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Immigration

Mourir aux portes de l'Europe

Attente devant l'hôpital de Ceuta pour ces immigrés africains après que cinq des leurs aient trouvé la mort dans cette enclave espagnole.(photo : AFP)
Attente devant l'hôpital de Ceuta pour ces immigrés africains après que cinq des leurs aient trouvé la mort dans cette enclave espagnole.
(photo : AFP)
Dans la nuit du 28 au 29 septembre, Ceuta, enclave espagnole sur le territoire marocain a été le théâtre d’une tentative d’infiltration de clandestins essentiellement originaires d’Afrique noire. Au total, cinq clandestins auraient trouvé la mort suite à la répression conduite par les Marocains et les Espagnols.Quelques semaines au paravant, l'enclave de Melilla avait connu les mêmes tentatives de passage vers l'Europe.

Selon la préfecture de Ceuta, c’est vers trois heures du matin que «500 immigrés sub-sahariens ont donné l’assaut» pour tenter de franchir les clôtures de sécurité qui font aussi office de frontière entre le Maroc et cette enclave espagnole. Les clandestins munis d’échelles de fabrication artisanale et qui tentaient d’escalader en plusieurs points la double barrière de grille qui isole la ville de Ceuta du reste du Maroc ont essuyé la riposte des forces de l’ordre marocaines et espagnoles. Des chiffres contradictoires de victimes sont annoncés par des médias locaux, par la police et par les hôpitaux. Officiellement on parle de cinq morts et d’une vingtaine de blessés graves. Mais selon un porte-parole de la ville de Ceuta, cité par l’AFP, il y aurait «au moins une centaine de blessés côté espagnol». Les victimes auraient été atteintes par des balles en caoutchouc.

Dans la journée du 29 septembre, les forces de l’ordre marocaines ont lancé une vaste opération de ratissage aux abords de zone frontalière pour débusquer d’éventuels clandestins et qui se prépareraient à de nouveaux assauts. En effet, c’est par vagues de plusieurs centaines que les candidats à l’immigration prennent d’assaut les grilles de séparation. Par leur nombre ils submergent les garde-frontières et les plus chanceux d’entre eux, en foulant le sol espagnol et donc européen, se débrouillent soit pour rejoindre le continent européen, soit pour demander des papiers de réfugiés. L’opération de ratissage des autorités marocaines mobilisant plusieurs dizaines de gendarmes et de policiers a permis l’arrestation d’une cinquantaine de clandestins sub-sahariens et aussi de nombreux Algériens.

De Ceuta à Melilla, même combat

Une opération similaire a été conduite à Melilla avec 500 agents des forces de l’ordre et de sécurité et trois hélicoptères. Selon les autorités marocaines, cette opération aurait permis de déjouer un nouvel assaut que prépareraient les clandestins, pour la plupart originaires d’Afrique noire. Ils sont au nombre de 220 aux mains des autorités marocaines. De nombreuses tentatives de franchissement de la frontière ces dernières semaines avaient aussi fait de nombreuses victimes. Mais il est difficile de vérifier les chiffres annoncés par les autorités, tant espagnoles que marocaines, parce que justement ces candidats à l’immigration sont généralement sans documents officiels, sans identité et dont personne ne s’inquiète de la disparition. Selon les autorités espagnoles les dernières tentatives à  Melilla ont fait deux morts provoquées «par asphyxie et écrasement» suite aux gigantesques bousculades.  

La ville de Ceuta compte 74 000 habitants et s’étend sur 20 km². Face à la presqu’île de Gibraltar, elle est sous tutelle espagnole depuis 1580. A quelques dizaines de kilomètres à l’est de Tanger, Ceuta est une plaque tournante de toute sorte de trafics et surtout de drogue en direction de l’Europe avec ses 8 km de frontière avec le Maroc. Plus à l’est (nord-est du Maroc), vers l’Algérie, une autre enclave espagnole, Melilla est aussi un point de passage de migration vers l’Europe. Elle couvre une superficie de 12,5 km², compte 57 000 habitants et se trouve sous tutelle espagnole depuis 1496.

Le Maroc réclame en vain à l’Espagne de reprendre sous sa coupe ces bouts de territoire «qui lui appartiennent». Malgré l’acuité du problème, il n’a pas été abordé au sommet de Séville, où le Premier ministre espagnol José Luis Zapatero reçoit son homologue marocain Driss Jettou. Les deux hommes ont toutefois parlé des problèmes d’immigration et la coopération nécessaire pour contrôler le phénomène. Mais on ne peut pas venir à bout de l’immigration avec des mesures sécuritaires», a déclaré à l’AFP, Mohamed Khachani, président de l’Association marocaine d’études et de recherches sur les migrations (AMERM). Il réclame l’organisation urgente d’une conférence internationale sur les migrations sous l’égide des Nations unies. «Quand la répression, financée par l’Union européenne se durcit, les immigrés subsahariens risquent le tout pour le tout», constate Hicham Rachidi de l’Association des amis des familles et victimes des immigrés clandestins (AFVIC). Ces deux personnalités réclament un autre traitement que la seule répression comme politique de dissuasion.


par Didier  Samson

Article publié le 29/09/2005 Dernière mise à jour le 29/09/2005 à 17:41 TU

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Philippe de Bruycker

Chercheur à l'Institut d'études européennes de l'université libre de Bruxelles

«La politique européenne de lutte contre l'immigration illégale est à trop court terme.»

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