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France

La police ouvre ses archives de l’Occupation

Photo prise en 1942 de l'embarquement de personnes d'origine juive, dans des wagons de marchandises, au camp de Drancy (région parisienne), pour être déportés vers les camps de concentration allemands.(Photo: AFP)
Photo prise en 1942 de l'embarquement de personnes d'origine juive, dans des wagons de marchandises, au camp de Drancy (région parisienne), pour être déportés vers les camps de concentration allemands.
(Photo: AFP)
La préfecture de police de Paris et le Mémorial de la Shoah ont signé jeudi une convention d’échange de leurs archives concernant la période de l’occupation, lors de la seconde guerre mondiale. Ces archives, longtemps bloquées par la préfecture, confirment l’implication et la brutalité de l’Etat et sa police dans la déportation des juifs de France.

L’écriture de l’histoire de France se poursuit et l’ouverture des archives de la préfecture de police de Paris n’en est pas un détail. La signature, jeudi 14 juin, d’une convention d’échange des archives, sur la période 1940-1944, entre le Centre de documentation juive contemporain et la Préfecture de police de Paris est le dernier épisode d’un long processus visant à manifester le souci de la République que le temps est venu de porter un regard non plus partisan mais historique sur l’une des pages les plus sombres de l’histoire national. Cette volonté de transparence tardive porte une date : 1995, lorsque Jacques Chirac, président de la République fraîchement élu reconnaît de façon inédite la responsabilité de l’Etat dans la déportation des juifs.

C’est aujourd’hui un fait incontestable, mais au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les nécessités de la réconciliation nationale ont largement occulté des pans entiers de la collaboration du régime avec l’ennemi, dont la police fut alors l’un des outils les plus efficaces. Les juifs, dont il est question aujourd’hui, ne sont pas la seule catégorie pourchassée par la police française qui s’illustre aussi, lors de la période, dans la traque aux résistants, aux étrangers (notamment les républicains espagnols) et aux communistes.

«La préfecture a détruit des tonnes de documents»

Environ 75 000 juifs raflés en France par la police ont péri dans les camps d’extermination nazis. Mais les trois-quarts des juifs de France ont survécu à l’épreuve, grâce à la solidarité de leur compatriotes et au courage de nombreux membres des forces de l’ordre qui n’ont pas fait leur travail correctement ou qui ont prévenu leurs victimes de l’imminence de leur arrestation. Néanmoins ce furent des décisions individuelles. Jusqu’à la veille de la libération de Paris, alors que l’insurrection va enflammer la capitale, la police parisienne demeure légaliste, autrement dit : collaborationniste.

C’est le 18 août 1944 que la police parisienne rejoint finalement l’appel, lancé dés le 10, par le chef des Forces françaises de l’intérieur, le colonel Rol-Tanguy. Plusieurs milliers de policiers passent avec armes et bagages dans le camp des insurgés et participent à cet événement fondateur de l’après-guerre que constitue la libération de Paris. Le 12 octobre, la police parisienne est citée à l’ordre de la Nation avec attribution de la Légion d’honneur et de la croix de guerre. Le général de Gaulle félicite alors «les courageux gardiens de la paix qui ont donné un bel exemple de patriotisme et de solidarité». En 1948, raconte au Figaro le chasseur de nazis Serge Klarsfeld, «la préfecture de police a détruit des tonnes de documents ( …) et notamment les procès-verbaux de toutes les arrestations individuelles, ou de la rafle du Vel’ d’Hiv», au cours de laquelle environ 12 000 juifs, hommes, femmes, enfants, ont été arrêtés en juillet 1942.

Un cadavre dans le placard national

Aujourd’hui que l’antisémitisme d’Etat n’est plus un cadavre dans le placard national, «ces archives ne sont plus sulfureuses», ajoute le fondateur de l’Association des fils et des filles de déportés. Avec cette mise à disposition des archives, «chacun va pouvoir, calmement, dans un lieu approprié, rechercher l’histoire de ses parents, de sa famille (…) consulter les documents originaux, distinguer dans la grande histoire des itinéraires individuels», précise M. Klarsfeld. Les chercheurs, eux, ont accès aux archives de la préfecture depuis 1982, lorsqu’elles se sont entr’ouvertes à l’initiative du l’ancien ministre de l’Intérieur Gaston Defferre.

Mais pour la préfecture, jusqu’alors érigée en forteresse autour de ses dossiers jusqu’alors impubliables, «il s’agit d’un acte fort, porteur de symbole (qui) permettra d’abord de réunir des documents essentiels afférents à la comptabilité du camp de Drancy (et qui) comporte aussi tout ce qui illustre avec précision le contexte politique et administratif d’une période troublée et complexe». Reconnaissant dans son discours que «ces documents prouvent la dureté des contrôles et des exactions qui ont pu être accomplis sous les ordre d’un gouvernement complice de l’occupant», le préfet de Paris, Pierre Mutz a annoncé que tous les jeunes policiers affectés à Paris devront dorénavant faire une visite au Mémorial de la Shoah.


par Georges  Abou

Article publié le 17/06/2005 Dernière mise à jour le 17/06/2005 à 17:54 TU