Chili
Les mauvais calculs d’Alberto Fujimori

(Photo: AFP)
De notre correspondante à Santiago du Chili
C’est sans opposer de résistance, mais apparemment affligé, que l’ancien président péruvien Alberto Fujimori a été arrêté hier matin à Santiago, par les services secrets chiliens. Il résidait dans un hôtel de luxe, le Marriot, depuis dimanche soir, après une arrivée inattendue au Chili, dans un avion privé. A la demande du gouvernement péruvien, le juge de la cour suprême chilienne, Orlando Alvarez, a ordonné sa détention préventive. Alberto Fujimori est actuellement détenu à Santiago, à l’école de la gendarmerie. Il a réclamé sa liberté provisoire. Lors de son transfert, il avait retrouvé son sourire, saluant tranquillement la presse, malgré quelques opposants devant l’enceinte. Le gouvernement péruvien devrait remettre d’ici peu une demande d’extradition officielle au juge chilien. Et ainsi, lui permettre d’enclencher une procédure qui devrait durer plusieurs mois.
Président entre 1990 et 2000, Alberto Fujimori est notamment accusé, au Pérou, de corruption et de violations des droits de l’homme. Il avait pris la fuite pour le Japon en 2000. Malgré ces accusations, il continue de bénéficier du soutien de 20 % de la population péruvienne, selon les derniers sondages. Devant la surprise générale suscitée par son arrivée intempestive à Santiago, après 5 ans d’exil, l’homme, âgé de 67 ans, a expliqué dans un communiqué qu’il désirait séjourner au Chili avant de rejoindre le Pérou, afin de «respecter l’engagement pris avec une importante partie du peuple péruvien». En d’autres termes, afin de se présenter à l’élection présidentielle d’avril 2006, bien que le Congrès péruvien lui ait interdit toute candidature jusqu’en 2011.
Remerciements publics de Toledo
Tandis que le président péruvien Alejandro Toledo remerciait publiquement le gouvernement chilien pour son action judiciaire et que la presse péruvienne se félicitait vivement de l’arrestation de Fujimori, des affrontements se produisaient devant l’ambassade du Chili à Lima entre partisans et opposants de l’ancien président. Le président de la Commission de la constitution du Congrès péruvien, Antero Flores-Aráoz, a estimé que cette affaire était une manoeuvre pour compliquer encore les relations bilatérales entre le Chili et le Pérou. Les deux pays sont en effet à couteaux tirés depuis la semaine dernière. Le Pérou a voté jeudi une loi délimitant sa frontière maritime avec le Chili, ce qui soustrait à ce dernier 30 000 km² de territoire maritime. Evidemment, le Chili refuse l’application de cette loi. Cependant, le président chilien Lagos a publiquement déclaré sa préoccupation : «J’espère que la situation de l’ex-président Fujimori au Chili ne sera pas un obstacle dans les relations que nous devons entretenir avec le Pérou».
La question reste posée : pourquoi Fujimori est-il venu au Chili ? Car son voyage semblait avoir été préparé depuis quelques jours au moins. Une vidéo a ainsi été remise à la presse japonaise avant son départ, pour remercier le pays de l’avoir accueilli 5 ans durant. Les chambres d’hôtel étaient réservées depuis 5 jours, et il semble qu’un avocat chilien attendait l’ancien président à sa sortie de l’avion. Selon une journaliste japonaise qui a interviewé l’ancien président, celui-ci n’imaginait pas être arrêté au Chili, étant donné les mauvaises relations entre les deux pays. Alberto Fujimori a perdu son pari.
par Claire Martin
Article publié le 08/11/2005 Dernière mise à jour le 08/11/2005 à 15:44 TU