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Union européenne

Crispation autour du nouveau budget

Tony Blair a une dizaine de jours pour trouver un accord sur le budget européen.(Photo: Commission européenne)
Tony Blair a une dizaine de jours pour trouver un accord sur le budget européen.
(Photo: Commission européenne)
Plusieurs membres de l’Union européenne critiquent le futur budget européen proposé lundi soir par la présidence britannique. Il s’agit pour le pays qui préside l’Union jusqu’à la fin de l’année de réussir le sommet des 15 et 16 décembre. Le budget est le seul enjeu de cette présidence britannique. Cette question des finances a déjà fait capoter le précédent sommet, en juin dernier. Malgré les promesses faites aux dix derniers arrivés, il est prévu de leur donner moins. Les «anciens» veulent également diminuer leurs contributions au pot commun. Quelques mois après le rejet de la Constitution européenne, le désenchantement s’installe. La réussite du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement est loin d’être assurée.

Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne se retrouvent les 15 et 16 décembre prochains pour adopter le nouveau budget de l’Union européenne, un budget de fonctionnement couvrant la période 2007-2013. Tous les chefs d’Etat et de gouvernement participants auront en tête l’échec du précédent sommet, sur le même sujet, en juin dernier. La réunion avait montré au plus haut niveau l’égoïsme des «vieux» pays de l’Union. Empêtrés dans des crises économiques et sociales, les plus riches n’avaient pas voulu accepter une hausse des financements, malgré les fonds nécessaires à l’intégration des dix pays d’Europe centrale et de l’Est, nouveaux membres de l’Union depuis mi-2004.

Cette fois, Tony Blair, qui avait pris la responsabilité de faire capoter le sommet qui se déroulait sur ses terres, à Hampton Court, près de Londres, cherche une solution pour trouver le budget de fonctionnement de l’Union à partir de 2007. La nouveauté, c’est que le chef du gouvernement britannique et président en exercice de l’Union a l’intention de faire un geste. Contrairement au précédent sommet pendant lequel Londres n’avait rien voulu entendre concernant une baisse du montant de son chèque, cette fois le Royaume-Uni est disposé à accepter une diminution de cette «ristourne» accordée aux Britanniques depuis 1984. L’été dernier, l’intransigeance de Tony Blair s’était heurtée à l’attitude de la France. Elle ne voulait pas entendre parler de la contrepartie demandée par les Britanniques, une réforme de la Politique agricole commune (PAC), avant l’échéance prévue en 2012. A l’époque, le chef du gouvernement britannique mettait cette condition à un changement d’attitude de son pays sur le montant de ce chèque.

Réduire les fonds de 8%

Lundi soir, le Royaume-Uni a fait un geste. Il accepte que son chèque cesse d’augmenter de manière exponentielle, qu’il ne soit plus proportionnel au montant du budget européen. Pour faire d’autres économies dans ce budget, Tony Blair propose surtout de réduire de 8% les fonds destinés aux dix pays qui ont rejoint l’Union il y a un peu plus d’un an. Les 10 pays «entrants» vont pâtir de la volonté de faire des économies à tout prix.

Ces pays, en général les plus pauvres de l’UE, acceptent plus ou moins bien cette perspective. La Pologne, par exemple, préférerait avoir le niveau de financement prévu. Mais Varsovie ne se montre pas hostile à une baisse des fonds structurels, qui doivent aider le pays à se moderniser. «Le raisonnement britannique va dans la bonne direction. C’est nous qui le leur avons suggéré lors de nos rencontres», a déclaré le chef du gouvernement polonais, Kazimierz Marcinkiewicz, sur une radio polonaise. Pourtant, à elle seule, la Pologne doit recevoir près de 60 milliards d'euros sur un total de 160 milliards, destinés à financer l'élargissement, pendant cette période 2007-2013.

