Environnement
Mali : Nanguila empoisonné aux pesticides
(Photo : AFP)
C’est à quelque 100 kilomètres au sud de Bamako, dans le village de Nanguila, que «40 000 litres d’insecticides, 400 kg de fongicide et un millier de litres d’herbicides», selon l’AFP sont entreposés à même le sol sans autres formes de sécurité au milieu de champs de coton et de céréales. Et ce qui devait arriver arriva ! Une forte odeur de produits chimiques envahit l’atmosphère et des pâturages semblent bien empoisonnés. La peur s’est emparée des villageois lorsque des bêtes sont mortes après avoir brouté de l’herbe autour des dépôts de pesticides.
Les villageois craignant pour leur santé ont aussi pris la tangente pour se réfugier dans les villages voisins où l’intoxication semble moindre. C’est à la persistance des odeurs que les «fuyards» déterminent le degré d’intoxication et choisissent de s’établir ou non dans un lieu. Les autorités locales ont demandé au pouvoir public de prendre ses responsabilités en «débarrassant leur région de ce poison». Selon l’AFP des fiches médicales de nombreux centres de santé indiquent bien l’évolution constatée des maladies respiratoires qui pourraient être liée à l’intoxication des pesticides.
Pour éliminer les stocks de pesticides périmés, le récurrent problème des moyens revient sur le tapis. «Pour éliminer une tonne de pesticides périmés, il faut près de 4 000 dollars», (plus de 3 millions de francs CFA), déclare N’do Koné, un responsable malien chargé de la protection des végétaux. En effet plusieurs organisations non gouvernementales et bailleurs de fonds se sont engagés dans des programmes d’élimination des pesticides qui débuteront prochainement au Mali, en Tunisie, au Maroc, au Nigeria, en Tanzanie, en Afrique du Sud et en Ethiopie.
Un problème récurrentL’élimination des stocks périmés de pesticides resurgit aujourd’hui avec acuité alors qu’elle est régulièrement abordée depuis quelques années, dans les institutions internationales. L’évocation des problèmes et souvent les moyens mis à dispositions n’auraient-ils pas été suivis de résultats ? En tout cas, dès le début des années 90 des études avaient été faites sur les problèmes de toxicité, des dommages causés à l’environnement et des coûts engendrés par l’usage de ces produits. Le Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS), l’Institut du Sahel (INSAH) et la FAO s’étaient portés aux devants des problèmes soulevés en publiant des études appropriées.
Mais les résultats mitigés ont conduit les pays africains à demander à nouveau l’aide internationale. La FAO, la Commission économique pour l’Afrique (ONU), la Banque mondiale et de nombreuses ONG ont alors participé à la création en 2002 à Addis-Abeba (Ethiopie) à la création du Programme africain relatif aux stocks de pesticides obsolètes (PAPS). L’élimination définitive de tous les stocks de pesticides périmés, de matériaux, d’équipements contaminés, des bâtiments et sols, étaient des objectifs très ambitieux assignés à la nouvelle organisation qui disposaient d’un fonds de 36 milliards de franc CFA du Fonds mondial pour l’environnement. Sept pays africains avaient été désignés pour accueillir le programme.
Avant le terme de la première phase d’évaluation en 2006, le constat est plutôt inquiétant. Malgré la volonté affichée du CILSS qui organise des séminaires sur la question, avec des thèmes chocs, «Pesticides d’accord, mais santé et environnement d’abord», la mobilisation, la formation, l’information et la sensibilisation pour une meilleure prise de conscience des risques liés à l’utilisation des pesticides restent un échec. Il n’est pas rare de retrouver dans des usages privés, les emballages des pesticides déclarés périmés et stockés. Il apparaît aussi évident que certains produits dont les emballages ont été récupérés ont pu servir dans des plantations ou recyclés à d’autres fins. Dans ces conditions, il est difficile d’isoler l’intoxication due à l’usage des produits purs à celle des pesticides obsolètes.
Les différentes contaminations signalées sont aussi l’échec d’un certain Comité sahélien des pesticides (CSP) dont la mission principale est la préservation de la santé des populations, des animaux et la promotion des modes de cultures et le respect de l’environnement. Au Mali, le Comité national de gestion des pesticides, (CNGP), qui est un relais local du CSP et un cadre de réflexions au service de tous les acteurs et usagers des pesticides devrait aussi faire des propositions de gestions des sites et stocks classés dangereux et participer à une sensibilisation des populations aux risques encourus… Les informations collectées par cet organisme n’ont pas dû être mises à la disposition des populations du village Nanguila.
par Didier Samson
Article publié le 20/07/2005 Dernière mise à jour le 20/07/2005 à 08:01 TU