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Afrique de l’Ouest

Les premiers pas vers les OGM

Eleveurs au Tchad. Exemple cité par les pro-OGM: en Europe, la productivité d'une vache issue de plusieurs croisements: 40 litres... en Afrique (sans croisements): 1 litre. 

		(Photo: AFP)
Eleveurs au Tchad. Exemple cité par les pro-OGM: en Europe, la productivité d'une vache issue de plusieurs croisements: 40 litres... en Afrique (sans croisements): 1 litre.
(Photo: AFP)
Les Etats de l’Afrique de l’Ouest viennent de s’engager en faveur d’une introduction de la biotechnologie, c’est-à-dire les OGM,  dans l’agriculture africaine à l’issue d’une conférence organisée du 21 au 23 juin 2003 à Ouagadougou sur l’initiative des gouvernements burkinabè et américain. Alors que les organisations de la société civile appellent à la prudence, pour les décideurs des pays concernés, c’est un « premier et important » pas qui est franchi dans la modernisation de l’agriculture africaine.

De notre correspondant à Ouagadougou.

Pour les Africains, le débat sur les OGM est presque simple : dans un continent qui a faim, c’est le seul moyen d’augmenter de façon substantielle la productivité agricole et donc d’assurer la sécurité alimentaire aux populations. Selon les estimations des experts, l’Afrique dépassera à l’horizon 2025 1,2 milliards d’habitants. Le continent devra accroître sa production actuelle de 10 à 12 fois pour satisfaire les besoins de cette population. «Cela n’est pas possible sans une maîtrise et une adaptation  des biotechnologies pour accroître rapidement la production alimentaire», estime Blaise Compaoré le président burkinabè, hôte de cette première conférence en Afrique.

La réunion de Ouagadougou fait suite à une première organisée l’année dernière à Sacramento (Etats-Unis) par le gouvernement américain dans le but de convaincre les Etats africains d’introduire les OGM dans leur agriculture. Le premier d’entre eux à mordre à l’hameçon tendu par les Américains est le Burkina Faso. Deuxième producteur de coton graine en Afrique de l’Ouest après le Mali avec 500 000 tonnes, le Burkina s’est lancé en 2003 avec la firme américaine Monsanto dans l’expérimentation «en milieu confiné» du coton transgénique. «On a bien réussi à augmenter notre production dans les conditions actuelles, mais il sera difficile de dépasser un million de tonnes. Or, avec la baisse des cours, nous n’avons pas d’autre choix que de produire en quantité. Et la biotechnologie peut nous permettre d’atteindre 2 à 3 millions de tonnes», explique Salif Diallo, ministre burkinabè de l’agriculture.

Autre exemple cité par les pro-OGM, celui de la production laitière. Alors que sous d’autres cieux, les vaches issues de différents croisements produisent 40 à 50 litres de lait par jour, en Afrique on est à 1 litre. «Est-ce que nous devons continuer à faire venir par avion des races du Brésil comme cela a été le cas il y a quelques années au Burkina ?», s’interroge le professeur Hamidou Boly, directeur de l’Institut burkinabè de recherche agricole et enseignant de génétique animale dans différentes universités européennes. «Observer un moratoire ne veut pas dire qu’il faut se croiser les bras et attendre qu’un jour les européens nous disent que les OGM sont sans danger avant de commencer les expérimentations», réagit le professeur Boly aux critiques des organisations burkinabè de la société civile.

«Vous ne devez pas rater la révolution des gènes»

Pour le gouvernement américain, la question des OGM est aussi simple pour les Africains. «Vous avez raté la révolution verte et la révolution industrielle, vous ne devez pas rater la révolution des gènes», a lancé aux participants Ann Venneman, la secrétaire (ministre) à l’Agriculture des Etats-Unis dans un discours enregistré sur vidéo et projeté à l’ouverture de la conférence devant les quatre chefs d’Etats.

Les firmes américaines qui cherchent à placer en Afrique leurs semences génétiquement modifiées ont donc bénéficié de tout le poids politique de leur gouvernement dans l’organisation de cette conférence qui a vu la participation du secrétaire adjoint à l’Agriculture et de la secrétaire d’Etat adjointe aux Affaires africaines. Dans cette bataille, Washington ne pouvait trouver meilleur allié en Afrique de l’Ouest que le Burkina. En effet, le gouvernement burkinabè aura réussi à mobiliser à Ouagadougou autour de cette question controversée des OGM quatre chefs d’Etat de la région (le ghanéen John Kuffuor, président en exercice de la CEDEAO, le nigérien Mamadou Tanja, président en exercice de l’UEMOA et le président malien Amadou Toumani Touré), 18 délégations ministérielles et quelques 300 participants dont une centaine de scientifiques américains. Blaise Compaoré a aussi usé de son entregent pour faire parrainer la conférence par la CEDEAO et le Comité inter-Etats de lutte contre la sécheresse au Sahel (CILLS). Même s’ils ont préconisé la prudence, les chefs d’Etat et ministres invités se sont clairement prononcés en faveur des «biotechnologies», terme consacré pour désigner les OGM.

«Le rôle de la biotechnologie dans l’accroissement de la productivité n’est plus à démontrer», a reconnu le président Tanja avant de plaider pour le principe de précaution. «Nous ne pouvons pas tourner le dos aux nouvelles sciences», a déclaré de son côté le président malien Amadou Toumani Touré dont le pays a été désigné pour accueillir dans quelques mois la prochaine conférence entre Américains et Africains. «Bamako sera une étape décisive au cours de laquelle nous allons nous donner une réglementation conforme à notre économie, à nos us et coutumes ainsi qu’à notre niveau d’information et de formation et aussi nous donner un plan d’action sous-régionale sous l’égide de la CEDEAO», explique Seydou Traoré, ministre malien de l’Agriculture.



par Alpha  Barry

Article publié le 25/06/2004 Dernière mise à jour le 25/06/2004 à 10:48 TU