Comores
Le président Azali à l’Elysée, une première
(Photo : C. Stéfan/MAE)
La première visite officielle en France d’un président comorien vise à mettre un terme au coup de froid qu’on connu les relations entre Paris et son ancienne colonie ces dernières années. Pour le colonel Azali ce voyage sonne également comme une forme de consécration. La France, à son arrivée au pouvoir en 1999, l’avait condamné en qualité de putschiste. Il en a résulté une «glaciation des relations» entre Paris et Moroni, renforcée par l’attitude des autorités diplomatiques françaises qui jouent, selon les circonstances, la carte de l’unité ou de la division des Comores .
Pourtant, l’opinion comorienne n’en démords pas. Si Azali est arrivé au pouvoir, c’est bien grâce à la France. Dans l’archipel, l’histoire du colonel putschiste est d’abord vue comme celle d’un chef d’Etat-major, qui fuit, en plein coup d’Etat perpétré par le mercenaire Bob Denard, dans le coffre d’une voiture banalisée pour aller se réfugier à l’ambassade de France. Celle-ci l’aide à rejoindre Paris, pour suivre les cours de l’Ecole de guerre, avant de rentrer à Moroni organiser son coup d’Etat. Nombre de Comoriens estiment que la France était au moins au courant… Une France qui créa néanmoins la surprise, en encourageant la communauté internationale à bouder le nouveau pouvoir et en suspendant son aide au développement. Principale partenaire des Comores, la France, qui prétend par ailleurs n’avoir ménagé aucun effort pour réconcilier les îles sœurs, fut alors accusée de jouer la carte de l’ambiguïté.
Azali devenu «fréquentable»
Union des Comores. DR |
Le colonel Azali, élu en 2001 sur la base d’une nouvelle constitution, qui a fini de le rendre «fréquentable» auprès de ses partenaires étrangers, arrive bientôt au terme de son mandat et a besoin d’une ultime légitimation de son pouvoir. Ce voyage en est une ! En 2006, il devra laisser place à son successeur, un Anjouanais selon toute probabilité, la présidence de l’archipel étant soumise à un principe de «tournante» entre les trois îles indépendantes. Une perspective qui n’a pas l’air de plaire à son équipe, qui pense n’avoir pas encore fini de «pacifier» le pays totalement. Certes, le cahier des charges établi lors de la signature des accords dits de Beït Salam a été honoré dans ses grandes lignes, sous le contrôle de la communauté internationale mais il reste à régler la question des compétences entre les îles pour finaliser le processus de réconciliation nationale en cours. Après la mise en place d’exécutifs et de parlements autonomes dans chaque île, en plus d’une autorité nationale reconnue et gérée par le président Azali, c’est l’élaboration de lois organiques permettant de déterminer les compétences de chacune des nouvelles instances existantes qui devrait suivre. De nombreuses discussions ont lieu actuellement autour de l’article 9 de la constitution, censée réguler tous les conflits à ce niveau.
Mais la confiance n’est pas au rendez-vous. La peur de voir le colonel Azali opérer un revirement de dernière minute, afin de demeurer au pouvoir, existe. Par le passé, il lui est arrivé de promettre de rendre le pouvoir aux civils et de ne pas le faire. Néanmoins, ce voyage rassure quelque peu ses détracteurs. Un voyage qui autorise à considérer la France à nouveau comme un partenaire plutôt soucieux de la paix dans l’archipel, alors qu’elle a longtemps été «honnie» par l’opposition comorienne, qui l’a souvent considérée comme le maître d’œuvre de toutes les divisions entre les îles. Il donne en même temps l’impression aux «spéculateurs» comoriens que l’Elysée souhaite adouber une dernière fois son poulain, avant de lui montrer la sortie. Ce qui est sûr, c’est que cette visite officielle relance la coopération bilatérale, après plusieurs années de rapports houleux. Une commission mixte franco-comorienne, la première du genre depuis 1992, va bientôt se mettre en place.par Soeuf Elbadawi
Article publié le 01/02/2005 Dernière mise à jour le 01/02/2005 à 18:13 TU