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Bangladesh

Explosions en série au Bangladesh

Deuxième ville du pays, le port de Chittagong a enregistré vingt explosions sur les 350 bombes «<EM>de faible puissance et de fabrication artisanale</EM>» réparties dans tout le pays.(Photo: AFP)
Deuxième ville du pays, le port de Chittagong a enregistré vingt explosions sur les 350 bombes «de faible puissance et de fabrication artisanale» réparties dans tout le pays.
(Photo: AFP)
Selon la police, un total d'environ 350 bombes de faible puissance ont explosé quasi-simultanément aux quatre coins du pays. Le bilan, heureusement, est faible : deux morts et une centaine de blessés. Les autorités privilégient la piste islamiste.

De notre correspodant à New Delhi

Le Bangladesh a beau être habitué aux attentats, le pays est encore sous le choc. En l’espace d’une demi-heure, plus de deux cents bombes ont explosé, mercredi matin, aux quatre coins du pays. Quasiment tous les districts ont été touchés, les grandes villes comme les petites. Placés dans les rues, les gares, les tribunaux et à proximité des bâtiments gouvernementaux, les engins ont déclenché des mouvements de panique au sein de la population. A elle seule, la capitale, Dacca, a été le théâtre d’une quinzaine d’attentats, y compris jusque devant l’hôtel Sheraton, dans l’enclave diplomatique ultra sécurisé de Gulshan et même jusque devant l’aéroport international. Deuxième ville du pays, le port de Chittagong (sud-est) en a lui enregistré vingt, Barisal (sud), neuf, et Khulna (sud-ouest), six.

Heureusement, ces bombes étaient toutes «de faible puissance, de fabrication artisanale et destinées à semer la panique plus qu’à tuer», a expliqué le chef de la police nationale, Abdul Kaiyum. Le bilan est donc moins lourd ce que l’on aurait pu craindre : deux morts et une centaine de blessés, pour la plupart sans gravité. L’un des deux tués était un petit garçon de dix ans, mort de ses blessures après avoir ramassé dans la rue l’un des engins explosifs.

Dans tous les districts du pays, les mesures de sécurité ont été renforcées, et les forces de l’ordre tentent désormais d’appréhender les poseurs de bombes. Evoquant une attaque «planifiée à l’avance et bien organisé», le ministre de l’Intérieur, Lutfuzzaman Badr, n’a voulu accuser personne pour l’instant, mais les autorités n’ont pas grand doute: cette attaque sans précédent est à mettre sur le compte des mouvements islamistes radicaux. Hypothèse d’autant plus probable que la police a retrouvé à proximité de tous les sites touchés des tracts signés du Jamaat-ul-Mujahideen, un groupe fondamentaliste interdit. Ecrits en Bangladais mais aussi en Arabe, ces tracts appelaient à l’instauration de la loi islamique dans le pays, et mettaient en garde les Etats-Unis et la Grande-Bretagne contre l’occupation de pays musulmans, apparemment une référence à l’Irak.

De la lutte entre bandes armées aux attentats terroristes

Hier soir, la police affirmait avoir déjà interpellé des dizaines de suspects, dont six au moins seraient directement liés aux attentats. Dans la ville côtière de Cox Bazar, deux hommes ont notamment été arrêtées alors qu’ils transportaient une bombe artisanale. «Nous tentons de déterminer si le groupe impliqué est le même groupe qui a été interdit par le gouvernement en février», a expliqué le chef de la police de Dacca, Mizanur Rahman. Dirigé par un certain Bangla Bhai, aujourd’hui en cavale, le Jamaat-ul Mujahideen et un autre groupe islamiste, le Jagrata Muslim Janata Bangladesh, avaient été interdits en début d’année après avoir été mis en cause dans des affaires criminelles, notamment des attaques à la bombe contre des ONG et des sites religieux.

Depuis longtemps habitué à la violence politique et aux luttes entre bandes armées, le Bangladesh connaît depuis deux ans des attentats à la bombe à répétition qui, pour la plupart, visaient jusqu’ici le principal parti d’opposition, la Ligue Awami. Celle-ci accuse d’ailleurs les extrémistes d’avoir pris le pays «en otage» et de vouloir «éliminer les forces laïques». Une allusion à la présence, au sein de la coalition gouvernementale dirigée par le Premier ministre Khaleda Zia, de deux partis islamistes. La chef du gouvernement n’était pas présente dans son pays au moment des attentats, partie deux heures plus tôt pour une visite officielle en Chine.

Cela fait maintenant plusieurs années que certains observateurs internationaux mettent en garde contre l’émergence potentielle du Bangladesh, l’un des pays les plus pauvres et les plus densément peuplés au monde, comme un nouveau foyer de l’islamisme radical. En début d’année, Washington avait fait part de sa «vive inquiétude» face à la multiplication des attaques visant la Ligue Awami et, en mai dernier, un rapport annuel du ministère indien de la Défense estimait que Dacca était «restée indifférente à l’influence grandissante d’organisations et de partis politiques d’orientation islamiste fondamentaliste et radicale dans la société et le gouvernement». Des accusations que le gouvernement bangladais, évidemment, réfute, même si la multiplication de madrassas (écoles coraniques) à travers le pays est un secret de polichinelle.


par Pierre  Prakash

Article publié le 18/08/2005 Dernière mise à jour le 18/08/2005 à 09:29 TU