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Corée du Sud

Honte et colère après l’imposture du professeur Hwang

Le professeur Hwang reconnaissait le 23 décembre avoir falsifié un article où il annonçait une «première mondiale» dans le domaine du clonage thérapeutique.(Photo : AFP)
Le professeur Hwang reconnaissait le 23 décembre avoir falsifié un article où il annonçait une «première mondiale» dans le domaine du clonage thérapeutique.
(Photo : AFP)
Il était célébré comme un héros national, adulé de tous, hommes politiques ou grand public. Il prenait chaque jour un peu plus l’envergure d’un « nobélisable ». Mais le professeur Hwang Woo-suk, faute impardonnable pour un scientifique, a menti. Celui qu’on surnommait le « Roi du clonage » est parvenu à mystifier à plusieurs reprises l’ensemble de la communauté scientifique internationale. Ses compatriotes sont sous le choc.

De notre correspondant à Séoul

Le comité scientifique mis sur pied pour vérifier la validité des travaux de Hwang Woo-suk est sans appel. Dans son rapport rendu public mardi 10 janvier, il démontre que le scientifique a délibérément falsifié les résultats de ses travaux, publiés à deux reprises par la prestigieuse revue américaine Science. Des recherches censées ouvrir la porte à des possibilités révolutionnaires de thérapie génétique cellulaire.

La pilule est amère. Ces derniers temps, pas une semaine ne se passe sans que ne soit rendue publique une nouvelle imposture du professeur Hwang. La population se sent humiliée, trahie par cet homme qui a longtemps fait sa fierté. L’affront est énorme dans cette partie de l’Asie où perdre la face est le pire des affronts. Parti de rien en 1953, entièrement dévasté par la guerre de Corée, le pays s’enorgueillit d’être aujourd’hui la 11ème économie mondiale. Mais de grands hommes, prouvant au monde entier le génie coréen, point. Jusqu’à Hwang Woo-suk.

Des « cellules à tout faire »

Depuis deux ans, le professeur avait donc pris dans le cœur de tous les Sud-Coréens une place à part. Enfin, dans ce petit pays avide de reconnaissance internationale, un homme attirait régulièrement les éloges appuyés des spécialistes d’un domaine parmi les plus compliqués et les plus prestigieux qui soient. Dans le monde de la recherche génétique, Hwang Woo-suk passait pour un vrai génie. Ce vétérinaire de formation, père de la première vache coréenne clonée, est un pionnier du clonage animal. Mais il acquiert  une notoriété immédiate et retentissante quand il publie son premier article dans Science, en février 2004.

Il affirme être, pour la première fois au monde, parvenu à extraire des cellules souches à partir d’un embryon humain cloné. Les cellules souches sont des cellules pluripotentes, ou « à tout faire », qui, au premier stade de leur développement, peuvent encore se transformer en n’importe quelle type de cellule (de foie, de rein ou de muscle par exemple). Mais ce n’est pas tout. Hwang Woo-suk récidive, en mai 2005, toujours dans la revue Science. Il affirme avoir réussi à créer 11 lignées de ces cellules souches « pluripotentes ».

Immense espoir déçu

Mais ce chiffre impressionnant, vu l’état actuel des connaissances en matière de clonage humain, est éclipsé par une particularité de ces cellules. Elles seraient parfaitement compatibles avec l’ADN des malades. Et pour cause ! Ce sont des clones fabriqués à partir des cellules des donneurs, et donc immuno-compatibles à 100 %. A partir de là, on pouvait envisager dans un avenir pas trop lointain de remplacer les cellules malades d’un patient par d’autres, parfaitement saines et issues de son propre corps. Le traitement de maladies comme Parkinson, Alzheimer ou le diabète pouvait dès lors être envisagé.

L’immense espoir suscité par ces recherches a donc vécu. Le génie était un imposteur. Mais aujourd’hui, c’est l’ensemble de la recherche sud-coréenne qui accuse le coup. Certains scientifiques n’osent même plus présenter les résultats de leurs travaux à leurs collègues étrangers. Ils préfèrent attendre, laisser passer le scandale, par peur d’être assimilés à la fraude. Un malaise qui risque de planer encore longtemps sur la Corée du Sud.


par Thomas  Ollivier

Article publié le 10/01/2006 Dernière mise à jour le 10/01/2006 à 18:59 TU

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Marina Mielczarek

Journaliste à RFI

«En Corée, le professeur Hwang était adulé, considéré comme un héros national»

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