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Condoleezza Rice sermonne les Européens

La chancelière allemande, Angela Merkel (G), et la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice (D), se sont engagées à lutter ensemble contre le terrorisme. (Photo : AFP)
La chancelière allemande, Angela Merkel (G), et la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice (D), se sont engagées à lutter ensemble contre le terrorisme.
(Photo : AFP)
Arrivée lundi à Berlin, le chef de la diplomatie américaine Condoleezza Rice axe sa tournée européenne sur la lutte contre le terrorisme international. Mardi matin, Madame Rice, aux côtés de la chancelière Angela Merkel, a déclaré dans sa conférence de presse que le renseignement reste «la clé-absolue» dans la lutte contre le terrorisme, tout en rappelant les Européens à leurs obligations d’alliés.

C’est leur première rencontre officielle. Et dès mardi matin, Angela Merkel qui souhaite une relation «étroite et franche avec les Etats-Unis», emboîtait le pas à la secrétaire d’Etat américaine lors de leur conférence de presse commune à Berlin, estimant que les déclarations de Condoleezza Rice sur la lutte contre le terrorisme était «une bonne base». La nouvelle chancelière conservatrice a plaidé pour une coopération des services secrets entre les pays démocratiques.

De son côté, le chef de la diplomatie américaine admettait que «si des erreurs ont été commises, les Etats-Unis s’évertueront à les corriger le plus rapidement possible». Condoleezza Rice a réaffirmé la légitimité des moyens utilisés par son pays pour contrer le terrorisme international, un ennemi résolu qui «opère de l’intérieur de notre société et cherche à tuer des civils innocents».

Mise en garde voilée

Avant son départ de Washington, Mme Rice avait lancé un avertissement à ses alliés européens. «Il appartient à ces gouvernements et à leurs citoyens de décider s’ils veulent œuvrer avec nous pour empêcher des actes de terrorisme contre leur propre pays ainsi que d’autres nations, et de décider des informations sensibles à mettre dans le domaine public». Condoleezza Rice a ajouté que ses déclarations lors de sa tournée européenne fourniraient la «base» de sa réponse à la lettre que son homologue britannique Jack Straw lui a adressée, la semaine dernière, au nom de la présidence tournante de l’Union Européenne, au sujet de la controverse provoquée par les activités secrètes de la CIA (Central Intelligence Agency) sur le Vieux continent.

Depuis le début du mois de novembre, les Etats-Unis sont accusés d’avoir utilisé des aéroports européens ou survolé des pays européens avec des avions de la CIA transportant des personnes soupçonnées de terrorisme vers des pays pratiquant la torture, tels que l’Egypte, la Jordanie, le Maroc ou la Syrie. A Berlin, Mme Rice a réitéré que son pays «n’admet pas la torture contraire à la loi américaine et contraires aux obligations internationales des Etats-Unis».

Entre 2001 et 2005, près de 800 vols, à bord de six avions différents, ont été affrétés par la CIA pour transporter des prisonniers soupçonnés de terrorisme, a affirmé le 5 décembre Amnesty International, citant des documents de vol obtenus auprès de l’Administration fédérale américaine de l’aviation (FAA). A ces allégations, viennent s’ajouter des accusations concernant l’existence de prisons secrètes en Europe de l’Est. La chaîne de télévision américaine ABC révèle que 11 membres présumés d’Al Quaïda incarcérés dans deux prisons secrètes d’Europe de l’Est ont été transférés à la hâte vers un nouvel établissement en Afrique du nord et ce, juste avant l’arrivée du chef de la diplomatie américaine en Europe.

La presse allemande crie au scandale

Le gouvernement allemand, hôte de la secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice, était, ce mardi, la cible de la presse d’Outre-Rhin.  Les quotidiens nationaux jugent hautement improbable que Berlin n’ait pas été averti du passage sur son territoire d’avions affrétés par la CIA. «L’Allemagne a fait trop de concessions à son allié américain dans la lutte anti-terroriste», assure la Süddeutsche Zeitung, estimant que l’ancien gouvernement de Gerhard Schröder a été un «partenaire silencieux». «C’est absurde», s’insurge La Frankfurter Allgemeine Zeitung  «de s’imaginer que les gouvernements européens n’aient rien su de l’utilisation de leur espace aérien et de leurs aéroports par des centaines d’avions de la CIA». Certains pays membres de l’Union ont reconnu avoir enregistré quelques-uns de ces vols, d’autres en sont encore au stade de l’investigation et d’autres encore ont diligenté des commissions d’enquête pour faire toute la lumière sur une affaire qui risque d’empoisonner à long terme les relations transatlantiques.

Dépôt de plainte à l’encontre la CIA

La secrétaire d’Etat américaine s’est refusée à commenter le cas de Khaled el Masri, un ressortissant allemand d’origine libanaise, enlevé par erreur par la CIA en Macédoine, fin 2003, et transféré en Afghanistan, où il a été détenu cinq mois. Angela Merkel a toutefois précisé que les Etats-Unis avaient reconnu leur «erreur». La chancelière allemande a annoncé qu’elle avait demandé à son ministre  des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, de rendre compte de cette «bavure» à la commission du Bundestag chargée de contrôler les services secrets.

L’association américaine de défense des libertés civiles (ACLU) a annoncé, ce mardi, qu’elle avait déposé, au nom de Khaled el Masri, une plainte contre la CIA pour détention abusive.

Le chef de la diplomatie américaine a quitté Berlin, mardi après-midi pour Bucarest (Roumanie), avant de se rendre en soirée à Kiev (Ukraine). Elle achèvera sa tournée en Europe jeudi, à Bruxelles, où Condoleezza Rice assistera à une réunion au siège de l’OTAN.


par Françoise  Dentinger

Article publié le 06/12/2005 Dernière mise à jour le 06/12/2005 à 18:38 TU