Immigration
Melilla : nouvelle tentative d’assaut
(photo : AFP)
C’est la seconde tentative de passage en force en 24 heures et la troisième cette semaine. Selon la presse espagnole, vers 3 heures TU, environ un millier de candidats à l’immigration clandestine ont tenté de franchir les barrières de protection de Melilla l’espagnole. La préfecture de Nador, la ville marocaine proche d’une douzaine de kilomètres, estime qu’ils étaient quelque 400. Aucun n’a réussi à passer, indique la radio espagnole Cadena Ser qui précise que «les forces marocaines et espagnoles ont réussi à les freiner avec un important matériel anti-émeutes». La préfecture marocaine confirme que l’assaut a été massif, mais un responsable a certifié à l’AFP qu’«ils ont échoué à la suite d’une intervention importante et rapide des forces de sécurité marocaine».
A la mi-journée, jeudi, la préfecture de Nador annonçait «jusqu’à présent l’arrestation de 200 personnes». De son côté, le président de l’enclave autonome espagnole, Juan José Imbronda, se félicitait de la collaboration des forces marocaines dans cette opération.
Huit morts depuis le début de l’été
Mercredi, une précédente tentative avait eu lieu. Quelque 500 personnes s’étaient également ruées sur les barrières de Melilla et 65 d’entre elles avaient réussi à passer. Lundi, ils étaient quelque 650 à tenter de passer en force la frontière de Melilla. Environ 135 personnes, dont 7 soldats et policiers, ont été blessées. Il y a huit jours, à Ceuta, un assaut sur la barrière s’était soldé par la mort de 5 migrants, tués par balles. Ceux qui échouent, c'est-à-dire la plupart, retournent dans les forêts des environs où ils vivent depuis des mois ou des années parfois, en attendant des jours meilleurs. Depuis le début de l’été, huit immigrants sont morts dans cette zone lors de circonstances semblables.
Dans ce dossier, l’Espagne, avec ses deux enclaves africaines, constitue l’un des principaux postes avancés de la lutte européenne contre l’immigration clandestine en provenance d’Afrique sub-saharienne. C’est précisément dans cette région du détroit de Gibraltar que les côtes africaine et européenne sont les plus proches. Et pénétrer à Ceuta ou Melilla assure au candidat à l’immigration un examen administratif de son dossier, selon les critères européens. D’autre part, cette porte de l’Europe ouvre sur le vaste et fameux «espace Schengen»*, dont l’Espagne est l’un des 16 pays membres (13 membres de l’UE et 3 pays associés), et qui garantit sur son territoire la (relative) libre circulation des citoyens.
Les Espagnols en première ligne
Or, avec la multiplication des tentatives au cours de ces derniers mois, les méthodes de plus en plus offensives employées par les candidats, avec la liste des victimes qui s’allonge à mesure que croissent l’exaspération et le désespoir, enfin avec des débats européens toujours plus vifs sur les questions migratoires, ce dossier prend tout à coup une ampleur considérable. Les autorités espagnoles, en première ligne, envisagent d’adopter des mesures d’exception ou de raviver des accords conclus voici une douzaine d’années.
En visite à Ceuta et Melilla, la vice-présidente du gouvernement espagnol a confirmé son intention de rapatrier les clandestins vers le Maroc. Maria Teresa Fernandez de la Vega n’a pas donné de précision sur le nombre, ni sur la nationalité des personnes concernées. Elle a indiqué que «le travail de coopération entre l’Espagne et le Maroc va s’activer à partir de maintenant» et que Madrid «va poursuivre une politique de coopération avec le Maroc en réactivant l’accord de 1992 de rapatriement d’immigrants», un accord quasiment tombé en désuétude. Rabat n’avait pas réagi en fin d’après-midi.
«Elever la clôture, en installer une nouvelle»
De son côté le chef du gouvernement espagnol José Luis Rodriguez Zapatero a annoncé que son pays était sur le point de finaliser des accords de rapatriement avec le Mali et le Ghana pour y renvoyer leurs ressortissants entrés clandestinement en Espagne. Des accords similaires ont déjà été conclus avec l’Algérie, la Guinée-Bissau, la Mauritanie, le Nigeria et le Maroc. D’autre part, M Zapatero compte bien interpeller ses collègues européens sur la question, lors du conseil des 27 et 28 octobre pour «souligner(…) la nécessité urgente que l’Union appuie plus activement le Maroc» dont il a rappelé les efforts de coopération dans ce dossier. Il a aussi annoncer le renforcement du dispositif de protection local : «nous sommes en train d’élever la hauteur de la clôture, nous allons en installer une nouvelle», a déclaré M. Zapatero.
Mais il a également pointé les faiblesses du système. Evoquant il y a quelques jours la multiplication des assauts sur les enclaves et les tragiques événements qui les accompagnent, le chef du gouvernement espagnol a reconnu qu’«une plus grande efficacité attise peut-être le désespoir». Mais il a également estimé que «l’horizon sera difficile pour les prochaines années si l’ensemble de l’Union européenne ne se met pas à faire sérieusement un effort spécial d’aide à ces pays». Le comblement du fossé entre pays riches et pauvres «était l’un des objectifs fondamentaux du processus de Barcelone, mais il a continué à se creuser», a reconnu le Premier ministre espagnol. Et l’appel qu’il lance à l’Union européenne, dans la perspective du sommet euroméditerranéen de la fin novembre, pour que l’UE change son regard sur l’Afrique, ressemble fort à un SOS.
par Georges Abou (avec AFP)
Article publié le 06/10/2005 Dernière mise à jour le 06/10/2005 à 17:47 TU
*La Convention d'application des accords de Schengen comprend 13 Etats membres de l'Union Européenne (UE) : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal et la Suède.
Le Royaume-Uni et l'Irlande n'ont pas signé cette convention mais participent partiellement aux mesures adoptées dans le cadre de l'acquis de Schengen.
Les 10 Etats membres entrés dans l'UE le 1er mai 2004 ne font pas partie de cet espace pour l'instant.
Bien qu'extérieurs à l'UE, 3 pays sont associés à l'espace Schengen par un accord de coopération avec les pays signataires de la Convention : la Norvège, l'Islande et la Suisse.