Pour sa part, le Premier ministre hongrois, Ferenc Gyurcsany, s’oppose à une baisse des aides prévues pour son pays. De son côté, Jiri Paroubek, chef du gouvernement tchèque, n’est pas hostile à une baisse de financement, puisqu’elle s’accompagnera d’une flexibilité accrue dans l’utilisation des fonds.

La semaine dernière, Tony Blair a fait une tournée en Europe de l’Est pour sensibiliser les derniers arrivés au sein de l’Union à de possibles coupes budgétaires dans les fonds structurels. L’idée des Britanniques était déjà de donner plus de souplesse à ce système d’aides. L’expérience a montré que souvent, faute de projets, ces pays ne parviennent pas à absorber entièrement les financements alloués par l’Union.

Si Tony Blair a fait une tournée dans plusieurs capitales d’Europe de l’Est, il n’a pas l’intention non plus de négliger ses partenaires de la vieille Europe. Huit de ses homologues passeront à Londres d’ici la fin de la semaine pour discuter de ce projet de budget. Les Premiers ministres du Portugal, de Finlande, de Suède, des Pays-Bas, d’Irlande, d’Espagne, de Grèce et de Slovénie, seront reçus séparément dans la capitale britannique. Des contacts sont en cours avec la Belgique et le Danemark.

Des économies seront également programmées sur les fonds de développement rural. Ceux-là sont destinés aux campagnes des Etats membres les plus anciens, les plus industrialisés, pour maintenir un développement dans ces zones à l’écart des villes. De plus, les aides agricoles que l’UE doit prévoir au budget, pour la Roumanie et la Bulgarie, qui vont adhérer en 2007, pourraient, elles aussi, être rognées.

A l’Ouest, la crispation

L’enveloppe globale du budget serait de 846,76 milliards d’euros, avec comme référence, 1,03% du produit intérieur brut (PIB) de l’ensemble des pays membres de l’Union. Ce budget serait en baisse de 25 milliards d’euros par rapport à la proposition du Luxembourg, en juin dernier, pays qui tenait à l’époque les rênes de l’Union.

Baisse des aides communautaires aux nouveaux pays membres, baisse du chèque britannique, diminution des aides rurales (peut-être une façon de toucher à la PAC), le Premier ministre britannique cherche à renouer le fil entre les 25. C’est pourtant la crispation qui domine parmi les membres «historiques» de l’UE. La France a rejeté la proposition britannique et a demandé de nouveau une réforme «substantielle» de la ristourne dont bénéficie le Royaume-Uni. Pour la France, Londres ne veut pas prendre sa part du fardeau de l’élargissement.

Philippe Douste-Blazy et Catherine Colonna, ministre des Affaires étrangères et ministre déléguée aux Affaires européennes ont rejeté le projet de budget britannique. Dans un communiqué, les deux ministres indiquent que «d’une part, les dépenses consacrées aux nouveaux Etats membres sont en réduction notable. D’autre part, la France devrait payer une importante contribution supplémentaire au budget européen, presque équivalente à celle des propositions luxembourgeoises (premier projet de budget en juin dernier) non plus à titre principal pour financer l’Europe élargie, mais surtout pour financer les Etats membres les plus riches, au premier rang desquels le Royaume-Uni».

Les Espagnols se sont, eux aussi, montrés déçus par les dernières propositions de budget. Le Parti populaire, dans l’opposition, considère que la proposition de la présidence britannique est «très décevante». Selon le PP, avec ce budget, l’Espagne deviendrait «la principale source de financement de l’élargissement». Avec la proposition britannique, l’Espagne «n’améliorerait pas du tout son solde financier avec l’UE».

L’Allemagne, les Pays-Bas, ont déjà dit qu’ils ne voulaient pas augmenter leurs contributions au budget européen. La crispation est générale, rien n’est gagné pour le futur sommet.


par Colette  Thomas

Article publié le 06/12/2005 Dernière mise à jour le 06/12/2005 à 12:25 TU