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Immigration

Les enfants perdus des zones d’attente

Des policiers sont en faction devant la zone d'attente de l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle. Le temps de la rétention ne doit pas excéder 48 heures renouvelables une fois.(Photo: AFP)
Des policiers sont en faction devant la zone d'attente de l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle. Le temps de la rétention ne doit pas excéder 48 heures renouvelables une fois.
(Photo: AFP)
Un nouveau cas de mineur isolé retenu en zone d’attente à l’aéroport d’Orly, près de Paris, attire l’attention sur le sort de ces enfants, parfois très jeunes, qui ne sont pas admis à entrer sur le territoire français lorsqu’ils débarquent d’un avion sans les documents administratifs nécessaires. Cette fois-ci, il s’agit d’un petit Haïtien de 6 ans et demi arrivé via Fort-de-France pour rejoindre ses parents, qui résident en France depuis 4 ans et sont demandeurs d’asile.

La zone de rétention d’Orly ou celle de Roissy, ce n’est pas encore la France. On peut donc en être renvoyé pour prendre le premier avion vers le pays par lequel on était arrivé sans être soumis à une mesure d’expulsion. Même si on est un tout petit enfant. Le cas s’est d’ailleurs déjà produit. En janvier 2005, un jeune Ivoirien de 7 ans, qui était venu d’Abidjan en passant par Tripoli, a ainsi été placé dans la zone d’attente de l’aéroport Roissy Charles de Gaulle dès sa descente d’avion et a ensuite été «réacheminé», non vers son pays d’origine, mais vers la Libye où il avait transité. L’Anafe (l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers) a eu connaissance de cinq cas de mineurs de moins de 13 ans renvoyés pour les mêmes raisons depuis janvier 2005.

Bien sûr, cette pratique n’a rien de systématique. D’autres cas se sont résolus de manière nettement plus heureuse. Celui de Graziella, une petite Ghanéenne de 5 ans, qui s’est retrouvée bloquée, au mois de mai 2005, dans la zone d’attente de Roissy parce que ses papiers n’étaient pas en règle, par exemple. Elle a finalement été rendue à sa mère, qui était venue l’accueillir dès son arrivée en France, après avoir été placée dans un centre d’accueil le temps d’effectuer les vérifications d’identité et de filiation nécessaires. L’Anafe a eu connaissance des cas de six autres très jeunes enfants qui, comme elle, ont été admis à séjourner en France depuis le début de l’année.

Des lieux d’accueil inadaptés

Il est vrai que l’application de ces procédures de contrôle permet aussi de s’assurer qu’un jeune enfant n’est pas remis à des personnes qui n’ont aucun droit légal de s’en occuper et victime d’un éventuel trafic. Il n’empêche que les conditions dans lesquelles sont placées ces mineurs isolés le temps des vérifications posent problème. Et c’est à ce niveau que l’Anafe intervient pour dénoncer des mesures qui aboutissent parfois à envoyer des enfants des dans lieux totalement inadaptés pour les accueillir, dans lesquels leur hygiène, voire leur sécurité, ne peuvent être assurées en raison de la promiscuité avec des adultes et de l’incapacité des enfants à se protéger d’éventuelles violences. 

En théorie, un mineur isolé que la Police aux frontières décide d’envoyer en zone de rétention parce que ses papiers n’ont pas été établis en bonne et due forme et qu’il existe un doute sur son âge ou son identité, doit bénéficier d’un accompagnateur et de l’aide d’un administrateur ad hoc chargé de vérifier que les procédures sont respectées. Il est aussi prévu que des conditions d’hébergement adaptées aux besoins d’un enfant doivent lui être proposées. Dans la pratique, l’Anafe explique que la plupart du temps les enfants sont maintenus dans les mêmes pièces que les adultes durant la journée avant d’être conduits, le soir, vers un hôtel de la zone aéroportuaire.

Des informations contradictoires

La durée de la rétention en zone d’attente ne doit pas excéder 48 heures renouvelables une fois. Au-delà, un juge des enfants doit être saisi pour décider du sort du mineur. Dans ce contexte, ce que craignent les associations de défense des droits des mineurs étrangers, c’est que la décision de réacheminement des enfants ne soit prise très rapidement avant même qu’elles aient pu intervenir et leur apporter leur assistance juridique. Du point de vue de l’Anafe, tout enfant qui se présente aux frontières devrait avoir accès au territoire français et bénéficier du dispositif judiciaire de protection des mineurs et de l’aide sociale à l’enfance. Car le fait même de se trouver dans cette situation montre qu’il est de toute manière en danger. Le renvoyer d’où il vient, c’est-à-dire parfois dans un pays qui n’est pas le sien, sans se préoccuper de savoir s’il peut être pris en charge, ne peut donc que renforcer sa vulnérabilité.

Le cas du petit Haïtien, retenu depuis lundi 13 juin à Orly, s’inscrit dans cette problématique. Il a débarqué d’un avion en provenance de Fort-de-France muni de «faux documents» et a donc été transféré en zone d’attente. Ses parents se sont présentés pour le récupérer et ont fourni un acte de naissance dont la validité est en cours de vérification. Il s’agit, selon l’Anafe, de deux Haïtiens qui vivent en France depuis 4 ans et ont engagé une procédure de demande d’asile. Les informations concernant le respect des procédures d’assistance, notamment la nomination de l’administrateur ad hoc avant la signature du procès verbal de placement en zone d’attente, et les conditions d’hébergement de l’enfant sont contradictoires. La police aux frontières a précisé que tout avait été fait dans les règles, que l’enfant est accompagné d’une hôtesse d’Air Caraïbes et se trouve dans un local décent. Les parents prétendent le contraire. Cette situation montre au moins chose : l’accès à l’information sur ces centres de rétention est difficile.


par Valérie  Gas

Article publié le 16/06/2005 Dernière mise à jour le 16/06/2005 à 18:26 TU