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Agriculture

Des criquets sur le sol français

L'Europe a déjà eu à faire face à des invasions de criquets, comme ici dans les iles Canaries, en novembre 2004.(photo : AFP)
L'Europe a déjà eu à faire face à des invasions de criquets, comme ici dans les iles Canaries, en novembre 2004.
(photo : AFP)
Plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et du Nord subissent régulièrement des invasions de criquets. De nouveaux moyens de lutte biologique commencent à faire leurs preuves. Dans le même temps, des nuages de criquets viennent de ravager l’Aveyron, dans le sud de la France.

Cet été, le sud de l’Aveyron est très sec. La préfecture vient d’ailleurs de prendre de nouvelles mesures de restriction d’eau dans une trentaine de communes du département. Les particuliers sont mis à contribution mais également les agriculteurs. Leur tour d’arrosage reviendra moins vite et l’interdiction d’arroser les prairies, les champs de luzerne et de sorgho est totale.

Cette sécheresse persistante a provoqué un phénomène presque inédit dans la région : une invasion de criquets. En fait, ils sont nés sur place en raison des conditions météo. Le printemps déjà a été sec et il n’y a pas eu de pluies intermédiaires avant l’été, pas la moindre goutte d’eau pour les terres ni pour les cultures. Du coup, la population de criquets s’est développée.

Le manque de pluie et les criquets

Quand il pleut, explique Guy Bernatte, agriculteur dans cette région, des bactéries naissent dans le sol, elles tuent les criquets. Ces bactéries forment un champignon qui s’installe sous les ailes de ces insectes et provoque leur étouffement. L’insecte cherche de l’air, monte sur la tige de la plante, de la luzerne par exemple, qu’il avait l’intention de dévorer et c’est en haut de cette tige que l’agriculteur le retrouve mort.

Ce n’est pas la première fois que ce «criquet à ailes rouges», Psophus stridulus, prospère en Aveyron. En 1987, l’exploitation de Guy Bernatte avait déjà été touchée. Cette fois-là, ils s’étaient déplacés en nuage. «Ils avaient recouvert la maison et ensuite, plus rien dans le jardin», raconte cet agriculteur qui élève des brebis laitières et fabrique du Roquefort. Dans cette zone de montagne sèche, qui ressemble aux Cévennes, il y a peu d’herbe donc peu de bêtes, une à deux brebis à l’hectare. Etant donné la sécheresse, les brebis sont actuellement à l’étable et commencent à manger le fourrage de l’hiver prochain.

Les criquets n’arrangent rien alors que la région subit la sécheresse. La Chambre d’agriculture de Rodez a recommandé aux agriculteurs «de rentrer sans délai leurs récoltes de luzerne notamment, la communauté agricole se trouvant prise de court par ce phénomène inhabituel dans le département». Les invasions de criquets sont si rares en France que les instituts spécialisés en agronomie ne travaillent pas sur ces insectes.

Les même conditions météo ici qu’en Afrique

La chambre d’agriculture régionale a cependant fait des essais pour choisir le traitement insecticide le plus  adapté à la situation. «Il s’agit de trouver un produit fatal au criquet mais auquel résistent d’autres espèces, comme l’abeille notamment», indique un spécialiste. L’insecticide choisi doit être inoffensif pour le bétail lorsqu’il mangera cette herbe qui aura été chimiquement traitée.

Les îles Canaries, elles aussi, ont subi en 2004 une invasion de criquets. L’archipel espagnol est relativement proche du Maroc et il est difficile de savoir si ces phénomènes, jusqu’à présent limités à l’Afrique de l’Ouest et du Nord, sont en train de toucher l’Europe du fait du réchauffement de la planète et des changements climatiques. Depuis une trentaine d’années, les Africains ont cherché à limiter les pulvérisations de produits chimiques sur les cultures, dont les résidus sont nocifs pour l’homme et pour les produits agricoles. La naissance des larves est maintenant très surveillée afin de les détruire avant qu’elles deviennent insectes. Et surtout des moyens de lutte biologique viennent de faire leurs preuves.

Des essais en plein champ et à grande échelle ont été réalisés en Algérie avec une arme biologique pour lutter contre les invasions de criquets pèlerins et ces essais, menés sous l’égide de la FAO, ont été couronnés de succès. Un bio-pesticide à base de Metarhizium anisopliae a été pulvérisé sur plus de 1 400  hectares de terre infestés de larves. Les criquets ont été rapidement affaiblis et au bout de quatre jours ils rampaient sur le sol avant d’être mangés par les oiseaux, les lézards, et les fourmis.

La solution biologique

Le Metarhizium anisopliae est un champignon qui provoque la mort des larves par inanition au bout d’une semaine ou trois maximum. Il est devenu agent de lutte biologique en agriculture grâce aux travaux de plusieurs chercheurs canadiens. Ils ont réussi à protéger les champs de pomme de terre d’un ver de terre local, le taupin, en mettant au point ce procédé qui permet d’éviter les insecticides chimiques.

L’essai réalisé en Algérie a été mené dans des conditions de température optimale qui ont favorisé le développement du champignon. D’autres essais doivent être réalisés dans des conditions moins idéales afin d’évaluer le potentiel du produit et ses limites. «Il ne présente aucune toxicité pour l’homme», indique l’organisation onusienne et provoque la mort d’un faible  nombre d’insectes et il est sans danger pour l’environnement.

Un produit sud-africain

L’utilisation de cet insecticide biologique reste pour le moment plus coûteuse que les produits chimiques classiques. Toutefois, son prix devrait baisser lorsque les ventes se feront à plus grande échelle. Cet insecticide biologique a d’autres avantages. Il demande moins de précautions lors des manipulations et moins de matériel de protection. C’est en Afrique du Sud que ce nouveau produit agricole a été mis au point. Il est commercialisé sous la marque déposée «Green Muscle». Qui sait si les agriculteurs français s’en serviront. Car il est difficile de savoir s’il y a d’autres alertes au criquet en France. S’ils ont envahi la garrigue languedocienne et mangent ce qu’ils peuvent, il n’y a personne pour le voir puisqu’il n’y a pas d’exploitations agricoles.


par Colette  Thomas

Article publié le 15/07/2005 Dernière mise à jour le 15/07/2005 à 16:46 TU