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Cameroun

Trois millions de citoyens sous la menace de la famine

Carte du Cameroun(Carte : DR)
Carte du Cameroun
(Carte : DR)
Les besoins de la province de l’extrême nord en céréales ne seront pas comblés cette année, du fait d’une pluviométrie peu clémente, et de l’action néfaste des oiseaux granivores. La situation est si préoccupante que certains n’hésitent pas à suggérer des mesures visant à décourager les ventes des céréales aux pays voisins.

De notre correspondant à Yaoundé

Les craintes n’ont pas encore officiellement ému les autorités, mais le tocsin est d’ores et déjà sonné. «La production totale estimée des céréales sera de l’ordre de 404 927,5 tonnes hormis celles du riz, contre 638 390 tonnes pour les mêmes cultures de l’année dernière ; soit une baisse de 233 462,5 tonnes en valeur absolue et de 36,57% en valeur relative», selon des informations dignes de foi. Il n’en fallait pas davantage pour que des sources autorisées s’alarment et envisagent «une situation alimentaire fort tendue» rendue inéluctable dans la province de l’extrême nord, qui compte quelque 3 millions d’âmes sur les 15 millions de Camerounais. Le «spectre de la famine» que certains entrevoient déjà prend appui sur une série de données statistiques fort précises: les besoins annuels en céréales de cette partie du pays se chiffrent à 438 000 tonnes selon des estimations officielles. Résultat: un déficit de plus de 33 000 tonnes à rattraper.

Cette situation préoccupante est largement due à deux principaux facteurs. Il y a d’abord les aléas climatiques. D’une manière générale, la saison pluvieuse 2004 a été déficitaire comparativement à l’année précédente. Des spécialistes parlent d’une pluviométrie insuffisante à hauteur de 209,16 mm d’eau. Ceci n’est pas allé sans conséquences. Par exemple, «les mois d’août et de septembre moins pluvieux que d’habitude n’ont pas permis une bonne humectation des vertisols avec pour conséquence une situation franchement désastreuse des sorghos de saison sèche», explique un spécialiste. Globalement, cette météo capricieuse a entraîné une régression jugée significative des surfaces de sorgho/mil par rapport à l’année 2003. Le maïs et l’arachide ont subi un semblable sort. Il est vrai que le maïs dit de «décrue» habituellement cultivé au bord du Lac Tchad n’a pas été particulièrement affecté par ces conditions climatiques.

Un caractère d’urgence

Il y a ensuite la «situation aviaire». Des sources crédibles évoquent la présence dans le Logone et Chari, le Mayo-Danay, et le Diamaré- trois départements sur les six que compte la province- des oiseaux granivores, dont notamment le quelea quelea, ou mange-mil. «Ces oiseaux qui peuvent parcourir des dizaines de kilomètres de leurs nidifications ou de leur dortoir pour se nourrir sont en train de causer d’importants dégâts aux cultures. Les mesures prises localement pour les combattre ne suffisent pas. Des traitements aériens ont été sollicités et continuent de l’être», expliquait récemment une source proche du dossier, citant en exemple les effets néfastes de ces vertébrés volants sur le sorgho muskwari et le riz irrigué.

Inquiets, des sources proches du dossier n’hésitent pas à se fendre de recommandations ayant un caractère d’urgence. On parle de sensibilisation des populations, dans les médias, voire les églises, les temples et les mosquées, pour une meilleure gestion de leurs stocks céréaliers, la nécessité de diversifier l’alimentation. On envisage même des mesures administratives pour empêcher les sorties massives des céréales du Cameroun vers les pays voisins. D’autant que ces derniers mois, «la montée vertigineuse des prix des céréales est due à une exportation clandestine du sorgho vers les pays voisins». Dans ce cas, les mêmes sources préconisent des sanctions contre des commerçants spéculateurs.
Naturellement, beaucoup soulignent la nécessité de titiller la fibre de la solidarité nationale, et n’oublient pas l’importance de la coopération internationale. Deux leviers qui ont, par le passé, permis aux autorités de faire face aux disettes survenues dans la région septentrionale du pays. Ce fut le cas en 1998, et en 2001.


par Valentin  Zinga

Article publié le 08/03/2005 Dernière mise à jour le 08/03/2005 à 13:00 TU