Sida
Afrique : le continent sacrifié ?
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Avec près de 30 millions de personnes séropositives, l’Afrique subsaharienne est toujours la région du monde la plus touchée par l’épidémie de sida. Cette situation a des conséquences dramatiques à la fois sur le développement et la démographie des pays de la région. Même si quelques-uns d’entre eux ont réussi à lutter efficacement contre la progression du virus grâce, notamment, à des campagnes de prévention, les perspectives d’avenir demeurent extrêmement sombres.
Le sida est un véritable fléau pour l’Afrique subsaharienne. Depuis le début de l’épidémie, ce continent est chaque année un peu plus meurtri. En 2002, 2,4 millions de malades du sida sont décédés et 3,5 millions de personnes ont contracté le virus, selon le dernier rapport d’Onusida (programme des Nations unies contre le VIH/sida). Certaines zones sont plus touchées que d’autres. En Afrique australe, l’épidémie est en train de provoquer une véritable hécatombe.
Dans quatre pays, le Botswana, le Lesotho, le Swaziland et le Zimbabwe, le taux de prévalence a passé la barre, longtemps jugée infranchissable, des 30 % de la population. Pire, l’Afrique australe est aussi la région dans laquelle sévit actuellement une famine dont les conséquences, déjà terribles, sont aggravées par la progression du sida. Il joue le rôle d’amplificateur en conjuguant ses effets à ceux de la sécheresse ou des inondations. Onusida estime que le virus a tué, en 2001, 500 000 travailleurs agricoles dans les six pays de la région menacés par la famine (Botswana, Lesotho, Swaziland, Zimbabwe, Malawi, Mozambique). La ponction de population engendrée par le sida, qui touche en priorité les personnes en âge de travailler et de produire, amplifie la crise alimentaire, qui elle-même fragilise les populations et rend le terrain plus favorable à la diffusion de l’épidémie. Comme un engrenage infernal.
Peter Piot, le directeur exécutif de l’organisation, résume ainsi la situation: «La famine est un exemple tragique de la manière dont cette épidémie se combine à d’autres crises pour créer des catastrophes plus grandes encore. Ce qui se passe en Afrique australe illustre bien que le sida ne peut pas être traité isolément».
Chute de l’espérance de vie
L’épidémie de sida qui ravage l’Afrique a aussi des conséquences démographiques importantes. Les projections des Nations unies sur l’évolution de la population ont dû être révisées en intégrant cette donnée. La population africaine sera beaucoup moins nombreuse que prévu à l’horizon 2025. Elle devrait se situer autour de 1,4 milliard d’habitants au lieu de 1,6, comme cela était envisagé avant l’arrivée du virus. Ce ralentissement de la croissance démographique est dû aux effets conjugués de la baisse de la fécondité et du sida.
Une autre conséquence de la diffusion du virus a été de modifier la carte de la mortalité sur le continent. Il y a une quinzaine d’années, les pays d’Afrique australe étaient ceux dans lesquels l’espérance de vie était la plus élevée (entre 5O et 60 ans) et les perspectives de progression les plus encourageantes. L’épidémie de sida a complètement changé la donne. Aujourd’hui, ce sont les pays d’Afrique de l’Ouest qui sont en tête. Ainsi, entre 2005 et 2010, l’espérance de vie en Afrique du Sud devrait chuter à 43 ans alors que celle du Sénégal devrait se situer à plus de 55 ans.
Ce pays a, en effet, réussi à maintenir le taux de prévalence à un niveau très bas (0,5 %) grâce à la mise en œuvre d’une politique nationale de prévention et à des campagnes de sensibilisation. Cette réussite n’est pas un cas unique sur le continent. Un autre pays, l’Ouganda, a aussi obtenu des résultats très encourageants. Après avoir connu une progression très rapide des infections à VIH dans les années 80 et au début des années 90, il a été l’un des premiers à mettre en œuvre des programmes de lutte qui ont permis de réduire le taux de prévalence par deux en une dizaine d’années. Il est aujourd’hui de 5 %.
Au-delà de ces pays emblématiques de la lutte contre le sida en Afrique, certaines actions plus ciblées ont aussi montré qu’il était possible d’agir pour faire reculer le virus ou tout au moins stopper sa progression. Même dans les Etats les plus touchés. En Afrique du Sud, le pays qui compte le plus grand nombre de porteurs du virus (près de 5 millions), des progrès ont ainsi été enregistrés au sein d’une population particulièrement sensible, les femmes enceintes de moins de 20 ans. Leur taux de prévalence est passé de 21 % en 1998 à 15,4 % en 2001. Pour les experts, cette chute indique que les campagnes de sensibilisation peuvent porter leurs fruits et que tout n’est pas perdu.
