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Zimbabwe

Pékin et Pretoria en renfort contre l’ultimatum international

Le Fonds monétaire international (FMI) a fermé son antenne au Zimbabwe l’année dernière. Et, en février dernier, il l’a menacé de rompre définitivement les ponts s’il ne payait pas les 300 millions de dollars d’arriérés de dettes accumulés depuis 2001. Le Zimbabwe est au fond du gouffre économique et cela inquiète grandement son voisin sud-africain. «Nous ne voulons pas que le Zimbabwe s'effondre car l'Afrique du Sud en subirait toutes les conséquences», expliquait le président Thabo Mbéki la semaine dernière en se déclarant même prêt à mettre la main à la poche pour éviter l’exclusion d’Harare du FMI. Mais la dette n’est pas le seul problème du Zimbabwe, loin s’en faut. Le 23 juillet, Robert Mugabe s’est donc envolé pour la Chine où il doit plaider sa cause économique pendant six jours. La diplomatie chinoise se distingue déjà en ne trouvant rien à redire à son entreprise de «nettoyage» urbain. L’Onu au contraire le somme d’arrêter, un épais et alarmant rapport à l’appui.


Le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, a lancé le 25 juillet une nouvelle mise en garde à Robert Mugabe. Cette fois, il ne s’agit plus comme ces dernières années de la réforme agraire entreprise sur le dos des fermiers commerciaux blancs. La plupart se sont reconvertis ailleurs, en Afrique souvent. Mais leurs expropriations n’ont pas suffit à faire le bonheur des petits paysans et des 70% de chômeurs zimbabwéens. Depuis mai, l’administration Mugabe donne la chasse à tous les gagne-petit venus s’agglutiner au fil des ans dans la périphérie des villes. Censée «restaurer l’ordre», l’opération «murambatsvina» (nettoyer les ordures) est vécue comme une «opération tsunami» par ses quelque 700 000 victimes directes, désormais sans logis, sans animaux (pour ceux qui en possédaient quelques têtes) et sans terre d’attache. Rien ne laisse en effet espérer que l’opération Garikai (reconstruction) sera aussi rapide que les destructions à coup de bulldozer et sous la menace des forces de «l’ordre».

Dans le rapport qu’elle vient de remettre à Kofi Annan, la directrice de l'agence des Nations unies pour les établissements humains (ONU-Habitat) Anna Tibaijuka dépeint des destructions opérées «sans discernement et de manière injustifiée, dans l'indifférence à la souffrance humaine», en dépit de la volonté affichée de «cibler des habitations et des structures illégales et de réprimer des activités illicites». Les conséquences affecteraient déjà 2,4 millions de personnes. Elles risquent de se poursuivre à très long terme. D’évidence, en effet, souligne Anna Tibaijuka, le Zimbabwe n’a pas les moyens de la reconstruction promise. Sans aide extérieure, de vastes populations resteront dans le dénuement le plus total. Le rapport inscrit au passage le Zimbabwe comme un cas d’école de l’urbanisation galopante qui caractérise l’Afrique sub-saharienne contemporaine.

Retenir la leçon du Zimbabwe

«Il est important que la communauté internationale retienne la leçon du Zimbabwe», comme un exemple de la pire réponse qui puisse être apportée aux «manifestations chaotiques» de l’urbanisation qui se développe en Afrique au rythme annuel de 4%, deux fois plus vite qu’en Asie ou en Amérique latine. «37% des Africains vivent en ville aujourd’hui. L’Afrique sub-saharienne devrait compter 53% de citadins à l’horizon 2030». La plupart s’entassent dans des bidonvilles et très peu d’entre eux ont accès à l’eau et à l’électricité. Et en matière d’habitat, justement, le Zimbabwe n’était pas le plus mal loti. Pour la population, les effets des destructions n’en seront que plus désastreux. Ce n’est bien sûr pas l’avis de Robert Mugabe qui invite Kofi Annan à venir enquêter lui-même sur place. «Tous les éléments d’appréciation ne sont pas dans le rapport», dit-il.

