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Cameroun

Buéa l'anglophone sous surveillance

La dernière poche de résistance de la crise universitaire est «tombée» à Buéa.(Carte : RFI/GéoAtlas)
La dernière poche de résistance de la crise universitaire est «tombée» à Buéa.
(Carte : RFI/GéoAtlas)
Une rencontre entre étudiants et ministre a permis vendredi au gouvernement d’obtenir un répit dans la crise qui continuait d’agiter l’une des six universités d’Etat alors que quatre autres établissements de l’enseignement supérieur public en étaient progressivement sortis. Entre temps, les autorités avaient décrété des mesures restreignant les libertés à Buéa, tout en renforçant le dispositif de sécurité dans ce fief du mouvement séparatiste anglophone.

Jacques Fame Ndongo, le ministre de l’Enseignement supérieur a pu arracher l’essentiel, vendredi, en se rendant dans la capitale de la province du Sud-Ouest anglophone (à quelques trois cents kilomètres de Yaoundé). Il a obtenu la suspension de la grève estudiantine qui durait depuis avril à l’université de Buéa où sont inscrits quelque 9 000 étudiants. En échange, les grévistes ont obtenu la reconnaissance officielle de l’association des étudiants, un barème des frais universitaires fixé à 50 000 francs CFA (3 000 francs CFA de moins que prévu), la réduction du prix du ticket restaurant de 150 à 100 francs CFA, la reprise des examens dans toutes les matières, le départ des forces de l’ordre du campus et l’immunité pour les meneurs de la grève. Au total, plus des trois-quarts des revendications des étudiants ont été satisfaites, en attendant que la commission mixte fasse le tour des autres doléances et rende son évaluation, dans deux mois.

La dernière poche de résistance de la crise universitaire est «tombée» à Buéa, à la surprise générale. La ville attendait en effet dans l’anxiété la venue du ministre de l’Enseignement supérieur. Les menaces de sanctions des autorités universitaires étaient restées lettre morte face à la résistance des étudiants peu enclins à reprendre les cours interrompus depuis quatre semaines, dans la foulée du mouvement impulsé de Yaoundé par l’Association pour la défense des droits des étudiants du Cameroun (Addec). A Buéa, les meneurs de la grève n’exigeaient rien moins que la démission du recteur, Mme Dorothy Njeuma. De son côté, le gouverneur de la province avait interdit les regroupements de plus de trois personnes aussi bien aux alentours qu’à l’intérieur du campus. Il avait aussi durci le dispositif sécuritaire avec des renforts de la police, de la gendarmerie, et de l’armée.

Soupçons sécessionnistes ?

Les mesures du gouverneur avaient accru la tension entre les autorités et les étudiants. Mardi, une altercation survenue dans des circonstances encore confuses, avait débouché sur des affrontements entre étudiants grévistes et forces de l’ordre. Aux jets de pierres avaient répondus gaz lacrymogènes et tirs à balles réelles, faisant un mort (un chauffeur de taxi), plusieurs blessés dont certains graves, aussi bien chez les manifestants que parmi les éléments des forces de l’ordre, des véhicules incendiés, des pylône électriques endommagés et même un otage, une gendarme brièvement retenue et molestée. Le ministre de la Communication avait alors incriminé «des groupes de personnes n’ayant aucun lien avec l’université» qui auraient empêché les étudiants de se rendre en cours, «en violation des franchises universitaires et de l’arrêté du gouverneur de la province du Sud-Ouest interdisant les regroupements de plus de trois personnes aux abords et à l’intérieur du campus». Mais cette version des faits s’est avérée contre-productive.

Au lieu de calmer le jeu, les premières déclarations officielles ont contribué à alimenter les interrogations sur le renforcement des mesures de sécurité dans la région. A l’évocation de «personnes n’ayant aucun lien avec l’université», certains ont cru lire entre les lignes qu’il s’agissait de sécessionnistes anglophones. Le Southern Cameroons National Council (Scnc), le mouvement séparatiste reste en effet plutôt bien implanté dans la zone anglophone, bien qu’il soit en perte de vitesse depuis quelques années. Il avait fait parler de lui en 1999 lorsqu’un groupe de ses partisans avaient pris d’assaut la station locale de la radio télévision d’Etat pour annoncer «l’indépendance» du Southern Cameroons, la partie anglophone du pays. Au final, vendredi, il restait difficile d’apprécier jusqu’à quel point la crise universitaire, apparemment résolue, a bel et bien valu à l’ensemble de la province d’être mise sous surveillance, par prudence politique.


par Valentin  Zinga

Article publié le 28/05/2005 Dernière mise à jour le 28/05/2005 à 14:30 TU