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Immigration

Sélectionner les arrivants, expulser les clandestins

Pour lutter contre l’immigration irrégulière, le ministre français de l’Intérieur Nicolas Sarkozy propose une augmentation de reconduites à la frontière.(Photo : AFP)
Pour lutter contre l’immigration irrégulière, le ministre français de l’Intérieur Nicolas Sarkozy propose une augmentation de reconduites à la frontière.
(Photo : AFP)
Nicolas Sarkozy a donné les grandes lignes de sa politique en matière d’immigration à l’occasion d’une convention organisée par l’UMP sur ce thème, à l’Assemblée nationale. Fidèle à ses convictions, il entend limiter les arrivées d’étrangers sur le sol français en établissant des critères d’admission en fonction des besoins économiques du pays. Une conception de l’immigration nouvelle version partagée d’autant plus facilement par le Premier ministre, Dominique de Villepin, qu’elle n’a pas été présentée comme une application de la politique des «quotas» mais comme la mise en oeuvre du principe de «l’immigration choisie».

Qui dit immigration doit dire intégration. C’est en vertu de ce principe que Nicolas Sarkozy a défini sa nouvelle politique en matière d’immigration en déclarant qu’il faut avant toute chose «retrouver la maîtrise quantitative des flux» pour pouvoir «restaurer une vision positive de l’immigration». Cette nécessité impose donc de permettre de fixer «chaque année, catégorie par catégorie, le nombre de personnes admises à s’installer sur le territoire». Par «catégorie», il faut entendre «travailleurs qualifiés, créateurs d’entreprises, chercheurs, professeurs d’université», autant de personnes capables d’apporter leur compétence là où la France en a besoin. De cette manière, l’intégration des immigrés serait largement facilitée, estime le ministre de l’Intérieur.

Nicolas Sarkozy a ainsi réussi à proposer, sans la nommer, une politique des quotas qu’il avait déjà largement défendue. Il a aussi choisi d’établir la grille de sélection non pas en fonction des pays d’origine ou de l’appartenance ethnique des candidats à l’émigration vers la France mais en fonction de leur capacité à répondre «aux exigences de l’économie». De cette manière, le ministre de l’Intérieur n’a pas heurté les convictions de son supérieur hiérarchique, Dominique de Villepin, qui a toujours considéré les quotas basés sur la nationalité comme contraire à la «tradition humaniste» de la France. Il lui a même permis de donner un nom à ce concept à visée économique : «l’immigration choisie». C’est-à-dire celle qui ne remet pas en cause l’emploi des nationaux, dont le Premier ministre a fait sa priorité et permet, au contraire, de boucher les trous.

50 % d’expulsions supplémentaires

Mais pour mieux réussir à passer d’une «immigration subie à une immigration choisie», Nicolas Sarkozy entend aussi «endiguer l’immigration clandestine et réguler l’immigration familiale». On estime que de 200 000 à 400 000 étrangers vivent en France de manière illégale. Pour lutter contre ce phénomène, le ministre de l’Intérieur a donc annoncé son intention d’augmenter le nombre de reconduites à la frontière d’immigrés clandestins. Il rejoint sur ce terrain la politique engagée par son prédécesseur qui n’était autre que Dominique de Villepin. Nicolas Sarkozy envisage donc de procéder, dès 2005, à 50 % d’expulsions supplémentaires. Il souhaite aussi faire très rapidement en sorte «de mettre un terme aux détournements de procédure» (mariages blancs, aides médicales d’Etat, par exemple) grâce auxquels certains étrangers réussissent à entrer sur le territoire en contournant les règles établies. Le ministre veut aussi que l’examen des conditions de revenus ou de logement, notamment, soit plus rigoureux avant d’autoriser les regroupements familiaux.

La contrepartie de cette politique de sélection des immigrés et de renvois des clandestins doit, selon le ministre de l’Intérieur, consister à mettre en œuvre des mesures concrètes pour assurer à tous ceux qui vivent légalement en France une intégration réussie. De ce point de vue, Nicolas Sarkozy a remis sur la table sa théorie de la «discrimination positive». Il s’agit selon lui du meilleur moyen pour assurer «l’égalité des chances» dans l’accès à l’emploi, au logement mais aussi à l’éducation. C’est pourquoi il prône de nouveau l’application d’une mesure controversée qui vise à réserver aux plus motivés des élèves en provenance de ZEP (zone d’éducation prioritaire) 5 à 10 % des places en classes préparatoires et en instituts d’études politiques. Sarkozy entend, grâce à ce type d’initiatives, redynamiser le «modèle d’intégration républicaine».

A peine réinstallé sous les lambris de la place Beauvau, Nicolas Sarkozy a donc donné le la sur le difficile dossier de l’immigration. En prenant soin d’accorder ses violons avec Dominique de Villepin, il a néanmoins réaffirmé ses positions et marqué son territoire dans la politique gouvernementale. Même si le Premier ministre a mis en place un Comité interministériel de contrôle de l’immigration, c’est au ministre de l’Intérieur que reviendra la tâche de coordonner les propositions dans ce domaine.

par Valérie  Gas

Article publié le 10/06/2005 Dernière mise à jour le 10/06/2005 à 17:49 TU

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Patrick Weil

Directeur de recherche au CNRS

«L'expérience des autres pays qui ont mis en place ce système, montrent que quand on fait des quotas pour les non qualifiés, ils sont toujours dépassés (...) et pour les qualifiés, ils ne sont jamais atteints.»

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