«Les Nations unies vont rechercher de toute urgence un accord avec le gouvernement du Zimbabwe afin de mobiliser immédiatement une assistance humanitaire de l'ampleur nécessaire pour éviter plus de souffrances. J'exhorte la communauté internationale à répondre généreusement à cet appel», répond Kofi Annan, en sommant Harare de «cesser immédiatement les expulsions forcées et les démolitions». Washington lui a immédiatement délivré un satisfecit officiel, soulignant que les responsables de ces dégâts humanitaires devraient en répondre devant la justice internationale. Les démolitions étaient censées avoir été suspendues la semaine dernière. D’après les observateurs onusiens, elles se poursuivaient encore lundi à à Chipinge, à quelque 300 kilomètres d’Harare, du côté de la frontière mozambicaine. Mais ces jours-ci, Robert Mugabe est en Chine, à l’écart de l’ire internationale soulevée par le vacarme des bulldozers de son entreprise de «rénovation urbaine et de lutte contre la criminalité».

Pékin intéressé par les mines de platine

Pékin est surtout intéressé par les mines de platine zimbabwéennes et par les autres ressources que pourrait offrir le sous-sol de l’ancienne Rhodésie. «Nous sommes alliés, partenaires et très bons amis depuis les jours de notre combat pour la libération», explique Robert Mugabe à l’agence Chine nouvelle. Le président Mugabe espère décrocher des prêts tous azimuts. En 2001, déjà, la Chine avait mis 30 millions de yuans (3,7 millions de dollars) dans des projets de coopération économique et technique. Cette fois, Robert Mugabe compte obtenir davantage, des investissements aussi. Dimanche, à l’issue d’une visite au siège de la compagnie chinoise First Automobile Works, il s’est vu promettre un millier de bus. En avril dernier la Chinoise Avic lui avait donné en bonus un avion MA60 d’une cinquantaine de places pour deux achetés. Au plan militaire, la Chine est un important fournisseur du Zimbabwe qui s’est récemment refait auprès d’elle une flotte aérienne (dix-huit avions) et un parc d’une centaine de véhicules. Pékin n’a pas d’états d’âme humanitaires et s’en tient à sa doctrine de non-ingérence absolue et réciproque.

Les matières premières africaines intéressent au plus haut point la Chine qui ratisse très large et ne néglige aucun Etat, si modeste soit-il. La situation de perdition économique et diplomatique du Zimbabwe constitue même un charme supplémentaire aux yeux de Pékin. L’absence de concurrence fait baisser les enchères. Et alentours, l’Afrique australe ne manque pas de géants miniers ou pétroliers à séduire. Le Zimbabwe est un marche-pied comme un autre. «Le chaos économique au Zimbabwe n'est pas dans l'intérêt de l'Afrique du Sud», répète Thabo Mbéki qui n’a jamais pensé que la mise en quarantaine internationale du Zimbabwe soit une bonne méthode. Elle le laisse seul dans un voisinage qui peut s’avérer contagieux, compte tenu de l’identité des problèmes fonciers et urbains de part et d’autre de la frontière. Ces problèmes structurels sont même décuplés côté sud-africain, à l’échelle du phare semi-industrialisé de la région.

«L'expulsion du Zimbabwe du FMI en raison de ses arriérés de paiement serait contre-productive», estime Mbéki. «Il est tout à fait possible que l'Afrique du Sud prenne en charge une partie» de ces impayés, confirme-t-il. L’affaire a été éventée la semaine dernière par un quotidien économique sud-africain évoquant un prêt de l’Afrique du Sud au Zimbabwe de un milliard de dollars. Les discussions seraient en cours. La sécurité régionale a un prix que les bailleurs de fonds internationaux ne veulent pas régler. Fin juin, ils ont exigé que Mugabe adopte des réformes monétaires et structurelles, bref, qu’il fasse le premier pas. Thabo Mbéki préfère prendre les devants et régler la facture lui-même.


par Monique  Mas

Article publié le 26/07/2005 Dernière mise à jour le 26/07/2005 à 16:13 TU