Congo Brazzaville
«Disparus du Beach» : personne n’est coupable
(Photo: AFP)
Le procureur Robert Armand Bemba, qui avait requis des peines de prison, allant de cinq à dix ans de travaux forcés contre certains hauts cadres de l’armée et de la police congolaises, présumés impliqués dans la disparition de quatre-vingt-six congolais (plus de 300 selon certaines organisations de défense des doits de l’Homme) s’est dit satisfait de l’acquittement général prononcé par la Cour criminelle de Brazzaville. Pour lui «c’est une décision d’apaisement». La réaction de ce magistrat résume bien le contexte singulier de ce procès dans lequel on s’est arrangé pour ne fâcher personne, surtout pas les dignitaires, quitte à mécontenter quelques citoyens.
La curiosité de ce verdict réside également dans la reconnaissance de la responsabilité de l’Etat congolais, condamné à verser 10 millions de francs CFA (15 000 euros) aux proches des 86 disparus, sans que ne puissent être établies les circonstances de leur disparition. Condamner l’Etat, c’est-à-dire personne, est la pirouette trouvée par les magistrats pour reconnaître des responsabilités mais sans compromettre les barons du pouvoir. «C’est une machination. C’est dommage. Nous sommes déçus», a déclaré à l’AFP Vincent Niamenkessi, le vice-président du Comité des familles de réfugiés disparus en 1999 au port fluvial de Brazzaville.
«Simulacre de justice»
Ce procès n’a établi aucun fait au grand désespoir des familles qui ne savent toujours pas ce qui s’est réellement passé au «Beach», pour enfin faire le deuil de leurs parents. Les familles ont décidé de se pourvoir devant la Cour suprême, la plus haute juridiction du pays. «Tout ce qui vient de se passer a été décidé en dehors de l’enceinte du tribunal, bien avant, par les plus hautes autorités (…). Il est assez rare de voir les bourreaux se condamner eux-mêmes», a déclaré l’avocat Patrick Baudouin, président d’honneur de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH).
Par ailleurs l’Observatoire congolais des droits de l’homme (OCDH) et la FIDH ont dénoncé un «simulacre de justice» et espèrent aussi qu’une procédure sera ouverte à Paris en 2006. Me Baudouin a également fait remarquer que le groupe de travail des Nations unies sur les disparitions demande «des explications» à l’Etat congolais sur le sort des «personnes présumées disparues» au «Beach» de Brazzaville. Selon Me Baudouin l’affaire est loin d’être terminée.
par Didier Samson
Article publié le 18/08/2005 Dernière mise à jour le 18/08/2005 à 18:33 TU