Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Entreprises

Les Français se lèvent tous pour Danone

La rumeur faisant état d’une possible tentative de rachat du groupe agroalimentaire Danone par le géant américain PepsiCo a mis la classe politique française en émoi.
La rumeur faisant état d’une possible tentative de rachat du groupe agroalimentaire Danone par le géant américain PepsiCo a mis la classe politique française en émoi.
La rumeur qui fait état d’une possible tentative de rachat du groupe agroalimentaire français Danone par le géant américain PepsiCo a provoqué une levée de boucliers dans l’Hexagone. Responsables politiques, de droite comme de gauche, et même syndicalistes, ont dénoncé une opération qui pourrait se solder par la perte de l’un des plus beaux fleurons de l’économie française.

La préoccupation est à son comble. En quelques jours, la rumeur d’un rachat de Danone par PepsiCo n’a cessé d’enfler. A tel point que Jean-François Copé, le porte-parole du gouvernement, a été obligé d’admettre que celui-ci «suit de très près ce dossier». Une déclaration qui risque de ne pas calmer les esprits en laissant supposer que la rumeur est fondée.

Tout est parti d’une déclaration du président de la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale, Patrick Ollier, qui a affirmé il y a deux jours que le gouvernement était «préoccupé» par un éventuel rachat de Danone par PepsiCo. Cette simple petite phrase a eu l’effet d’un déclencheur car elle est arrivée alors même qu’une rumeur courait déjà depuis le 7 juillet sur une éventuelle offre publique d’achat (OPA) contre le groupe français, à la suite de la diffusion de cette information dans le magazine économique Challenges.

L’attitude de PepsiCo a, elle aussi, contribué à accréditer la thèse d’un éventuel rachat de Danone. La porte-parole de la société américaine, Ellen Palmer, a expliqué qu’elle appliquait  «une stricte politique du zéro commentaire sur les rumeurs». Elle a simplement confirmé que PepsiCo restait sur le démenti, publié le 6 juillet, concernant une entrée dans le capital du groupe agroalimentaire français à hauteur de 3 %. En démentant une information précise, PepsiCo a évité de donner une réponse plus globale sur ses intentions. Ce qui n’a donc pas permis de couper court aux spéculations. D’autant que le Financial Times a entretenu la pression en publiant une information selon laquelle PepsiCo aurait donné mandat à deux banques d’affaires, Morgan Stanley et UBS, pour monter un dossier de reprise de Danone.

«L’une des plus jolies filles de l’agroalimentaire mondial»

Il n’en fallait pas plus pour que les responsables politiques et syndicaux réagissent et dénoncent une opération qui pourrait aboutir à  mettre en danger un groupe d’une importance capitale pour l’économie française. Danone est, en effet, leader mondial dans le secteur des produits laitiers frais et numéro 2 dans ceux de l’eau en bouteille et des biscuits. Les activités ont été recentrées il y a quelques années sur ces produits et la priorité a été donnée à la recherche-développement, notamment dans le domaine des laitages. Cette stratégie a été accompagnée de la mise en place d’une campagne marketing axée sur la santé, un domaine porteur dans l’agroalimentaire sur lequel Danone est particulièrement bien positionné. Le groupe qui emploie près de 90 000 personnes dans le monde, a réalisé en 2004 un chiffre d’affaires de 13,7 milliards d’euros. Il représente donc l’un des plus beaux fleurons de l’industrie française, dont son actuel président, Franck Riboud, a dit qu’il s’agissait de «l’une des plus jolies filles de l’agroalimentaire mondial».

C’est ce qui explique que des socialistes Laurent Fabius ou Dominique Strauss-Kahn, tous deux anciens ministres de l’Economie, à l’actuel ministre des Affaires sociales Jean-Louis Borloo, en passant par le président du syndicat des agriculteurs (FNSEA), Jean-Michel Lemétayer, ou le secrétaire national de la CFDT, Gaby Bonnand, on ait assisté à un concert de protestations et de mises en garde. Pour défendre Danone face à un éventuel assaillant américain, l’unanimité a fait fi des clivages politiques et tous ont appelé le gouvernement à s’interposer afin d'empêcher PepsiCo d’arriver à ses fins.

Seul le ministre de Petites et moyennes entreprises (PME), Renaud Dutreil, a donné un son de cloche un peu différent dans ce concert de protestations hexagonales. Il a fait remarquer que Danone est avant tout «un groupe international dans le secteur de l’agroalimentaire» et qu’il ne fallait donc pas «surestimer sa capacité à privilégier les intérêts nationaux». La France ne représente plus dorénavant que 22 % des ventes du groupe. Il a aussi rappelé que «l’Etat n’est pas actionnaire de Danone» et qu’il n’a pas «à s’immiscer dans les affaires des entreprises privées».

Il est vrai qu’il est difficile pour le gouvernement d’agir directement pour empêcher le rachat par un groupe étranger d’une majorité des parts d’une entreprise française entièrement détenue par des capitaux privés. La manifestation de l’hostilité de l’Etat français face à une telle opération peut néanmoins participer à dissuader un éventuel acheteur de poursuivre sur un chemin d’avance semé d’embûches. Cette tactique a été employée par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Economie, dans le cas d’Alstom qui était menacé par l’allemand Siemens et dans celui d’Aventis convoité par les laboratoires suisses Novartis. Et elle a fonctionné.

Au-delà de la forte mobilisation politique, ce sont peut-être les statuts de la société qui peuvent le mieux protéger Danone d’une OPA hostile menée par PepsiCo. Le président du groupe, Franck Riboud, a mis en place un système destiné à se préserver au maximum face à une tentative de prise de contrôle. Tout actionnaire qui détient plus de 0,5 % du capital doit le déclarer. Mais surtout, il faut être en possession de plus de 66 % du capital pour pouvoir dépasser le cap des 6 % de droits de vote. En cas d’OPA, il serait donc possible pour l’actuel président de conserver son pouvoir en formant avec un groupe d’actionnaires un noyau de blocage détenant 34 % du capital.

En attendant de savoir si PepsiCo a véritablement l’intention de s’attaquer à Danone, les spéculations sur une OPA ont eu un effet tangible. L’action de Danone a connu une envolée notable en quelques jours. Le titre a progressé de 30,1 % depuis le 1er juillet et avoisine les 90 euros.

par Valérie  Gas

Article publié le 20/07/2005 Dernière mise à jour le 20/07/2005 à 17:30 TU