perdu ses réflexes de mouvement de libération nationale. «Ceux qui ne sont pas pour la politique du pouvoir sont aussitôt accusés d’être contre, affirme Jackie Cilliers, un analyste politique. Alors qu’une scission de l’ANC serait sans doute salutaire pour la démocratie sud-africaine, elle est rendue pratiquement impossible par l’atmosphère qui règne». La peur d’éventuelles représailles de Thabo Mbeki contre tout rival, réel ou potentiel, musèle tout débat. Dernier exemple en date de cet art de l’éviction : l’ouverture d’une enquête sur Jacob Zuma, le vice-président, soupçonné d’avoir sollicité en 1998 un pot-de-vin de la société française d’armement Thomson CSF. A deux semaines de l’ouverture de Stellenbosch, un congrès qui doit régler l’après-Mbeki, la manoeuvre ressemble à une éviction pure et simple de l’un des candidats en lice.
Déjà, en 1997 à Mafikeng, lors du premier congrès de l’ANC en tant que parti de gouvernement, la politique libérale adoptée par un mouvement profondément marqué par le marxisme avait prêté à controverse. Indissociable des alliés de toujours que sont le Parti communiste sud-africain (SAPC) et le Congrès des syndicats sud-africains (Cosatu), une aile gauche mal définie s’inquiétait des conséquences sociales de ces choix. A Mafikeng, le Programme de reconstruction et de développement (RDP) lancé en 1994 par le premier gouvernement de Nelson Mandela avait été enterré, au profit d’un plan dénommé «croissance, emploi et reconstruction» (Gear). Assorti d’une longue liste de sociétés nationales à privatiser et d’un programme social limité au strict minimum, ce plan a certes valu à l’Afrique du Sud les bons points du Fonds monétaire international (FMI) et des agences de rating internationales. Mais pour la majorité noire, qui représente la base électorale de l’ANC, la pilule a été d’autant plus amère que tout était attendu des nouvelles autorités : eau, électricité, logements, emplois, protection sociale.
Cinq ans plus tard, l’inexorable montée du chômage, un fléau qui frappe le tiers de la population active, n’a fait qu’aggraver la fracture. A Stellenbosch, il sera beaucoup question de «transformation» economic et de black empowerment. Quitte à occulter le theme central des débats qui agitent l’ANC : gérer le pays sans s’endetter, ne rien faire qui puisse dissuader des investisseurs étrangers toujours très attendus, comme le veulent Thabo Mbeki, le président, et Trevor Manuel, le ministre des Finances, ou une intervention plus audacieuse de l’Etat, comme le souhaitent les syndicat, pour arriver au taux de croissance de 6% - au lieu de 3% cette année – qu’il faudrait pour créer des emplois.
Thabo Mbeki écarte tous les rivaux potentiels
L’émergence d’une classe moyenne noire n’a pas endigué les inégalités sociales héritées de l’apartheid. Selon les statistiques officielles, les élites noires et blanches représentent 16% de la population et se partagent 72% des revenus, tandis que les pauvres, en majorité Noirs, forment encore la moitié des 44 millions de Sud-Africains, et se partagent à peine 3% des revenus.
La possibilité d’une «révolte sociale» a été évoquée pour la première fois par l’ANC en juillet dernier. Jeff Radebe, le ministre des Entreprises publiques, a évoqué cette menace pour justifier l’accélération du black economic empowerment. Conscient des enjeux, le pouvoir voit d’un très mauvais oeil leur exploitation dans ses propres rangs.
L’existence d’une «ultra-gauche» a été dénoncée par Thabo Mbeki, le président de l’ANC et du pays, quelques semaines avant le congrès. Une rumeur insistante, depuis l’an dernier, fait état d’une volonté de certains dirigeants du Cosatu de fonder un parti politique dissident de l’ANC. Par crainte de passer pour des traîtres, les syndicats, eux, n’ont pas poussé la fronde plus loin que des journées isolées de grève générale contre les privatisations.
Ces dissensions paraissent inévitables, dans un contexte de normalisation de la vie politique sud-africaine, douze ans après la fin de l’apartheid. L’ANC, fondé en 1912, s’est d’abord construit sur la lutte contre l’oppresseur. Souvent décrit comme une «grande congrégation», il a vu monter en puissance, depuis les premières élections multiraciales de 1994, une nouvelle bourgeoisie noire liée au pouvoir.
«La normalisation est très relative», affirme un responsable du Cosatu, qui reproche à l’ANC de s’être embourgeoisé, sans avoir perdu ses réflexes de mouvement de libération nationale. «Ceux qui ne sont pas pour la politique du pouvoir sont aussitôt accusés d’être contre, affirme Jackie Cilliers, un analyste politique. Alors qu’une scission de l’ANC serait sans doute salutaire pour la démocratie sud-africaine, elle est rendue pratiquement impossible par l’atmosphère qui règne». La peur d’éventuelles représailles de Thabo Mbeki contre tout rival, réel ou potentiel, musèle tout débat. Dernier exemple en date de cet art de l’éviction : l’ouverture d’une enquête sur Jacob Zuma, le vice-président, soupçonné d’avoir sollicité en 1998 un pot-de-vin de la société française d’armement Thomson CSF. A deux semaines de l’ouverture de Stellenbosch, un congrès qui doit régler l’après-Mbeki, la manoeuvre ressemble à une éviction pure et simple de l’un des candidats en lice.
par Sabine Cessou
Article publié le 16/12/2002