Togo
Gnassingbé refuse une transition concertée avec l’opposition
(Photo : AFP)
En matière de gouvernement, la différence entre l’union et l’unité nationale, c’est la transition vers un nouveau scrutin, que préconise la Coalition. Faure Gnassingbé ne pouvait pas s’y tromper. Dans son document, après le cahier de revendications du premier chapitre titré «Mesures d’apaisement et de facilitation des discussions», qui demande la fin du harcèlement ou la libération des prisonniers d’opinion, l’opposition annonce la couleur de «l’entente minimale entre le pouvoir et la coalition» que supposerait leur cohabitation dans un même gouvernement. Au préalable, le texte évoque les questions sécuritaires, demandant «le démantèlement des milices» et le respect par les différentes forces de l’ordre de leurs missions premières au service de la paix à l’intérieur ou aux frontières.
Plus loin, le document dresse le catalogue des points qu’il faudrait envisager de réviser conjointement pour toiletter les institutions et adapter la législation dans les domaines électoral, économique et militaire. Entre les lignes, la Coalition suggère aussi de discuter en quelque sorte des garanties possibles à donner aux éventuels sortants du jeu politico-militaire togolais et des ses manettes économiques. En milieu de texte, la perspective d’un calendrier électoral introduit le morceau impossible à avaler pour Faure Gnassingbé : le gouvernement de transition.
Un gouvernement d'union nationale comme passe-partout
A défaut de reconnaître son élection à la magistrature suprême, l’opposition se propose en quelque sorte de co-gérer sa sortie, à plus ou moins brève échéance. En attendant, dit le texte, un Premier ministre issu de l’opposition dirigerait un cabinet composé de 45% de ministres du Rassemblement du peuple togolais (RPT) (l’ancien parti unique), d’autant de ministres provenant de la Coalition et de «10% pour les autres forces politiques significatives du pays». La suite du document suggère des garanties d’indépendance et de survie pour le Premier ministre, face au chef de l’Etat et à l’Assemblée nationale. L’opposition entend éviter les chausse-trapes du rituel gouvernement «d’union nationale», expédient usé jusqu’à la corde par Gnassingbé père pour vider de sens la démocratisation demandée par les Togolais au début des années quatre-vingt-dix. Pour Faure Gnassingbé au contraire, la formule incantatoire peut encore servir de passe-partout, en particulier au plan diplomatique.
La «plate-forme revendicative» de la coalition fait l’impasse sur «le pouvoir constitutionnel du président de la République et de l'Assemblée nationale», s’indigne un communiqué du Palais. Bien sûr, Faure Gnassingbé «ne saurait s'associer à une manœuvre visant à violer la loi fondamentale». Il rejette donc le tout, en vrac et «catégoriquement». Il joue un peu la surprise, répétant que ce qu’il attendait de l’opposition, c’était un choix de «premiers ministrables» et non point ce texte dont la presse officielle se gausse à longueur d’antenne. Ce que veut Faure Gnassingbé, c’est un Premier ministre qui fasse écran et le débarrasse de l’opposition, d’une manière ou d’une autre. Certains, font déjà leurs offres de service en se prévalant à l’extérieur de quelque étiquette d’opposant plus ou moins défraîchie. De son côté, une fois de plus, la Coalition est entrée dans la bataille en ordre dispersé, négligeant sans doute un peu trop l’expertise du pouvoir à mesurer le rapport des forces.
Fleuron, sinon fleuret de l’opposition, le parti qui a fourni le candidat unique de la Coalition, l’Union des forces du changement (UFC) a boudé la rencontre «au sommet» de lundi soir. «L’UFC ne remet pas en cause le contenu de la plate-forme» soumise à Faure Gnassingbé, explique son secrétaire général, Jean-Pierre Fabre. L’UFC a d’ailleurs apporté une large contribution au texte, poursuit-il. Mais il estime inopportuns l’heure et le cadre de la remise du texte. L’UFC n’avait pas encore eu le temps de le soumettre à son Comité directeur, ajoute-t-il en insistant sur le manque de solennité d’un événement provoqué, selon lui, par les pressions du président de l’UA, Olusegun Obasanjo. Toujours est-il qu’un document important pour l’opposition a bel et bien été remis à Faure Gnassingbé, qui a déjà répondu.
L’échange de balle a eu lieu. Après avoir dit qu’il ne jouerait pas sur le terrain de l’opposition, Faure Gnassingbé a annoncé qu’il allait se pourvoir d’un Premier ministre choisi dans le camp qui lui conviendrait et cela, dès demain ou un autre jour. Bref, à sa convenance. Telle était déjà son intention, énoncée le 4 juin dernier, devant Olusegun Obasanjo. Son message était tout à fait clair : «Je lance un appel à la classe politique togolaise, et plus précisément à la coalition de l'opposition radicale, en disant : ou vous venez et nous avançons, ou vous restez en dehors et nous avancerons quand même sans vous», mais aussi peut-être sans les quelque 20 000 Togolais recensés par le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) au Bénin où d’autres exilés continuent d’affluer. «Aucun de ceux qui, actuellement ont préféré traverser les frontières ne peut être obligé de revenir au Togo contre son gré» explique un communiqué du pouvoir en ajoutant qu’il «est humain que ceux qui ont perpétré des actes ignobles fuient et cherchent à se présenter à leur tour en victimes»… Pour eux aussi, le message est limpide.
par Monique Mas
Article publié le 08/06/2005 Dernière mise à jour le 08/06/2005 à 18:40 TU