Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Cameroun

Universités : entre grève et trêve

Calme précaire à l'Université de Yaoundé.(Photo: AFP)
Calme précaire à l'Université de Yaoundé.
(Photo: AFP)
À coups de concertations et d’annonces, le gouvernement s’échine à désamorcer une crise ouverte par les étudiants qui revendiquent des meilleures conditions d’étude et de vie. Principal point de discorde : le paiement des frais universitaires. Les autorités ne veulent pas abroger la mesure comme le souhaitent les étudiants en grève qui ont déjà perdu deux de leurs camarades. Ce qui rend précaire le calme observé sur les campus ce week-end.

De notre correspondant à Yaoundé

Le document signé du ministre de l’Enseignement supérieur ce samedi a les allures d’une « feuille de route » en douze points. Jacques Fame Ndongo annonce, au titre de réponses aux revendications des étudiants une série d’actions, allant de l’équipement des laboratoires aux considérations liées aux statuts de l’étudiant et des attachés de recherche, en passant par la réfection des toilettes publiques et des sanitaires dans les cités universitaires, la réhabilitation des restaurants universitaires « afin d’améliorer la qualité et la quantité des repas », l’approvisionnement des bibliothèques en ouvrages appropriés, la consolidation de la politique d’octroi des allocations de recherche aux étudiants doctorants, etc. Des mesures qui sont censées être financées grâce à une enveloppe de quelques 2,4 milliards FCFA réunis dans l’urgence par les pouvoirs publics sur instruction du président Biya.

Les principales villes universitaires du Cameroun.
(Carte: SB/RFI)
Ces annonces étaient attendues depuis de longs jours que dure la grave crise ouverte le 20 avril sur le campus de l’Université de Yaoundé, avant de s’étendre sur celui de l’Université de Buéa, quelques 300 kilomètres dans le Sud-Ouest anglophone, et menaçant de son spectre les quatre autres universités d’État. Ce contexte délétère n’est pas pour peu dans la sortie du ministre de l’Enseignement supérieur, qui s’est reconverti à la négociation, après avoir minimisé l’arrêt des cours imposé par la grève des étudiants, puis tenté de résoudre le problèmes à coup d’injonctions radiotélévisées, avant de se voir contraint d’aller à la rencontre des étudiants sous la pluie, le 27 avril. Et cela, d’autant qu’entre temps, deux étudiants grévistes sont morts à Buéa, suite à des brutalités policières, selon des informations concordantes et non démenties par le gouvernement.

Les rigueurs de l’ajustement structurel

A peine le communiqué du ministre était-il rendu public samedi, que les observateurs se demandaient déjà si M. Fame Ndongo ne faisait pas une fois de plus fausse route. Le ministre, qui avait déjà fait valoir les contraintes financières du Cameroun tenu par les rigueurs de l’ajustement structurel pour justifier le paiement des frais universitaires, n’a visiblement pas fléchi sur ce point. Il annonce, sans surprise, le « paiement régulier des droits universitaires en deux tranches semestrielles, sans aucune augmentation de taux », en même temps que la « mise sur pied d’un comité ad hoc au ministère de l’enseignement supérieur à l’effet de mener une réflexion sur les droits universitaires en particulier et le financement de l’enseignement supérieur en général ». Deux mesures manifestement insuffisantes aux yeux des têtes pensantes du mouvement estudiantin regroupées au sein de l’Association pour la défense des droits des étudiants (ADDEC), instigatrice des grèves. « Nous demandons la suppression pure et simple du paiement des 50 000 FCFA que les étudiants paient au titre de droits universitaires », entendait-on samedi soir sur le campus de l’Université de Yaoundé. Entre les lignes : le mot d’ordre de grève devrait être maintenu en attendant le décret du président Biya qui viendrait, espère-t-on, abroger une mesure en vigueur depuis la réforme universitaire de 1993 dont beaucoup s’accordent à reconnaître qu’elle aura été un échec.

Difficile de savoir jusqu’où la détermination des étudiants les mènera et de savoir si le calme au campus de Yaoundé fait suite aux annonces du ministre ou s’il est simplement dû à un week-end de fête qui devrait se prolonger jusque ce lundi. Dans ces conditions, la journée de mardi devrait fixer les uns et les autres sur la suite des événements.

Quelques certitudes : les autorités qui ont dès le début essayé de politiser cette crise, arguant qu’elle était menée par un groupe d’étudiants minoritaires manipulés, ont dû revoir leur copie, ou à tout le moins, nuancer leurs positions au fil des jours. Quelques jours seulement avant les manifestations estudiantines, le Syndicat national des enseignants du supérieur (Synes) – le plus influent de tous, qui s’est toujours ému des mauvaises conditions de travail des enseignants– avait déjà appelé ses membres à un arrêt de cours à l’Université de Yaoundé, en signe de revendication du paiement de primes diverses. Momentanément levé au terme des négociations avec les autorités, le mot d’ordre reste suspendu sur le campus comme une épée de Damoclès.

par Valentin  Zinga

Article publié le 02/05/2005 Dernière mise à jour le 02/05/2005 à 11:52 TU