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Togo

Statu quo ou transition, le choix du Premier ministre est déterminant

Selon l'opposition, pour une véritable sortie de la crise, il faut un règlement politico-militaire.(Photo : AFP)
Selon l'opposition, pour une véritable sortie de la crise, il faut un règlement politico-militaire.
(Photo : AFP)
A la différence du Parlement de l’Union européenne, qui ne reconnaît pas la validité du scrutin présidentiel, le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine (UA) a levé vendredi les sanctions, qu’il avait prises le 25 février pour stigmatiser le «coup d’Etat» militaire installant Faure Gnassingbé dans le fauteuil de son père début février. Pour autant, de l’avis des observateurs internationaux et même des médiateurs africains, la question de la militarisation du pouvoir reste entière au Togo où les départs en exil se poursuivent, les réfugiés dénonçant des exactions. Pour sortir de l’impasse, Faure Gnassingbé a promis un gouvernement d’union nationale. L’opposition redoute qu’il s’agisse d’un trompe l’œil et réclame une transition conduisant à de nouvelle élections. Avec le nom du Premier ministre choisi par Faure Gnassingbé, les Togolais connaîtront les intentions du pouvoir.

Les Togolais sont suspendus au nom du Premier ministre que Faure Gnassingbé va sortir des manches du pouvoir, ou de ses supplétifs de la «société civile», à moins qu’il ne décide finalement de rompre avec le passé en acceptant, en quelque sorte, de cogérer la crise avec l’opposition c’est-à-dire d’admettre aussi par avance qu’un éventuel changement ultérieur pourrait se faire sans lui, et surtout sans l’omnipotent clan militarisé qui s’est attaché à l’imposer. Après bientôt quinze ans d’espoirs démocratiques avortés, force est en effet de constater qu’aucune alternance politique sereine n’est envisageable contre cette volonté musclée. Il faudra donc beaucoup de doigté, de patience et sans doute aussi des garanties réciproques dont seuls les intéressés peuvent donner la teneur. Encore faut-il qu’une fois identifiés, les interlocuteurs trouvent un espace de communication. Faure Gnassingbé propose un gouvernement «d’union nationale». L’opposition réclame un Premier ministre issu de ses rangs.

Vendredi, quatre des formations (sur six) de la Coalition de l’opposition ont répondu à une invitation de Faure Gnassingbé, boudée en revanche par l’Union des forces du changement (UFC). De passage à Paris, le président de l’UFC, Gilchrist Olympio, commente cette absence en rappelant que son numéro deux, candidat à la présidentielle, Emmanuel Akitani, est hospitalisé dans la capitale française. Excuse diplomatique ou signe de divergences stratégiques au sein de l’opposition, Gilchrist Olympio se déclare en tout cas disposé à l’ouverture de discussions avec Faure Gnassingbé. Certes, il dénie à ce dernier toute légitimité présidentielle. Mais justement, une reconnaissance provisoire lui serait concédée dans le cadre de la transition réclamée par l’opposition. Sur ce point, les positions concordent dans la Coalition dans laquelle Gilchrist Olympio considère son parti comme le poids lourd, voire la majorité. A ses yeux, la Coalition n’est visiblement pas grand chose sans l’UFC. En tout cas, sans désavouer la rencontre de vendredi avec Faure Gnassingbé, l’UFC vient une nouvelle fois de faire bande à part. Cela lui donne le temps de la réflexion, les autres formations tenant lieu de ballon d’essai.

Faure Gnassingbé n'a fait aucune promesse à l'opposition

Sur la question du Premier ministre, Faure Gnassingbé n’a fait aucune promesse aux quatre partis d’opposition qui étaient au rendez-vous de vendredi. Dans leur communiqué final, ils inscrivent au chapitre des «points de consensus» avec Faure Gnassingbé «qu’il incombera au Premier ministre, désigné pour diriger le gouvernement de consensus, de mener, avec les diverses composantes de la classe politique, les discussions en vue de leur participation au gouvernement, ces discussions devant porter notamment sur les missions du gouvernement, sa composition, ses rapports avec l’Assemblée nationale en place».

