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Economie

Arcelor : bataille d’arguments

Arcelor semble quelque peu démuni face à l'OPA de l'Indien Mittal.DR
Arcelor semble quelque peu démuni face à l'OPA de l'Indien Mittal.
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La bataille est engagée entre le numéro 1 mondial de l'acier, l’Indien Mittal, et le numéro 2, l’Européen Arcelor. L’annonce de la volonté de Lakshmi Mittal de racheter Arcelor a été jugée comme une opération globalement hostile en Europe et particulièrement en France. Lakshmi Mittal est venu présenter ses arguments lundi matin à Paris, déclarant sa volonté de ne pas fermer d'usines. Mais les contacts qui se sont déroulés ce lundi matin avec les responsables politiques français n’ont guère permis d’établir un climat de confiance entre les deux interlocuteurs et montrent que la France est prête à faire de la résistance.

L’industriel indien s’est livré à une véritable opération de charme. Ce dernier a bâti en quelques années la troisième fortune du monde grâce à l'acier. Mais ce n'est pas encore suffisant pour Lakshmi Mittal, qui veut ajouter à son tableau de chasse le groupe Arcelor, né de la restructuration de la sidérurgie en Europe. Toutefois sa volonté s'est heurtée à l'opposition des responsables politiques et des industriels français. On peut même dire que la rencontre avec le ministre français de l’Economie, Thierry Breton, lundi matin, s'est plutôt mal passée. Le ministre de l'Economie a dénoncé l'absence de projet industriel de la part du roi de l'acier.

Propos aussitôt contesté par l'industriel lui-même, qui avait convoqué la presse pour défendre son OPA. Selon Lakshmi Mittal, il s'agit de créer le N°1 mondial, grâce au rapprochement de deux entreprises très complémentaires, l'une dominante aux Etats Unis, l'autre en Europe. Le patron de Mittal Steel s'engage par ailleurs à ne pas fermer d'usine, à ne pas supprimer d'emplois. Mais selon Guy Dollé, l'actuel patron d'Arcélor, la fusion avec Mittal aura des conséquences dramatiques pour les salariés.

L'homme d'affaires indien affirme également vouloir procéder à un rapprochement d'égal à égal, en intégrant des administrateurs européens au conseil d'administration de son groupe. Mais le doute subsiste sur un réel partage du pouvoir ; on sait que Mittal Steel restera controlé à plus de 50 % par les seuls membres de la famille du magnat indien de l'acier.

Quels sont les atouts d’Arcelor ?

Le premier argument de Guy Dollé est financier : l'offre de Mittal est certes de 27% plus élevée que le cours moyen en bourse d'Arcelor, mais c'est globalement un échange que propose Mittal, des actions de Mittal avec un bonus de 7 euros. Pour Guy dollé c'est de la «monnaie de singe» : l'action Mittal, dit-il, n'a pas augmenté en bourse depuis un an alors que celle d'Arcelor a grimpé de 50%. Pour lui, mieux vaut garder de l'Arcelor que d'avoir du Mittal en mains.

Mais en dehors de cet argument, Arcelor semble quelque peu démuni, ses actionnaires se sont réunis dimanche à Luxembourg et ont décidé unanimement de rejeter l'offre indienne. Mais l'actionnariat n'est pas verrouillé : 87% de ses titres sont en libre circulation en bourse, le plus gros actionnaire, l'Etat luxembourgeois, ne détenant que 5,6% des titres. Un peu faible. Le seul vrai pouvoir d'Arcelor reste donc la dissuasion et l'appui politique : outre l’absence de projet industriel souligné par Thierry Breton, tous les pouvoirs publics européens se sont émus de voir l'acier européen sous contrôle indien. Mais le dernier mot, ce sont les actionnaires qui l'auront. La bataille pourrait durer 4 à 6 mois selon Guy Dollé.

Prochaine étape, le Luxembourg

Après l'accueil plutôt froid de Thierry Breton lundi à Paris, le numéro 1 de l'acier Lakshmi Mittal a rendez-vous mardi matin avec le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker qui ne devrait pas être plus chaleureux puisque dimanche, dans un communiqué, le gouvernement luxembourgeois s'est dit préoccupé de la nature hostile de l'offre. Le Luxembourg détient 5,6% du capital d'Arcelor, et c'est l'un des premiers employeurs du pays. Peu importe cette opposition à peine déguisée, le dirigeant indien se rendra ensuite au parlement luxembourgeois où il pourrait être malmené, puis il ira mercredi à Bruxelles où l'accueil, manifestement, est plus favorable : Nelly Kroes, la Commissaire européenne, a déclaré que les « subsides » et le « protectionnisme » étaient des politiques « du passé ». Pour le sidérurgiste indien, elle sera sans doute un soutien de poids.

Mais Arcelor n'a pas dit son dernier mot et entame de son coté aussi une campagne de conviction. Pour son patron Guy Dollé, Mittal est un modèle du passé qui n'a fait que racheter à bas prix des entreprises exsangues pour grossir : « Nous sommes trop gros et trop cher pour lui », estime-t-il. Les syndicats, de leur coté, s'inquiètent pour l'emploi. Au printemps dernier, après avoir repris l'américain International Steel Group, Mittal annonçait 46 000 suppressions de postes sur 5 ans. De quoi inquiéter aussi les hommes politiques. Mais ce sont les actionnaires qui auront le dernier mot.


par Annie  Fave, Marc  Lebeaupin

Article publié le 30/01/2006 Dernière mise à jour le 30/01/2006 à 19:33 TU