Sommet des Amériques
Les Amériques se divisent sur la zone de libre échange
(Photo: www.ivcumbreamericas.gov.ar)
De notre envoyé spécial à Mar del Plata
Conférence de presse des présidents argentin et américain. (Photo: www.ivcumbreamericas.gov.ar) |
Les cinq, en l’occurrence les quatre membres fondateurs du Mercosur (Marché commun du Sud), soit l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay, plus le Venezuela, qui doit adhérer à cet ensemble à la fin de l’année, rejettent l’Alca dans sa version actuelle, jugée trop favorable aux intérêts de Washington.
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Faute d’accord sur ce sujet, qui a dominé le sommet, officiellement réuni sur le thème de l’emploi, la déclaration finale, adoptée samedi 5 novembre en fin de journée, après plusieurs heures de discussions, reprend les positions des uns et des autres. C’est à ce prix que les participants ont évité d’avoir à se séparer sans avoir signé un document commun.
En apparence, chacun a des raisons de se réjouir de ce compromis. Le président vénézuélien Hugo Chávez, qui avait pris la tête de la croisade contre l’Alca, peut s’estimer satisfait d’avoir évité que le sommet s’engage derrière les Etats-Unis. Il a également montré qu’il n’était pas seul à refuser la zone de libre échange proposée. Cependant, il n’a pu éviter qu’une majorité significative des chefs d’Etats présents entérine la reprise des négociations. Et, en se ralliant à la position défendue par le Mercosur, selon laquelle «les conditions de relance de l’Alca ne sont pas encore donnés», il ne peut masquer un recul par rapport aux ambitions affichées en arrivant à Mar del Plata: Chávez avait alors affirmé qu’il était venu «enterrer l’Alca» et qu’il ne signerait aucun document qui ferait référence à ce projet «impérialiste».
Bush et ses amis n’ont pas réussi à faire adopter la relance de la zone de libre échangeInitialement sur la défensive, les partisans de l’Alca, à commencer par les Etats-Unis, peuvent se vanter d’avoir rétabli la situation. Au terme d’une contre offensive menée par le président mexicain Vicente Fox, ils se sont comptés et se sont trouvés plus nombreux qu’ils ne le pensaient. Mieux encore, le Premier ministre Paul Martin a fait état de «l’enthousiasme» de certains pays, citant notamment l’Amérique centrale, le Pérou et la Colombie. Mais George Bush et ses amis n’ont pas réussi à faire adopter la relance de la zone de libre échange par l’ensemble du sommet.
Quant aux pays du Mercosur, ils ont tenu bon face aux pressions des pays favorables à l’Alca, dont certains ont menacé de ne pas signer une déclaration finale qui ne refléterait pas unanimement leur point de vue. Les présidents Néstor Kirchner, hôte du sommet, et Luiz Inacio Lula da Silva, qui devait accueillir George Bush à Brasilia au lendemain de celui-ci, ont insisté sur le fait qu’ils n’étaient nullement opposés à un accord de libre échange. Mais ils ont aussi rappelé qu’ils ne sauraient l’accepter tant que les Etats-Unis en excluraient l’agriculture. Argentins et Brésiliens, très compétitifs dans ce secteur, défendent d’ailleurs le même point de vue face à l’Union européenne. Ils attendent la réunion de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), prévue en décembre à Hong Kong, pour renouveler leur demande d’une diminution substantielle des subventions que les pays industrialisés accordent à leurs agriculteurs.
L’avenir de la Zone de libre échange des Amériques passe peut-être par Hong Kong. Si l’Europe, dont le modèle d’intégration sert de référence au Mercosur, faisait une offre susceptible d’intéresser le Brésil et l’Argentine, ces derniers devraient persister dans leur refus de l’Alca. Mais si, au contraire, elle se montrait plus frileuse que les Etats-Unis en matière agricole, il sera difficile aux dirigeants de ces pays de ne pas se rapprocher d’un ensemble économique regroupant une grande partie de leurs partenaires commerciaux et qui verrait le jour à leurs frontières.
par Jean-Louis Buchet
Article publié le 06/11/2005 Dernière mise à jour le 06/11/2005 à 15:40 TU