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Afrique de l’Est

Vers une Fédération Kenya-Ouganda-Tanzanie

Les présidents Benjamin Mkapa (Tanzanie), Yoveri Museveni (Ouganda) et Mwai Kibaki (Kenya) lors d'une précédente rencontre en mars 2004.(Photo: AFP)
Les présidents Benjamin Mkapa (Tanzanie), Yoveri Museveni (Ouganda) et Mwai Kibaki (Kenya) lors d'une précédente rencontre en mars 2004.
(Photo: AFP)
L’ambitieux projet de la mise en place d’un futur État fédéral en Afrique de l’est est plus que jamais d’actualité. Mais la prudence semble de mise. Réunis à Dar Es Salaam pour déterminer le calendrier de mise sur pieds d’une idée dont ils sont les principaux promoteurs, les chefs d’État kenyan, ougandais et tanzanien ont choisi de remettre à plus tard leur décision. Ils s’engagent à ouvrir un large débat sur le projet dans leurs pays respectifs.

De notre envoyé spécial à Dar Es Salaam

Etait-ce un sommet pour la forme ? Les moins optimistes ont pu l’affirmer, à la clôture lundi à Dar Es Salaam en Tanzanie, d’un sommet extraordinaire des trois chefs d’État des pays membres de la communauté d’Afrique de l’Est. D’autant qu’à l’issue de cette rencontre convoquée à la dernière minute par le président tanzanien Benjamin Nkapa, rien (ou presque) de ce qui a été annoncé n’était nouveau. L’objectif réaffirmé par les chefs d’État dans leur communiqué final, de mettre en en place une Fédération en Afrique de l’Est était connu depuis cinq ans, date de la signature du traité par lequel la Communauté est-africaine a revu le jour. Seule (petite) nouveauté, à l’issue de cette rencontre, les présidents Kibaki, Museveni et Nkapa s’engagent à promouvoir un large débat autour du projet dans leur pays respectif, au sein de toutes les sphères de leurs sociétés. Rien donc, finalement, sur le calendrier de mise en place de la Fédération d’États d’Afrique de l’Est. La question était pourtant celle sur laquelle devaient, en principe, se prononcer les trois présidents.

Ce sont eux, en effet, qui il y a moins d’un an ont décidé de mettre sur pied un petit comité réunissant six personnalités, avec pour seule mission de proposer une feuille de route pour la mise en place rapide de la fédération. Mission accomplie fin novembre dernier. Après consultations avec divers acteurs dans la région, le comité a rendu, sur 378 pages, une feuille de route ambitieuse : «La Fédération d’Afrique de l’Est peut être effective en 2010 », écrit-il. D’ici là, il propose, après l’étape de l’Union douanière (en marche depuis janvier 2005), celles d’un marché commun en 2007, d’une monnaie unique en 2009 et enfin donc, dans cinq ans, l’étape ultime de la fédération. Une véritable révolution au pas de course en somme, pour des pays qui, quatre décennies après l’accession à l’indépendance, ravivent ainsi une ambition déjà ancienne.

Vieille ambition, nouvel élan

Car le projet fédéral est-africain est né avec l’indépendance de l’Ouganda, du Kenya et de la Tanzanie, pays qui ont en commun d’avoir été sous la tutelle britannique et de disposer d’une langue commune autre que celle du colonisateur, le swahili. Principal promoteur de cet idéal, le Tanzanien Julius Nyerere, partisan d’un panafricanisme par étapes au sortir de la colonisation des pays africains. S’il réussit en 1964 une union entre le Tanganyika et Zanzibar, créant ainsi l’actuelle République unie de Tanzanie, il échoue à convaincre les Kenyans et les Ougandais. La première communauté d’Afrique de l’Est – censée déjà mener vers l’intégration régionale – voit le jour en 1967 et disparaît dix ans plus tard dans un contexte très tendu, notamment entre la Tanzanie et l’Ouganda.

Près de trente ans plus tard, les fils du dialogue semblent renoués entre Dar Es Salaam, Nairobi et Kampala. Ce qui rend possible la formulation du projet. Un observateur note à juste titre que «les leaders actuels de ces trois pays se sont connus lors de leurs années de formations, parfois sur les bancs de l’Université de Dar es Salaam ou de Makerere. Ceci explique en partie cette grande camaraderie qu’ils entretiennent». Un sentiment qui n’est donc pas étranger au renouveau connu par cette ambition depuis 1999, année de la relance de la Communauté est-africaine. Mais c’est aussi et surtout pour des raisons économiques que le projet fédéral a revu le jour en Afrique de l’est. «Les défis que nous imposent la mondialisation ne peuvent être relevés que dans le cadre d’une fédération et non dans celui de nos petits États», explique le comité chargé de la rédaction de la feuille de route. L’ambition affichée est en effet d’ouvrir à terme un territoire régional qui compte actuellement 82 millions de consommateurs sur 1,8 million de km² au total.

Mais les premiers pas vers ce grand projet fédéral s’avèrent difficiles. Lancée en janvier dernier, l’Union douanière connaît quelques ratés. Alors qu’elle est censée faciliter les échanges commerciaux, en abaissant les barrières aux frontières, elle crée pour l’heure quelques tensions. Dans un pays comme la Tanzanie par exemple, ou l’économie est peu développée, nombreux sont ceux qui craignent que les voisins kenyans ne les submergent désormais de leurs produits. Et c’est sans doute pour calmer ces appréhensions que côté tanzanien, on est davantage partisan d’un travail d’explication sur les objectifs et les modalités du projet fédéral. D’où, expliquent des sources proches du secrétariat de la Communauté est-africaine, cette prudence qu’il ne faut pas prendre pour un renoncement. «La Fédération est notre objectif et nous venons de franchir un pas décisif vers cet objectif» a martelé le président Benjamin Nkapa à la fin du sommet de Dar Es Salaam lundi dernier.


par André-Michel  Essoungou

Article publié le 01/06/2005 Dernière mise à jour le 01/06/2005 à 17:26 TU