Agriculture
Les pesticides, ou comment s'en débarrasser
(photo : AFP)
Près de 70 000 produits chimiques sont commercialisés un peu partout dans le monde et malgré cette très grande variété, 1 500 molécules nouvelles sont mises sur le marché chaque année. La Convention de Rotterdam, en vigueur depuis 2004, reconnaît désormais le danger potentiel de ces produits, leur gestion représentant un défi pour les gouvernements, notamment en matière de contrôle. Le traité met également l’accent sur le fait que parmi tous ces produits chimiques, un grand nombre de pesticides sont désormais interdits dans les pays industrialisés. D’autres sont encore utilisés mais de manière très réglementée. D’autres enfin continuent d’être commercialisés et utilisés dans les pays en développement.
«Dans beaucoup de pays en développement, les conditions ne permettent pas aux petits paysans d’utiliser sans danger des pesticides à haute toxicité. Il en résulte de dégâts permanents aussi bien sur la santé des agriculteurs que pour l’environnement» déclarait Jacques Diouf, Directeur général de la FAO, au moment de l’entrée en vigueur du traité. « La mise en œuvre de la Convention aidera les pays à réglementer l’accès aux pesticides reconnus pour leurs graves effets sur la santé et l’environnement, ainsi qu’aux pesticides extrêmement toxiques, que les petits paysans des pays en développement ne peuvent pas manipuler en toute sécurité », déclarait encore Jacques Diouf.
Officiellement, 50 000 tonnes
La Convention donne aux organisations internationales un droit de regard sur le marché des pesticides notamment. Auparavant, l’entrée et la sortie de pesticides d’un pays était une donnée purement commerciale, leur utilisation par les agriculteurs, une affaire privée. Quant aux dépôts sauvages de substances périmées ou dangereuses, tout le monde fermait les yeux sur une pratique qui ne concernait pas que les pesticides. La décharge sauvage a longtemps permis de se débarrasser de produits trop coûteux à détruire.
Dans les années 80, la catastrophe de Bhopal (Inde) et l’errance sur les mers de plusieurs bateaux chargés de produits toxiques ont mis au grand jour le problème du devenir des substances dangereuses. Concernant les pesticides, un premier inventaire a été fait. 50 000 tonnes de pesticides périmés ou interdits ont été retrouvés en Afrique. Il s’agit des stocks connus de substances chimiques conservées dans des fûts souvent endommagés, qui fuient.
«Les 50 000 tonnes de pesticides périmés en Afrique sont stockés dans de mauvaises conditions, des puits sont contaminés, les aliments et les cours d’eau aussi. Il y a danger, il faut faire vite » a indiqué Abou Thiam, coordinateur régional de Pesticide Action Network, une ONG internationale en réseau ayant un bureau à Dakar. «Ces pesticides obsolètes tuent, il y a des intoxications, il faut rassembler les stocks les détruire par les moyens les plus modernes », demandait le représentant de l’association à l’occasion de cette réunion de Bamako.
Impliquer les industries
Une nouvelle étude de la FAO, l’organisation des Nations unies pour l’agriculture indiquait il y a quatre ans que les stocks de pesticides étaient certainement beaucoup plus importants partout dans le monde que les stocks déjà connus. Pour l’Afrique, les quantités seraient de l’ordre de 100 000 tonnes.
Les organisations internationales ne se sont pas encore attelées au devenir de ces nouvelles décharges, mais dans le cadre de la Convention de Rotterdam, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), le Réseau d’action contre les pesticides (PAN), le Fonds mondial pour la nature (WWF), ont commencé à travailler à l’élimination de ces pesticides, dont l’existence est reconnue dans l’inventaire officiel. La Banque Mondiale est impliquée dans ces projets. La FAO a également demandé aux fabricants de financer le processus d’élimination car, estime l’organisation agricole, les agences d’aide des pays donateurs ne sont pas à même de couvrir la totalité des coûts. L’industrie s’est engagée il y a plusieurs années déjà à participer à l’incinération de ces substances périmées mais jusqu’à présent leur contribution est restée dérisoire. Les pays africains n’ont pas les fours nécessaires à la destruction de ces substances, il faut les transporter dans des pays industrialisés, ce qui entraîne la protestation des écologistes locaux et pose le problème du coût.
La formation des agriculteurs
En dehors des stocks officiels et officieux de pesticides anciens, il y a également la montée inexorable de l’utilisation des pesticides dans l’agriculture africaine. «Bien que l’utilisation des pesticides en Afrique soit inférieure à celle des autres continents en raison de la pauvreté et de l’instabilité des précipitations, on note un usage intensif de ces produits dans certaines régions, notamment dans les grandes exploitations agricoles, les périmètres cultivés périurbains et les plantations de cultures de rente». Le chef du service de la protection des plantes à la FAO préconise donc une «assistance technique accrue» aux agriculteurs africains. En Asie, les programmes nationaux de lutte intégrée contre les ravageurs ont fait leurs preuves. Ils ont permis de réduire de 70% l’utilisation des pesticides tout en obtenant des rendements plus importants en riziculture. En Asie, un million de paysans ont reçu une formation pour savoir mieux utiliser les produits chimiques en fonction des conditions météo et des sols.
Au moment où l’Afrique cherche des solutions pour se débarrasser des pesticides, un rapport parlementaire montre les dangers d’une substance, le chlordécone, commercialisé aux Antilles françaises entre 1981 et 1990, et même jusqu’en 1993 suite à deux dérogations. Le chlordécone servait lutter contre le charançon, un insecte amateur de bananes. Mais des traces de ce produit chimique ont été découvertes dans l’eau potable. Des analyses ont également détecté des résidus de ce produit dans des cultures de base de l’alimentation antillaise, dachine (chou) et igname. Les auteurs du rapport demandent une formation continue à l’usage des pesticides pour les agriculteurs de métropole comme d’Outre-mer.
par Colette Thomas
Article publié le 18/07/2005 Dernière mise à jour le 18/07/2005 à 17:02 TU