La Coalition demande que le Premier ministre soit issu de ses rangs. Si, contrairement à tous les pronostics, Faure Gnassingbé accepte, Gilchrist Olympio estime que ce sera à l’UFC de désigner le chef du gouvernement «de consensus», où les formations politiques doivent se répartir les portefeuilles ministériels. Dans ce cas, il resterait encore à s’entendre sur la durée et le programme du gouvernement de transition chargé de conduire le pays à de nouvelles élections. Six mois suffiraient à Gilchrist Olympio. Il se déclare disposé à transiger sur ce point au cas où, par exemple, des raisons techniques empêcheraient l’exercice des garanties internationales qu’il exige pour l’ensemble du processus. Mais surtout, Gilchrist Olympio entend assurer les positions de l’opposition, c’est-à-dire en particulier celles de l’UFC dans l’exécutif.

«Comment gérer la transition avec ce Parlement monocolore» qui a participé à la tentative de coup d’Etat de février, s’interroge Gilchrist Olympio. Pour sa part, il est d’avis qu’il faut le neutraliser plutôt que de le transformer en Parlement de transition en cooptant des députés en provenance des différents partis, comme cela s’est fait par exemple au Congo-Kinshasa. Il envisage plutôt un système de cogestion entre Faure Gnassingbé, désormais reconnu dans ses fonctions de chef de l’Etat, et un Premier ministre UFC, tous deux gouvernant ensemble par ordonnances signées conjointement, le Parlement tenant lieu de chambre d’enregistrement.

Convaincre un pouvoir militarisé

Reste à intéresser un pouvoir militarisé à un jeu civil dont l’objectif serait de le conduire à sa fin. Interrogé sur la question, Gilchrist Olympio répond que, puisque «le régime a un soubassement militaire, il faudrait que les militaires, Faure Gnassingbé et le RPT»(le Rassemblement du peuple togolais, l’ancien parti unique) soient au rendez-vous de discussions approfondies avec la Coalition. Il invoque à ce sujet le très expérimenté général à la retraite nigérian, Olusegun Obasanjo, interpellant devant lui Faure Gnassingbé à peu près en ces termes: «votre père s’est appuyé sur un régime militaire pendant 38 ans. Il est temps que vous tourniez la page». A Abuja, le 19 mai dernier, le président Obasanjo avait insisté sur la nécessité d’une réforme de l’armée. Mais avant de songer à des départs à la retraite et autres modalités de démobilisation, sans parler de réinsertion dans la vie civile et de nouvelles aires de recrutements – ce qui ne fonctionne jamais sans l’accord de tous les concernés – il paraît opportun à une partie de l’opposition d’aborder enfin la crise togolaise sous un angle politico-militaire. C’est très complexe et sans véritable garanties de résultats rapides, ce qui explique largement pourquoi les diplomaties africaines et française répugnent à se hasarder à démêler l’écheveau. La balle est dans le camp des Togolais.

Vendredi, Faure Gnassingbé n’a pas rechigné à faire «venir sur le champ le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité en vue d’examiner avec une cellule de trois personnes désignées par la délégation de la Coalition, les dispositions urgentes à prendre» pour «créer un climat qui permette le retour et la réinsertion des réfugiés», comme l’indique le communiqué des opposants. C’est aussi dans l’intérêt du pouvoir. Le texte demande aussi la libération des «militants et sympathisants de l’opposition arrêtés pour des motifs liés au scrutin présidentiel du 24 avril 2005 [mais aussi qu’il soit mis] fin au harcèlement, à la persécution [et] au climat d’insécurité qui prévaut dans le pays». Reste à apprécier la volonté et la capacité de Faure Gnassingbé à véritablement changer la donne, au risque de scier la branche militaire sur laquelle il est assis. Le choix du Premier ministre donnera la couleur de ses intentions.


par Monique  Mas

Article publié le 29/05/2005 Dernière mise à jour le 29/05/2005 à 18:05 TU

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