Dette
Le G8 annule la dette de 18 pays
(Photo : AFP)
Officiellement, c’est la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement qui aura lieu à Gleaneagles en Ecosse du 6 au 8 juillet qui prendra la décision. Mais il n’y aura pas de surprise : l’annonce faite à l’issue de la réunion préparatoire des ministres des Finances des huit pays les plus riches du monde (1), samedi à Londres, sera adoptée et 18 pays, dont 14 africains, parmi les plus pauvres de la planète, verront leur quelque 40 milliards de dollars de dette contractée auprès des grands organismes financiers internationaux (Fonds monétaire international, Banque mondiale, Banque africaine de développement) purement et simplement effacés.
Sur le plan technique, l’accord prévoit que les pays riches compenseront les pertes de la Banque mondiale et de la BAD, alors que le FMI devra faire face avec ses propres ressources ou, au besoin, en sollicitant les pays donateurs.
Pour les heureux élus (2), c’est une divine surprise à laquelle ils ne croyaient plus, après des années de dénonciations et de vœux pieux. Le ministre zambien des Finances parle de « conte de fées ». Son collègue mozambicain évoque déjà les transferts vers l’éducation, la santé, les infrastructures et le secteur social. Pour le secrétaire américain au Trésor, John Snow, «c’est un résultat de portée historique». «Un grand succès», déclare son homologue français Thierry Breton.
La décision du G8 est la première étape d’une dynamique qui devrait se poursuivre avec la perspective d’un nouveau train d’annulation de la dette pour 9 autres pays (3) d’ici 12 à 18 mois, avant un troisième groupe de 11 pays (4), a souligné le chancelier de l’Echiquier (ministre britannique des Finances), hôte de la réunion. L’annulation atteindra alors 55 milliards de dollars, dont 6 dus au FMI, 44 à la BM et 5 à la BAD. «L’heure n’est pas à la frilosité mais à l’audace. L’heure n’est pas aux pis-aller», a indiqué Gordon Brown, qui avait fait de l’aboutissement de ce projet une priorité.
Redorer le blason de Washington
Mais il n’aurait pas pu aboutir sans l’appui de Washington, souvent critiqué pour la faiblesse de son aide publique au développement et dont le rôle et l’implication, cette fois, sont soulignés. On note aussi que cet accord intervient quatre jours après une visite du Premier ministre britannique à Washington, où il a mené avec le président Bush des discussions qui ont, semble-t-il, pesé de tout leur poids dans la décision.
En revanche, lors de cette réunion de Londres, la proposition avancée par la France et l’Allemagne d’une taxation des billets d’avion pour financer l’aide aux pays d’Afrique n’a pas été adoptée. Elle suscite encore de nombreuses réticences, tant en Europe qu’aux Etats-Unis. Le dossier sera donc soumis à l’examen des chefs d’Etat et de gouvernement. Aucun engagement n’a été pris enfin sur la suggestion britannique du doublement de l’aide publique au développement de 50 à 100 milliards de dollars par an via la création d’un mécanisme de Facilité financière internationale (IFF).
Les organisations non-gouvernementales qui militent pour l’annulation de la dette des pays en développement ont salué les progrès tout en regrettant l’insuffisance de l’effort consenti tant sur les plans de l’aide publique au développement que sur la question de la rétribution des matières premières. Nombre d’entre elles réclame l’extension de la mesure à des dizaines d’autres pays. Le Comité pour l’annulation de la dette du tiers monde s’inquiète «des effets d’annonce du G8». Selon le CADTM, l’initiative de Londres ne peut résoudre «ni le problème de la dette ni celui de la pauvreté». Le Comité réclame «l’annulation totale et immédiate de la dette extérieure publique de tous les pays en développement, qui est le principal obstacle à la satisfaction des besoins humains fondamentaux».
Après la réunion, le nouveau président de la Banque mondiale, l’Américain Paul Wolfowitz qui participait à la réunion de Londres, s’est envolé à destination de l’Afrique où il a entamé sa première tournée depuis sa prise de fonction. Première étape : le Nigeria. L’ancien proche collaborateur du président Bush, et ex-numéro 2 du Pentagone, est ensuite attendu au Burkina Faso, au Rwanda et en Afrique du Sud.
par Georges Abou (avec AFP)
Article publié le 12/06/2005 Dernière mise à jour le 12/06/2005 à 18:27 TU
1) Le G8 est composé de la Grande-Bretagne, du Canada, de la France, de l’Italie, du Japon, de l’Allemagne, des Etats-Unis et de la Russie.
2) Les 18 pays concernés sont : le Bénin, la Bolivie, le Burkina Faso, l’Ethiopie, le Ghana, le Guyana, le Honduras, Madagascar, le Mali, la Mauritanie, le Mozambique, le Nicaragua, le Niger, le Rwanda, le Sénégal, la Tanzanie, l’Ouganda et la Zambie.
3) Cameroun, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Malawi, République démocratique du Congo, Sao Tomé, Sierra Leone et Tchad.
4) Burundi, Comores, Côte d’Ivoire, Laos, Liberia, Birmanie, République centrafricaine, République du Congo, Somalie, Soudan et Togo.