Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Agriculture

Un moratoire sur les essais OGM en plein champ ?

Manifestation, le 2 avril 2005 devant l'usine Cargill à Brest, contre l'importation de soja transgénique destiné à l'alimentation animale.(Photo : AFP)
Manifestation, le 2 avril 2005 devant l'usine Cargill à Brest, contre l'importation de soja transgénique destiné à l'alimentation animale.
(Photo : AFP)
Devant la réticence des Français sur les OGM, la baisse de la recherche agronomique dans ce secteur, et le recul de la filière industrielle correspondante, une mission parlementaire se prononce pour des essais en plein champ, de manière plus encadrée.

«Les avantages des biotechnologies sont-ils plus importants que les risques ?». A cette question posée par un institut de sondage canadien, qui a effectué son enquête en collaboration avec des instituts de sondage nationaux, la Chine arrive en tête ; 72% des personnes interrogées estiment les avantages plus importants que les risques. Suivent l’Inde, les Etats-Unis et le Mexique. Sur les quinze pays qui ont participé à cette enquête mondiale, la France arrive en dernière position : 22% seulement des personnes interrogées estiment que les biotechnologies présentent plus d’avantages que d’inconvénients.

La mission parlementaire qui a élaboré un nouveau rapport sur les OGM a inclus ce sondage mondial dans son état des lieux. Et pour rassurer les Français,  cette mission propose une sorte de moratoire. Il n’y aurait plus de nouvelle autorisation donnée pour faire des essais de cultures de plants en plein champ tant qu’une nouvelle réglementation ne sera pas mise en place pour encadrer de manière plus rigoureuse ces cultures à part. Les procédures d’homologation destinées à mettre sur le marché de nouvelles variétés seraient donc gelées. Le groupe de parlementaires ne cache pas qu’il est favorable aux cultures génétiquement modifiées. Il souhaite une « pause » pour l’année 2005 afin de renforcer le régime d’autorisation. Ce nouveau processus sera codifié dans une loi. Elle est en préparation et le gouvernement devrait la présenter au Conseil des ministres en juin ou en octobre prochain.

La menace sur les essais en plein champ

Ce moratoire, cette pause, ont pour but de mettre fin au blocage  que connaît actuellement la France sur l’utilisation des organismes génétiquement modifiés en agriculture. L’année dernière, sur 48 cultures expérimentales en plein champ, 27 ont été détruites par des manifestants anti-OGM. La publication de ce nouveau rapport coïncide d’ailleurs avec un nouveau bras de fer juridique entre les faucheurs d’OGM et la justice. La cour d’appel de Toulouse (sud-est de la France) vient de refuser à 222 militants d’être jugés avec 9 responsables politiques et syndicaux qui, eux, sont poursuivis pour le fauchage d’une parcelle OGM le 25 juillet 2004 en Haute Garonne. « C’est une volonté de pratiquer une justice à la tête du client, en faisant une sélection arbitraire de quelques responsables connus », s’est indigné Noël Mamère, député Verts de Gironde et qui fait partie des prévenus dans cette affaire.

José Bové, l’ancien porte-parole de la Confédération Paysanne, sera lui aussi jugé dans cette affaire. Au moment où les parlementaires français rendaient public leur rapport dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, le syndicaliste donnait une conférence de presse improvisée dans les couloirs du bâtiment et se montrait menaçant : « Si les ministres compétents n’instaurent pas un moratoire sur les essais en plein champ dès 2005, les faucheurs volontaires repasseront à l’action le 18 juin ».

Le rapport contourne la question cruciale du voisinage des cultures OGM et non OGM en se prononçant contre « le zéro contamination » que réclame l’agriculture biologique, qui « interdirait, de fait, toute culture d’OGM ». Des incertitudes demeurent en effet sur le risque de transfert de gènes modifiés, qui deviendraient résistants, et contamineraient la flore sauvage. La réalisation des essais en milieu confiné ou sous serre, comme le réclament les écologistes, est jugée « impossible » car elle présente de nombreuses difficultés pour reproduire les conditions de croissance des plantes comme dans le milieu naturel.

Le dépérissement de la recherche

Comme « le zéro contamination » paraît impossible à tenir, la mission parlementaire souhaite qu’une trace de 0,9% d’OGM soit autorisée dans les plantes cultivées par l’agriculture classique, ce seuil correspondant déjà à la législation européenne. L’agriculture biologique, elle aussi, serait soumise à ce seuil et devrait renoncer à cultiver des plantes indemnes de toute modification génétique. Ce voisinage entre les différents types de cultures reste un problème non résolu.

La mission parlementaire se préoccupe du dépérissement de la recherche scientifique dans le domaine des biotechnologies. Si les travaux dans le domaine médical sont continus et bien acceptés par l’opinion, il n’en est pas de même pour le secteur agronomique. L’opposition des Français, la réticence des agriculteurs, le fauchage des parcelles expérimentales ont amenés les laboratoires à stopper les programmes de recherche sur les plantes génétiquement modifiées. Un seul programme public, piloté par l’Inra (Institut national de la recherche agronomique) et ouvert à d’autres instituts de recherche français, va être financé par la toute nouvelle agence nationale de recherche. Ce financement à hauteur d’un ou deux millions d’euros est faible par rapport à la recherche aux Etats-Unis ou en Chine où la recherche publique et privée sur les OGM se chiffre en millions d’euros. Côté recherche privée, étant donné le blocage français, les entreprises qui continuent à faire de l’expérimentation sur les OGM ont délocalisé leurs chercheurs aux Etats-Unis.

Des OGM pour nourrir la planète ?

Sur l’idée qui consiste à affirmer que les OGM peuvent nourrir le monde, le rapport parlementaire relate les effets bénéfiques des plantes génétiquement modifiées. Exemple, en Chine, le coton Bt a permis à des agriculteurs, surtout ceux qui possèdent de petites exploitations, d’augmenter de manière conséquente leurs rendements. Des résistances aux pesticides chimiques s’étaient développées, pesticides qui servaient déjà à lutter contre la chenille du coton. Plus globalement, le rapport indique par ailleurs : « La question principale que pose le développement des biotechnologies dans les pays du Sud est celle de la domination économique que pourraient exercer quelques grands groupes agro-chimiques propriétaires des brevets d’insertion de gênes nouveaux et des produits phytosanitaires associés. On a vérifié dans l’exemple des génériques que « les industriels mondialistes » ne sont pas des philanthropes : c’est sur le terrain économique que devrait porter nos discussions dans les enceintes internationales. Votre rapporteur est un peu scandalisé que des contestataires de pays nantis, qui bénéficient de tous les avantages du progrès lié à la société de consommation, puissent refuser que des recherches tentent de trouver des solutions aux difficultés dans lesquelles se débattent les pays du Sud ». 


par Colette  Thomas

Article publié le 15/04/2005 Dernière mise à jour le 15/04/2005 à 16:06 TU