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Immigration

Mayotte dans l’œil de François Baroin

Le ministre français d'Outre-mer François Baroin estime qu'il faudrait envisager la remise en question du droit du sol dans « certaines collectivités d’Outre-Mer ».(Photo : AFP)
Le ministre français d'Outre-mer François Baroin estime qu'il faudrait envisager la remise en question du droit du sol dans « certaines collectivités d’Outre-Mer ».
(Photo : AFP)
La volonté du ministre français de remettre en cause le droit du sol dans « certaines collectivités d’Outre-Mer » relance le débat sur l’immigration clandestine à Mayotte.

Dans un entretien accordé samedi 17 septembre 2005 au Figaro Magazine, François Baroin, ministre français de l’Outre-mer, parle de « mesures radicales » nécessaires pour lutter contre l’immigration illégale dans les îles françaises. Pour y parvenir, il se déclare prêt à remettre en cause le « droit du sol », principe qui permet à toute personne née sur le territoire français de bénéficier de la nationalité française, dans ces territoires où « le chantier le plus important » paraît désormais être « l’immigration » à ses yeux.

La Guyane, la Guadeloupe, la Martinique sont dans son collimateur. Mais la palme revient à Mayotte. « A Mayotte, explique-t-il, j’étudie la possibilité de limiter à un délai d’un an après la naissance de l’enfant la période pendant laquelle un Français peut reconnaître un enfant naturel dont la mère est étrangère. On peut également envisager de modifier ou de suspendre temporairement certaines règles relatives à l’acquisition de la nationalité française à Mayotte. Par exemple, poser la règle de régularité du séjour des parents comme condition pour l’accès ultérieur des enfants à la nationalité française ».

Mayotte, île de l’Archipel des Comores, restée française au lendemain des indépendances. Mayotte que les habitants de l’Union des Comores continuent à revendiquer depuis 1975 comme faisant partie d’un ensemble historiquement constitué. Mayotte qui se déclare aujourd’hui envahie par des hordes de migrants, en provenance justement de « ses » îles soeurs. Instauré depuis 1995, le « visa Balladur » oblige les Comoriens de nationalité à se pourvoir désormais d’un sauf-conduit spécial pour entrer sur le sol mahorais. Une loi qui a fini d’ériger un mur entre les habitants de ces îles de l’Océan Indien.

Des battues pour traquer les clandestins

Mayotte, ces dernières années, est devenu un pôle d’attraction pour les citoyens de la partie indépendante, en prise quotidiennement avec une crise économique et politique. Depuis 1997, on note de plus en plus d’embarcations de fortune, les fameuses kwasa kaswa, qui partent de nuit de l’île d’Anjouan, avec des passagers en quête d’un « mieux-être » chez leurs « cousins » mahorais. Ces derniers crient à l’invasion. Des battues sont organisées pour traquer ces clandestins, soupçonnés de vouloir profiter du système de soins gratuits institué sur l’île. Les Mahorais prétendent ainsi que la plupart des « clandestines » accouchant dans leurs hôpitaux cherchent à faire bénéficier leurs enfants de la nationalité française. Les déclarations du ministre Baroin semblent aller dans le même sens.

Vrai ou faux… la traversée « clandestine » entre Anjouan et Mayotte n’est souvent qu’une longue suite de morts par noyade. Plus de 1 000 morts depuis 1995. Dans une mise en scène du Centre Dramatique de l’Océan Indien à la Réunion l’an dernier, un rescapé de l’enfer des kwasa, s’exclamait en ces termes : « Notre vie n'est, pour les représentants du gouvernement français, rien dont on puisse parler sérieusement […]Nos sœurs, nos frères, nos enfants sont morts en mer, noyés et dévorés par les requins depuis l'instauration du « visa » qui a fait de nous des hors-la-loi dans notre propre archipel. Le « visa » est quelque chose qui a été inventé loin de chez nous, spécialement pour nous. Il nous faut du temps pour comprendre ce que c'est: c'est quelque chose que vous devez avoir pour être là où vous êtes, parce que vous êtes ce que vous êtes, mais que vous ne pouvez justement pas avoir parce que vous êtes ce que vous êtes ».

par Soeuf  Elbadawi

Article publié le 21/09/2005 Dernière mise à jour le 21/09/2005 à 11:38 TU