Ces «petits progrès» doivent inciter à multiplier les efforts. Car il ne faut pas oublier, explique Michel Sidibé, directeur du département Appui aux pays et régions d’Onusida, que «90% de la population africaine n’est pas infectée». En conséquence, la priorité doit, aujourd’hui, être de trouver les moyens de permettre à cette population de «rester indemne». Il s’agit d’un «défi colossal» qui ne pourra être relevé sans une mobilisation financière internationale de grande ampleur.
Lire également :
Sida : horreur économique
(L'éditorial économique de Norbert Navarro)
Dans quatre pays, le Botswana, le Lesotho, le Swaziland et le Zimbabwe, le taux de prévalence a passé la barre, longtemps jugée infranchissable, des 30 % de la population. Pire, l’Afrique australe est aussi la région dans laquelle sévit actuellement une famine dont les conséquences, déjà terribles, sont aggravées par la progression du sida. Il joue le rôle d’amplificateur en conjuguant ses effets à ceux de la sécheresse ou des inondations. Onusida estime que le virus a tué, en 2001, 500 000 travailleurs agricoles dans les six pays de la région menacés par la famine (Botswana, Lesotho, Swaziland, Zimbabwe, Malawi, Mozambique). La ponction de population engendrée par le sida, qui touche en priorité les personnes en âge de travailler et de produire, amplifie la crise alimentaire, qui elle-même fragilise les populations et rend le terrain plus favorable à la diffusion de l’épidémie. Comme un engrenage infernal.
Peter Piot, le directeur exécutif de l’organisation, résume ainsi la situation: «La famine est un exemple tragique de la manière dont cette épidémie se combine à d’autres crises pour créer des catastrophes plus grandes encore. Ce qui se passe en Afrique australe illustre bien que le sida ne peut pas être traité isolément».
Chute de l’espérance de vie
L’épidémie de sida qui ravage l’Afrique a aussi des conséquences démographiques importantes. Les projections des Nations unies sur l’évolution de la population ont dû être révisées en intégrant cette donnée. La population africaine sera beaucoup moins nombreuse que prévu à l’horizon 2025. Elle devrait se situer autour de 1,4 milliard d’habitants au lieu de 1,6, comme cela était envisagé avant l’arrivée du virus. Ce ralentissement de la croissance démographique est dû aux effets conjugués de la baisse de la fécondité et du sida.
Une autre conséquence de la diffusion du virus a été de modifier la carte de la mortalité sur le continent. Il y a une quinzaine d’années, les pays d’Afrique australe étaient ceux dans lesquels l’espérance de vie était la plus élevée (entre 5O et 60 ans) et les perspectives de progression les plus encourageantes. L’épidémie de sida a complètement changé la donne. Aujourd’hui, ce sont les pays d’Afrique de l’Ouest qui sont en tête. Ainsi, entre 2005 et 2010, l’espérance de vie en Afrique du Sud devrait chuter à 43 ans alors que celle du Sénégal devrait se situer à plus de 55 ans.
Ce pays a, en effet, réussi à maintenir le taux de prévalence à un niveau très bas (0,5 %) grâce à la mise en œuvre d’une politique nationale de prévention et à des campagnes de sensibilisation. Cette réussite n’est pas un cas unique sur le continent. Un autre pays, l’Ouganda, a aussi obtenu des résultats très encourageants. Après avoir connu une progression très rapide des infections à VIH dans les années 80 et au début des années 90, il a été l’un des premiers à mettre en œuvre des programmes de lutte qui ont permis de réduire le taux de prévalence par deux en une dizaine d’années. Il est aujourd’hui de 5 %.
Au-delà de ces pays emblématiques de la lutte contre le sida en Afrique, certaines actions plus ciblées ont aussi montré qu’il était possible d’agir pour faire reculer le virus ou tout au moins stopper sa progression. Même dans les Etats les plus touchés. En Afrique du Sud, le pays qui compte le plus grand nombre de porteurs du virus (près de 5 millions), des progrès ont ainsi été enregistrés au sein d’une population particulièrement sensible, les femmes enceintes de moins de 20 ans. Leur taux de prévalence est passé de 21 % en 1998 à 15,4 % en 2001. Pour les experts, cette chute indique que les campagnes de sensibilisation peuvent porter leurs fruits et que tout n’est pas perdu.
Ces «petits progrès» doivent inciter à multiplier les efforts. Car il ne faut pas oublier, explique Michel Sidibé, directeur du département Appui aux pays et régions d’Onusida, que «90% de la population africaine n’est pas infectée». En conséquence, la priorité doit, aujourd’hui, être de trouver les moyens de permettre à cette population de «rester indemne». Il s’agit d’un «défi colossal» qui ne pourra être relevé sans une mobilisation financière internationale de grande ampleur.
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par Valérie Gas
Article publié le 01/12/2002 Dernière mise à jour le 09/07/2004 à 14:56 TU