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France

Des cités de banlieue classées monuments historiques

L'ancienne usine Champagnole à La Courneuve.(Photo : : Bureau du patrimoine / CG93)
L'ancienne usine Champagnole à La Courneuve.
(Photo : : Bureau du patrimoine / CG93)
Depuis quatre ans, l’Etat et les autorités territoriales se sont intéressés à la richesse patrimoniale de la Seine-Saint-Denis. Cette banlieue, désignée par son numéro départemental: le 93 ou le 9.3, est située aux portes de Paris. Fortement marquée par la révolution industrielle, elle est un témoin privilégié de l’histoire sociale du XIXe siècle. Jusque-là les autorités étaient trop accaparées par des questions d’ordre social, et n’avaient pas trop prêté attention à ces lieux de mémoire. Le recensement des monuments d’intérêt historique devrait donc permettre de protéger des témoins du passé, menacés de disparition particulièrement depuis la loi Borloo votée le 26 mai 2004.

Vraisemblablement inspirée du Karl Marx Hof de Vienne, la cité 212 au Blanc-Mesnil, construite entre 1933 et 1936 par l’architecte Germain Dorel, est désormais classée monument historique. D’autres cités comme celle-ci ne sont pas classées. Elles sont même menacées de disparaître au nom de la politique du logement. En 2005 en effet, la politique de la ville est encadrée par deux lois: la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine (1er août 2003) et la loi de programmation pour la cohésion sociale (18 janvier 2005). Les zones urbaines sensibles (ZUS) des villes de Seine-Saint-Denis s’inscrivent dans ces nouvelles orientations. La loi Borloo programme 30 milliards d’euros d’investissement sur la période 2004-2008 pour restructurer les ZUS et, à titre exceptionnel, les quartiers présentant les mêmes caractéristiques. Sont ainsi prévues pour le seul département de Seine-Saint-Denis: 200 000 constructions de logements locatifs sociaux, 200 000 réhabilitations et 200 000 démolitions. «Attention ! », disent les défenseurs du patrimoine qui soulignent de leur côté que l’architecture n’est pas seule responsable des problèmes sociaux.

«Changer l’image du 93 implique de s’intéresser à son patrimoine»

L'hôpital Avicenne à Bobigny.
(Photo : : Bureau du patrimoine / CG93)
Selon eux, il y aurait même urgence à sauver de la démolition des bâtiments présentant un intérêt historique. Jean-Barthélémi Debost, responsable du développement culturel au Bureau du patrimoine (service de la culture du Conseil régional de Seine-Saint-Denis), souligne la richesse d’un patrimoine «témoin privilégié de l’histoire sociale du XIXe siècle, de la mémoire ouvrière et de celle de l’immigration». A titre d’exemple, le cimetière musulman de Bobigny -qui dépend de l’hôpital musulman de la municipalité, aujourd’hui baptisé hôpital Avicenne (en hommage au célèbre médecin persan Ibn Sinâ (980-1037) alias Avicenne)- a, par exemple, été construit en 1937 par l’architecte Crevel, au moment d’une forte vague d’immigration.

Constatant qu’en dépit des ressources, seules quelque 70 églises et demeures bourgeoises étaient classés «monuments protégés» pour tout le département, un accord a été signé en 2001 entre l’Etat et le département pour faire un travail d’inventaire de toutes les constructions présentant un intérêt architectural notoire (Catherine Tasca (PS) était alors ministre de la Culture). Le but du programme ? Valoriser voire préserver un patrimoine laissé pour compte. La mission a été placée sous la houlette du  Bureau du patrimoine -une structure créée en 1991. Elle a  été financée à part égales entre le département de Seine-Saint-Denis et l’Etat: «Les efforts mis en œuvre pour changer l’image du 93 impliqu(ai)ent de s’intéresser à son patrimoine», ne manque pas de souligner Jean-Barthélémi Debost.

Sauver de l’abandon -voire de la destruction- des lieux de mémoire

Façade de la piscine municipale de Pantin
(Photo : : Bureau du patrimoine / CG93)
Après quelque quatre années d’investigations, un atlas de l’architecture et du patrimoine de la Seine-Saint-Denis a été dressé et mis en ligne sur internet: http://www.cg93.fr . Il met en valeur des ressources souvent méconnues de la Seine-Saint-Denis, et couvre des domaines très diversifiés de la préhistoire à nos jours: archéologie, histoire, histoire de l’art, architecture. Abouti pour certaines communes comme Montreuil, Pantin, Aubervilliers et Neuilly-sur-Marne, ce travail de recensement se poursuit pour d’autres communes. Au-delà de son aide à la constitution du répertoire, le Bureau du patrimoine apporte sa contribution à la réflexion pour que soit réhabilités et sauvés de l’abandon -voire de la destruction- des sites considérés comme lieux de mémoire.

Le département de Seine-Saint-Denis comprend de nombreux vestiges industriels qui valent un détour touristique. Cependant, outre Pantin et ses «grands moulins», et outre Aubervilliers et sa «manufacture d’allumettes», d’autres sites retiennent l’attention. Pour connaître le programme, il suffit de suivre le guide sur http://www.tourisme93.com/. L’aérogare du Bourget, la cité 212 du Blanc-Mesnil et la cité du Pont Yblon à Dugny sont emblématiques de l’architecture des années 1930. A l’opposé du fonctionnalisme radical de l’aérogare et de sa dualité de matériaux (verre et béton), l’architecte du Blanc-Mesnil a multiplié matériaux, formes et couleurs en une composition qui privilégiait la verticalité. A l’opposé, d’autres ont essayé de casser la verticalité et la linéarité des grands ensembles: les tours de la cité de l’Abreuvoir (conçue par Emile Aillaud) sont en forme d’étoile, ou cylindriques. Lods, Lurçat, Dubuisson, Chemetov sont autant d’architectes de renom qui, parmi d’autres, ont participé à la création des logements sociaux et tenté des architectures audacieuses.

par Dominique  Raizon

Article publié le 16/11/2005 Dernière mise à jour le 16/11/2005 à 18:25 TU