Egyptologie
Le visage révélé de Toutankhamon
(Photo: conseil supérieur des Antiquités égyptiennes)
Crâne rasé allongé, teint chaud et translucide, lèvres charnues : les spécialistes qui ont reconstitué son visage s’entendent sur sa forme et la plupart des traits du visage de Toutankhamon, mais divergent sur la forme des oreilles et du nez. Sous le masque mortuaire, la tête momifiée du jeune pharaon étant trop creusée et desséchée, les chercheurs ne pouvaient pas effectuer jusqu’à présent des mesures fiables : le recours à de nouvelles techniques numériques et à 1 700 images de scanner en trois dimensions réalisées sur l’ensemble de la momie en janvier dernier, sur les lieux mêmes de la sépulture dans la Vallée des Rois, ont apporté de nouvelles données scientifiques.
Trois équipes de scientifiques -égyptienne, française et américaine- sont aujourd’hui à même de pouvoir présenter une reconstruction archéologique et d’évaluer l’emplacement et la grandeur approximative du nez, de la bouche et des yeux. Ces trois équipes scientifiques ont travaillé indépendamment et sont parvenues à des images relativement similaires : «les formes du visage et du crâne sont remarquablement similaires à la fameuse image de Toutankhamon enfant, représenté en dieu du soleil, émergeant d’une feuille de lotus à l’aube», a déclaré Zahid Hawass, secrétaire général du Conseil suprême des Antiquités en Egypte.
«La partie artistique n’intervient qu’à la fin»
Les divergences tiennent au fait, selon Franck Rühl, médecin suisse spécialisé en paléopathologie et qui a procédé à l’analyse anatomique de la momie, que «les images ne révèlent que la structure osseuse». Tout ce qui constitue l’apparence d’un visage est tributaire de la qualité de la peau : «c’est le tissu mou qui fait la différence dans l’apparence du visage, les rides d’expression, la texture de la peau, l’implantation des cheveux, autant de choses qui ne sont pas visibles sur un scanner». Prudent, Franck Rühl conclut donc que le visage est «tel qu’il a pu être mais non tel qu’il était». Il trouve par exemple que «le type nubien est marqué» alors que, selon lui «il s’agit d’un type plus proche-oriental».
Le directeur du département d’anthropologie légiste à la gendarmerie nationale de Paris, Jean-Noël Vignal soutient quant à lui que les données scientifiques sont suffisamment fiables pour qu’on puisse identifier un sujet, même s’il ne s’agit pas d’une copie totalement conforme : «c’est l’approximation la plus probable et cela fonctionne. Cette méthode nous a permis de débloquer certaines affaires. La forme de la bouche et son épaisseur nous sont données par les dents, la forme des yeux par la profondeur et par l’inclinaison des parois et des orbites». C’est une femme sculpteur, Elizabeth Daynes qui, à partir des données scientifiques révélées par l’analyse des clichés, a reconstitué un écorché avant de mettre en place les volumes de la musculature : «c’est extrêmement précis, et la partie artistique n’intervient qu’à la fin, lorsqu’il s’agit de donner vie au modèle, par le regard notamment», lorsque les yeux ont été ourlés d’un trait de khôl.
Un peu d'histoire
Toutankhamon n'avait que huit ans lorsqu'il est monté sur le trône d'Égypte. Il a régné de 1333 à 1323 avant Jésus-Christ, année de son décès. La tombe du pharaon, mort à 19 ans, fut découverte dans la vallée des Rois en 1922 par l'archéologue anglais Howard Carter. Le corps du pharaon était enseveli dans trois cercueils gigognes, dont un en or massif, la tête recouverte d'un masque d'or. En 1968, une radiographie a permis de détecter des fragments osseux à l'intérieur du crâne, ce qui a longtemps laissé croire qu’il avait pu être assassiné, thèse démentie depuis les dernières expertises effectuées en janvier 2005.
par Dominique Raizon
Article publié le 17/05/2005 Dernière mise à jour le 17/05/2005 à 16:58 TU