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L’incendie qui révèle la misère

Des policiers se tiennent devant l'immeuble où s'est déclaré l'incendie dans la nuit du 26 août. Des travaux devaient être entrepris depuis longtemps.(Photo: AFP)
Des policiers se tiennent devant l'immeuble où s'est déclaré l'incendie dans la nuit du 26 août. Des travaux devaient être entrepris depuis longtemps.
(Photo: AFP)
L’incendie qui a ravagé l’immeuble parisien où habitaient des familles africaines pose de nouveau la question des carences du logement social. Même si pour le moment aucun élément de l’enquête ne permet de penser que les causes du sinistre sont directement liées à la vétusté du bâtiment, cet incendie au terrible bilan -17 morts dont 14 enfants- a révélé une nouvelle fois dans quelles conditions vivent de nombreux immigrés, parfois en attente d’un véritable logement adapté à leurs besoins depuis des années.

Ni squatters, ni sans-papiers. Les Africains qui vivaient dans l’immeuble du XIIIe arrondissement de Paris, où un incendie s’est déclaré dans la nuit de jeudi à vendredi, résident tous de manière légale en France. Ils disposent de revenus et ont les moyens de payer un loyer en échange d’un appartement. Mais pour la plupart,  ils n’ont jamais obtenu de réponse favorable à leurs demandes de logement. Ils ont donc échoué, faute de mieux, dans cet immeuble du boulevard Vincent Auriol grâce à l’association caritative Emmaüs. Au départ, cela ne devait être que provisoire. Au bout du compte, certaines familles s’y trouvent depuis 1991, date à laquelle elles avaient occupé pendant plusieurs mois un terrain de la Ville de Paris, quai de la Gare, pour tenter d’obtenir un toit.

Ces parcours difficiles de familles aux maigres revenus et mal intégrées ont certainement contribué à rendre encore plus forte l’indignation des rescapés de l’incendie qui a ravagé l’immeuble où ils vivaient et où 17 personnes ont trouvé la mort dans les flammes. D’autant que 14 enfants figurent parmi ces victimes et qu’un autre est entre la vie et la mort à l’hôpital. Pour eux, aujourd’hui la douleur s’ajoute à la pauvreté. C’est peut-être pourquoi ils ont refusé de quitter le gymnase où ils avaient été hébergés immédiatement après l’incendie et ont opposé une fin de non-recevoir à la proposition de la mairie de se rendre dans des hôtels d’accueil en attendant mieux. Ils ne veulent plus recommencer la même quête et demandent qu’on leur attribue un vrai logement de manière définitive.

Le logement social : un problème ancien

Cette revendication est unanimement soutenue par les associations. Jean-Baptiste Eyraud, le président de Droit au logement (DAL), qui a rappelé qu’au moins 50 000 familles sont mal logées à Paris, juge cette situation «inacceptable» et espère qu’à la suite de ce drame les choses vont évoluer. «Cette fois-ci, il va falloir qu’ils [les autorités] bougent. On ne va pas encore laisser des enfants mourir pour rien». SOS Racisme a de son côté fait part de «son indignation» et appelé les pouvoirs publics «à prendre urgemment les mesures nécessaires afin d’héberger avec dignité et décence les familles étrangères qui séjournent sur notre sol».

Mais le problème du logement social est difficile et surtout ancien. Depuis des décennies, il semble avoir été mal, et pas assez, pris en compte, comme l’explique la socialiste Martine Aubry qui a déclaré : «Aucun gouvernement ne s’est attaqué véritablement à la crise du logement». Jean-Louis Borloo, le ministre des Affaires sociales, qui s’est rendu sur les lieux du drame, a fait le même constat puisqu’il estime que «l’effort collectif de la Nation a été insuffisant depuis 20 ans» dans le domaine du logement. Dans ce contexte, sa proposition de mettre en œuvre un programme de «création d’hôtels sociaux» pour les plus précaires paraît peu à même de répondre aux besoins. Même si elle a été assortie du rappel de l’engagement pris par le gouvernement, dans le cadre d’une convention signée avec la Mairie de Paris en avril 2005, de créer dans la capitale 22 200 logements sociaux, d’en réhabiliter 24 500 et d’assurer la disponibilité de 1 650 places d’hébergement d’urgence.

Si l’incendie du boulevard Vincent Auriol a frappé une nouvelle fois une population immigrée démunie et mal logée, rappelant que de nombreuses personnes vivent dans des conditions déplorables au coeur de Paris, rien ne permet d’affirmer pour autant que les causes du sinistre sont directement liées à l’état de l’immeuble. Le procureur de la République de Paris, Jean-Claude Marin, qui a fait le point sur les premiers éléments recueillis par les enquêteurs, a expliqué que le foyer de l’incendie se trouvait au rez-de-chaussée de l’immeuble, à un endroit où il n’y avait pas de câblages électriques et où un court-circuit n’a donc pas pu se produire. Selon lui, «aucune cause n’apparaît logique dans le départ de l’incendie à cet endroit-là». Alors accident ou malveillance, toutes les pistes sont explorées par les enquêteurs.


par Valérie  Gas

Article publié le 27/08/2005 Dernière mise à jour le 27/08/2005 à 16:39 TU

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Benoîte Bureau

De l'association Droit au logement, le Dal

«Ces logements sont prévus pour des hébergements de durée moyenne, de quelques mois à un ou deux ans et on voit que les familles y sont maintenues.»

Sindé Doucouré

Présidente de l'association franco-africaine du 13è arrondissement de Paris

«Ca fait des années que je connaîs ces bâtiments: on voit des fissures, on voit l'eau qui coule partout, les souris, les rats... tout le monde était au courant de ces problèmes là.»

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