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Irlande du Nord

L’adieu aux armes de l'IRA

Après plus de trente ans de lutte armée et quelque 3 600 morts, l'IRA fait un pas vers la paix la paix en désarmant ses militants.Photo : AFP
Après plus de trente ans de lutte armée et quelque 3 600 morts, l'IRA fait un pas vers la paix la paix en désarmant ses militants.
Photo : AFP
Dans un communiqué publié jeudi, l’Armée républicaine irlandaise (IRA) a ordonné à ses militants de déposer les armes de façon définitive et d’œuvrer politiquement en faveur de l’unification de l’Irlande. L’ensemble de l’appareil militaire doit être mis en sommeil, sans que l’organisation ne soit pour autant dissoute. Après plus de trente ans de lutte armée, une page historique se tourne entre les républicains et les unionistes, encore sceptiques. Cette déclaration majeure était attendue de longue date : quelques signes avant-coureurs avaient dopé l’optimisme des observateurs ces derniers jours. Même si les réticences au processus de paix présentes de part et d’autre risquent de compliquer l’avenir politique de la province.

Unionistes, comme républicains, tous était dans l’expectative de voir arriver jeudi un communiqué signé « P O’Neill », du nom de code sous lequel signait jusqu’à peu l’état-major de l’IRA. Aux alentours de 14 heures, l’organisation paramilitaire a fait savoir qu’elle ordonnait à tous ses combattants de mettre un terme à leurs activités armées. « La direction de l' Oglaigh na hEireann (IRA) a ordonné formellement de mettre fin à la lutte armée. Cette décision prendra effet à 16H00 cet après-midi. Toutes les unités de l'IRA ont reçu ordre de déposer les armes (…) et de contribuer au développement de programmes purement politiques et démocratiques par des moyens exclusivement pacifiques », peut-on lire dans le communiqué de l’organisation, créée dans les années 70 pour lutter contre les Britanniques de la province d’Ulster, au nom de la minorité catholique.

Le Premier ministre britannique, Tony Blair, a aussitôt salué ce « pas d'une ampleur jamais vue dans l'histoire récente de l'Irlande du nord », avant d’ajouter : « c'est peut-être le jour où après les fausses espérances et les espoirs déçus, la paix remplace la guerre et la politique remplace le terrorisme sur l'île d'Irlande ». Le chef du Sinn Féin, Gerry Adams, a quant à lui mis en garde les acteurs du conflit qu’un « défi » était désormais lancé pour les « républicains et nationalistes irlandais ». La décision couvait depuis quelques temps. « Ce n’est pas une surprise, elle se situe dans la continuité des dernières années. Depuis l'accord du Vendredi Saint signé en 1998, aucun acte terroriste n’a été planifié par le pouvoir central et cette décision va dans ce sens », explique Elise Féron, chercheur associé au Centre d'Etudes Politiques sur l'Europe du Nord (Cepen), et spécialiste du processus de paix.

Le 7 avril déjà, le chef du Sinn Féin, Gerry Adams, avait appelé les « combattants » de l’aile armée du parti à renoncer à la « lutte armée » au profit de la « voie politique ». Une consultation délicate de la base du parti avait suivi pendant plus de trois mois. Ces derniers jours, le parti allié politique de l’IRA, avait intensifié ses contacts avec les gouvernement britannique et irlandais, notamment par l’entremise du général canadien John de Chastelain, chargé de superviser la neutralisation des armes des paramilitaires en Irlande du Nord. Autre signe de désengagement, le weekend dernier, trois responsables du Sinn Féin avaient démissionné du Conseil de l’armée, organe exécutif de l’IRA. Il s’agit vraisemblablement de Gerry Adams, Martin Ferris et Martin McGuinness. Ce dernier était d’ailleurs reçu jeudi par Mitchell Reiss, émissaire du président américain, pour renouer avec l’administration américaine qui refusait jusqu’à présent tout contact avec le parti lié à l’organisation paramilitaire, accusée d’avoir causé la mort de 3 600 personnes.

Scepticisme chez les unionistes

Cette semaine, la libération controversée de l’un des poseurs de bombes les plus célèbres de l’organisation, Sean Kelly, avait définitivement mis la puce aux oreilles des observateurs, avertis d’un processus de négociations avancé entre les deux parties. Condamné à la prison à perpétuité pour un attentat sanglant perpétré en octobre 1993 contre un « fish and chips » du quartier protestant de Skankill Road à Belfast, causant la mort de 10 personnes, l’homme de 33 ans avait été libéré sous conditionnelle en 2000, avant d’être à nouveau incarcéré en juin dernier. Erigé en « martyr » par les républicains, il passe pour un criminel de guerre et un symbole de la haine pour les unionistes. Cette libération « sent le marchandage politique à plein nez », s’est ainsi insurgé Jeffrey Donaldson, député des Démocrates unionistes (DUP), qui doute de la transparence du désarmement de l’organisation clandestine. Le dirigeant unioniste, Ian Paisley a également émis des doutes sur les réelles intentions des paramilitaires catholiques. Selon lui, « ils n'ont pas déclaré explicitement la fin de l'activité criminelle qui leur rapporte des millions de livres, et n'ont pas fourni le niveau de transparence nécessaire pour inspirer vraiment confiance sur le fait que les armes se sont tues ».

Car même si l’IRA est désarmée, une grande partie des unionistes reste très hostile à l’Accord du Vendredi Saint, ce qui attise l’animosité entre les protestants pro-britanniques et les catholiques pro-irlandais, notamment en cas de remise en activité de l’assemblée provinciale biconfessionnelle. D’autre part, côté protestant, il existe encore des groupes très actifs, en particulier à Belfast qui n’ont pas l’intention de cesser la lutte. Le scepticisme reste également de mise chez les catholiques. S’il ne fait guère de doute que les membres de l’Ira obéiront aux ordres dans leur grande majorité, il est à craindre que des militants incontrôlés agissent séparément, comme ce fut le cas pour l’attaque de la Northern Bank, en décembre 2004. « Certains membres opposés au désarmement risquent de rejoindre les rangs du Continuity IRA et du Real IRA, deux groupes radicaux, opposés à l'accord du Vendredi Saint de 1998. Or l’IRA n’a aucune prise sur ces éléments », explique Elise Féron.   


par Julie  Connan

Article publié le 28/07/2005 Dernière mise à jour le 29/07/2005 à 17:15 TU

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Maurice Goldring

Professeur à Paris VIII, spécialiste de l'Irlande

«Cette fois-ci, c'est la bonne, parce que l'IRA s'auto-dissout.»

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