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Etats-Unis

L’éminence grise de Bush sur la sellette

Karl Rove et George W. Bush.(Photo: AFP)
Karl Rove et George W. Bush.
(Photo: AFP)
George Bush obligé de se séparer de l’un de ses plus proches conseillers ? La question est plus que jamais d’actualité depuis que la presse américaine a révélé que Karl Rove, l’un des personnages les plus puissants à Washington, était bien l’homme à l’origine des fuites qui ont conduit à la révélation de l’identité d’un agent de la CIA, Valerie Plame, et cela dans le seul but de discréditer son mari qui s’était montré violemment hostile à la guerre en Irak. Cette affaire est prise très au sérieux dans la mesure où, s’apparentant à une trahison, elle est considérée comme un crime fédéral, passible de peine de prison.

En politique tous les coups sont permis, a-t-on coutume de dire. Mais il faut croire que Karl Rove est allé beaucoup trop loin. Et si d’aventure il échappe à une sanction judiciaire –ce qui est loin d’être exclu– l’avenir politique de celui que l’on considère comme l’éminence grise de George Bush est désormais des plus incertains. L’homme qui compte parmi les personnalités les plus puissantes de Washington –il est la fois conseiller du président et secrétaire général adjoint de la Maison Blanche–, est en effet aujourd’hui discrédité pour son rôle dans le scandale Plame-Wilson. Un scandale dont s’est d’ores et déjà emparée l’opposition démocrate pour réclamer sa tête. George Bush ne s’était-il pas engagé à «démettre quiconque organiserait des fuites» dans son administration ? 

L’affaire remonte au 6 juillet 2003. Dans une tribune publiée par le New York Times, l’ancien ambassadeur Joseph Wilson, spécialiste de l’Afrique qui s’était rendu au Niger en février 2002, à la demande de la CIA, pour enquêter sur un éventuel trafic nucléaire avec l’Irak, accusait l’administration Bush d’avoir manipuler les informations de l’agence de renseignement «pour exagérer la menace irakienne». Il démentait notamment vigoureusement l’argument, maintes fois brandi par le président américain, selon lequel Saddam Hussein avait cherché à obtenir de l’uranium au Niger. Huit jours plus tard, l’éditorialiste conservateur Robert Novak minimisait ces accusations, laissant entendre, en citant «deux hauts responsables de l’administration Bush», que l’ambassadeur Joe Wilson n’avait dû sa mission en Afrique qu’à l’intervention de sa femme, agent de la CIA dont il dévoilait au passage l’identité. L’information a ensuite été reprise par d’autres journaux, dont le Time, mettant un terme à la carrière d’espionne de Valerie Plame.

Profil bas à la Maison Blanche

Le but était clair : discréditer l’ambassadeur Wilson. Ce dernier a d’ailleurs ouvertement accusé l’administration Bush d’avoir voulu lui nuire personnellement en divulguant le nom de son épouse. L’affaire avait été prise très au sérieux et une enquête immédiatement ouverte, un procureur spécial s’efforçant depuis deux ans de découvrir l’origine de la fuite. Le nom de Karl Rove a été très vite cité, notamment par Joe Wilson lui-même, mais la Maison Blanche s’est empressée de balayer ces accusations. En septembre 2003, Scott McClellan, le porte-parole de George Bush affirmait en effet : «le président sait que Karl Rove n’y est pour rien. C’est une idée ridicule… Si quelqu’un était impliqué, il ne ferait plus partie de cette administration».

Mais les révélations la semaine dernière du magazine Newsweek ont mis un terme à cette belle assurance. L’hebdomadaire affirme en effet que l’homme qui a dévoilé l’identité de Valerie Plame n’est autre que Karl Rove. Et de publier un e-mail d’un journaliste du Time, Matt Cooper, adressé à sa direction peu après un entretien avec le conseiller du président. «C’est, a dit K. R., la femme de Wilson qui semble travailler à l’agence sur les armes de destruction massive, qui a autorisé le voyage (de son mari en Afrique)», peut-on lire. Depuis, la Maison Blanche fait profil bas. «Je ne fais pas de commentaire sur une enquête en cours», affirmait en début de semaine le porte-parole de la présidence, Scott McClellan. Mercredi George Bush renchérissait en déclarant qu’il serait «plus que content de commenter ce sujet une fois que l’enquête sera achevée». Et le président d’insister : «c’est très important que les gens ne préjugent pas de l’issue de l’enquête à partir des informations publiées par les médias». Un soutien bien mince pour celui qui fut l’architecte de sa réélection à la Maison Blanche.

Face aux révélations de Newsweek, l’avocat de Karl Rove n’a pu que confirmer l’authenticité de l’e-mail publié par l’hebdomadaire. Robert Luskin, a en effet reconnu que son client s'était bien entretenu avec le journaliste de Time «sous le sceau du plus grand secret», mais, a-t-il ajouté, «il n'essayait pas de lui faire dire quoi que ce soit sur la femme de Wilson». Selon lui, le conseiller du président n'a rien fait d'illégal puisqu'il n'a pas divulgué en toute connaissance de cause l'identité de Mme Plame. «Karl Rove n'a jamais sciemment révélé des informations confidentielles et il n'a jamais dit à un journaliste que Valerie Plame travaillait pour la CIA», a-t-il notamment déclaré.

Et cette confiance affichée par Robert Luskin n’est pas que feinte. Une loi de 1982 stipule en effet qu’il faut avoir «brûlé» la couverture d’un espion «en connaissance de cause» et «dans le but de nuire à la sécurité nationale» pour que cela constitue un crime. Or Karl Rove n’a semble-t-il jamais prononcé le nom de Valerie Plame.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 14/07/2005 Dernière mise à jour le 14/07/2005 à 17:03 TU