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Immigration

Aïcha voulait rejoindre ses parents

Les cas de très jeunes enfants qui débarquent sans papiers et sans adulte en France sont rares. 

		(Photo : AFP)
Les cas de très jeunes enfants qui débarquent sans papiers et sans adulte en France sont rares.
(Photo : AFP)
Aïcha, une petite Congolaise âgée de huit ans, arrivée accompagnée d’une jeune femme béninoise munie d’un faux passeport diplomatique, a été retenue une semaine dans la zone d’attente de l’aéroport de Roissy, près de Paris. Le parquet de Bobigny chargé d’examiner le cas de cette enfant a finalement décidé de l’admettre sur le territoire français et de l’héberger dans un centre de la Croix Rouge, en attendant d’établir avec certitude son identité et de vérifier son lien de parenté avec les personnes qui se sont présentées aux autorités françaises comme ses parents.

Aïcha ne risque plus d’être expulsée. Elle a été conduite dans un centre de la Croix Rouge à Taverny, en région parisienne, et y sera hébergée le temps de mener les vérifications indispensables concernant son identité. Car la petite fille est arrivée en France de manière illégale, accompagnée par une jeune femme béninoise d’une trentaine d’années qui s’est présentée comme sa mère et qui, selon la police, disposait d’un faux passeport diplomatique. Cela lui a valu d’être placée avec son accompagnatrice dans la zone d’attente de l’aéroport de Roissy, où avait atterri son avion en provenance de Lomé, au Togo, le 19 avril.

Le dossier de la petite fille a suivi le parcours classique des demandeurs d’asile qui se présentent aux frontières sans remplir toutes les conditions administratives et sont retenus par la police avant d’entrer sur le territoire. Il a été examiné au bout de quatre jours par le tribunal de grande instance de Bobigny qui a décidé de maintenir la petite fille en zone d’attente pour 48 heures supplémentaires. Le recours des avocats des parents de l’enfant, qui étaient présents à l’audience, devant la Cour d’appel de Paris, a abouti au même résultat: la prolongation du séjour d’Aïcha à Roissy. Les documents présentés pour prouver le lien de filiation entre le couple Kitoko et la petite Congolaise, ont été jugés insuffisants.

Vérifier les liens familiaux

Finalement, en décidant, le 26 avril, de sortir Aïcha de la zone d’attente sans la confier immédiatement à ses présumés parents, le juge du parquet de Bobigny a mis fin à une situation intenable pour une enfant si jeune, tout en prenant des précautions afin de vérifier que les personnes qui la réclament font réellement partie de sa famille. L’enquête devra aussi déterminer, selon Patrick Delouvin de l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafe), si ces derniers ont les moyens de s’occuper d’elle. Car le couple Kitoko, qui a quitté le Congo démocratique il y a trois ans, vit actuellement dans des conditions très précaires. Il fait partie de ces demandeurs d’asile hébergés dans des chambres d’hôtels, faute de place dans les foyers d’accueil, dont le sort n’est pas encore scellé. Ils ont, en outre, plusieurs enfants déjà à leur charge. S’il s’avérait finalement qu’Aïcha n’est pas leur fille ou qu’ils ne peuvent pas assumer son éducation pour le moment, elle demeurera sous la protection des services français de l’aide sociale à l’enfance.

Le drôle de périple de cette petite fille éloignée de ses parents depuis plusieurs années a toutes les chances de connaître une fin heureuse. Malgré quelques jours difficiles dans la zone d’attente de Roissy et de grosses angoisses, elle a pu rester en France et ne s’est pas retrouvée dans le premier avion pour le pays d’où elle était partie. Ce n’est pas le cas d’un petit Haïtien, arrivé dans les mêmes circonstances au mois de janvier 2004. Anne-Sophie Wender, permanente à Amnesty international et à l’Anafe, explique en effet, que ce jeune garçon de 11 ans a débarqué à l’aéroport de Roissy avec une adulte qui a été refoulée et qu’il n’a donc pas été déclaré mineur isolé. Il a, du coup, été lui aussi renvoyé dans les 24 heures suivantes dans son pays, sans qu’aucune démarche n’ait été faite préalablement pour s’assurer qu’une personne pouvait le prendre en charge à son retour en Haïti. Les associations n’ont pas eu le temps de réagir avant l’expulsion de l’enfant, contrairement à ce qui s’est passé pour Aïcha. Elles n’ont pu que prévenir leurs correspondants sur place pour que le jeune garçon soit accueilli à son arrivée.

Ces cas de très jeunes enfants qui arrivent sans papiers et sans adulte légalement responsable d’eux, ne sont toutefois pas courants. La plupart du temps, les mineurs isolés qui débarquent sur le sol français dans ces conditions ont entre 15 et 18 ans, explique Patrick Delouvin. Sur les 514 jeunes qui ont ainsi fait une demande d’asile auprès des autorités françaises en 2003, 349 ont reconnu avoir plus de 16 ans. Il n’empêche que lorsque de telles situations se présentent, les procédures doivent être aménagées. Patrice Blanc, le secrétaire général du Défenseur des enfants, a ainsi estimé à propos du cas de la petite Aïcha que la décision prise par le tribunal de Bobigny était «la bonne solution» mais qu’elle avait été trop «tardive». Il a aussi expliqué: «En théorie, pour les jeunes enfants, la procédure prévoit au moins de les placer en hôtel sous la garde d’une nounou. Le fait de les retenir en zone d’attente est un élément nouveau».



par Valérie  Gas

Article publié le 27/04/2004 Dernière mise à jour le 27/04/2004 à 15:58 TU