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Nicaragua

Visite «impériale»

Daniel Ortega, qui se voit déjà élu président de la République en 2006, a choisi de montrer à Washington qu’un dialogue était possible, s’affichant comme un démocrate respectueux des lois.(Photo: AFP)
Daniel Ortega, qui se voit déjà élu président de la République en 2006, a choisi de montrer à Washington qu’un dialogue était possible, s’affichant comme un démocrate respectueux des lois.
(Photo: AFP)
La crise politique qui dure depuis trois ans, empêchant tout fonctionnement de l’État, vient de prendre fin. Les Sandinistes (FSLN), menés par Daniel Ortega, sont prêts à tous les compromis pour remporter les prochaines élections présidentielles de 2006, quitte à obéir à Washington comme l’a montré la visite-éclair à Managua du sous-secrétaire américain Robert Zoelick.

De notre correspondant en Amérique centrale

Les vicissitudes politiques du Nicaragua mettent en émoi la population et les institutions internationales depuis bientôt trois ans. Il ne se passait pas un jour sans que le Parlement ne tente de déstabiliser le gouvernement d’Enrique Bolaños. La crise commence en 2002 lorsque celui-ci remporte les élections. C’est un homme seul, soutenu par la droite et les États-Unis, mais qui n’a pas de parti. Pour démontrer qu’il est l’homme du changement, il s’attaque frontalement à la corruption et fait condamner, grâce à l’appui des députés sandinistes, son prédécesseur Arnoldo Aleman à 20 ans de prison.

Celui-ci, qui tient d’une main de fer le PLC, le Parti libéral constitutionnaliste, n’aura plus qu’une idée en tête : faire tomber Bolaños, quitte pour cela à s’allier avec l’ennemi de toujours : les Sandinistes. Daniel Ortega accepte le pacte voyant l’occasion de prendre davantage de pouvoir. Ces deux partis qui comptent 95 % des sièges à l’Assemblée nationale, font alors passer une série de lois enlevant un à un les pouvoirs du président, allant même jusqu’à mettre en examen ses ministres sous de fallacieux prétextes, menaçant de le destituer. Pour José Miguel Inzulza, Secrétaire général de l’OEA, appelé comme médiateur, c’est une conspiration politique des partis qui refusent de résoudre la crise pour leurs propres intérêts. Pour Bolaños, «la levée de son immunité serait considérée comme un véritable coup d’État constitutionnel».

Pressions américaines

Néanmoins, la démission du président Bolaños n’aura pas lieu. En effet, Daniel Ortega a annoncé sa décision de rompre le pacte politique qui le liait aux libéraux d’Arnoldo Aleman. Une décision qui a surpris les sympathisants des deux partis mais qui n’est pas étrangère à la visite-éclair du sous-secrétaire américain Robert Zoelick. «Une visite dure et impériale», titrait El Nuevo Diario. Celui-ci est venu soutenir le président Enrique Bolaños en rappelant franchement que les options politiques du Nicaragua devaient refléter les intérêts des États-Unis. Autrement dit, Washington, agitant le bâton, est venu réclamer un peu d’ordre dans le pays.

Au lieu de dénoncer l’atteinte inadmissible à la souveraineté nationale, comme on l’attendait,  Daniel Ortega, qui se voit déjà élu président de la République en 2006, a choisi de montrer à Washington qu’un dialogue était possible, s’affichant comme un démocrate respectueux des lois. Il a donc annoncé que le président Enrique Bolaños pourrait poursuivre son mandat constitutionnel et que les Sandinistes ne voteraient pas la loi d’amnistie qui aurait permis à l’ex-président Arnoldo Aleman de sortir de prison. Daniel Ortega a préféré céder aux pressions américaines pour mieux se positionner en vue des présidentielles d’autant que l’appel au secours lancé par Bolaños à Washington affaiblit plus la présidence qu’il ne la conforte : de nombreux nicaraguayens n’ont pas apprécié la manière brutale avec laquelle Robert Zoelick a mis les points sur les i.

Accord ou tactique

Les Nicaraguayens sont très divisés sur ce pacte entre les Sandinistes et le gouvernement. 50 % des personnes interrogées estiment que E. Bolaños a bien fait de mettre fin à cette situation, mais 75 % sont sceptiques et ne voient pas comment il va gouverner car il n’en a plus les moyens. Ils craignent que le pacte avec le PLC continue en sous main puisqu’il ne peut y avoir de retour en arrière. Or, dans les faits, les Sandinistes contrôlent le pouvoir judiciaire, l’Institut électoral, la Cour des Comptes, les impôts et le pouvoir législatif. Du reste, PLC et FSLN viennent de se partager à 50-50, les huit zones où se dérouleront les prochaines élections municipales, s’assurant ainsi le partage de la victoire.

par Patrice  Gouy

Article publié le 19/10/2005 Dernière mise à jour le 19/10/2005 à 12:19 TU