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Népal

Des raids maoïstes défient le roi

Le gouvernement du roi Gyanendra devra reprendre le dialogue avec les principaux partis, a exhorté l'Union européenne.(Photo: AFP)
Le gouvernement du roi Gyanendra devra reprendre le dialogue avec les principaux partis, a exhorté l'Union européenne.
(Photo: AFP)
Le premier anniversaire du «coup d’Etat» royal de Gyanendra le 1er février 2005 s’est traduit par des atrocités sanglantes, à huit jours d’un scrutin municipal promis par le souverain. Mettant à exécution leur menace de sabotage du vote, les maquisards maoïstes ont tué onze membres des forces gouvernementales et 143 sont portés disparus. De leur côté, les grands partis politiques, dont les principaux dirigeants ont été interpellés par le régime le 1er février, qualifient de «simulacre» le vote du 8 février étant donné l’absence de conditions démocratiques.

Le scrutin municipal du 8 février s’annonce à hauts risques pour le petit royaume himalayen, devant ce triple défi : la menace de raids rebelles, la bouderie de l’opposition et l’autocratie du souverain. Un an jour pour jour après que le roi du Népal Gyanendra s’est emparé des pleins pouvoirs, le 1er février 2005, la tension politique s’est traduite par des heurts mortels dans la nuit du 31 janvier au 1er février.

Quatre mille maquisards maoïstes ont attaqué cinq cibles des forces gouvernementales dans le district de Palpa, à 400 km à l'ouest de Katmandou, la capitale. Bilan : quinze morts, dont sept policiers, quatre soldats et quatre maoïstes. «Sur le long terme», a indiqué un responsable requérant l’anonymat, «les forces gouvernementales pourraient infliger de lourdes pertes aux maoïstes». Les attaques «contre le régime autocratique vont s'intensifier dans les jours à venir», répond le chef des maoïstes, Prachanda.

A la perspective du vote du 8 février, les rebelles ont confirmé la rupture de leur trêve unilatérale observée depuis quatre mois, trêve qu’ils ont rompu début janvier, conduisant depuis à la mort d’une centaine de civils, rebelles et membres des forces de sécurité. Contre toute attente, les maoïstes avaient noué en novembre un rapprochement avec les partis politiques de l’opposition mais le fait qu’ils reprennent les armes indiquent la poursuite de la guerre civile.

En effet, si le pouvoir de Gyanendra vient d’être mortellement combattu par les rebelles maoïstes, il est aussi contesté par les sept partis de l’opposition. Preuve en est, leur appel à de vastes rassemblements le 1er février dans tout le pays pour exiger le rétablissement de la démocratie a été maté par un important dispositif policier gouvernemental.

Gyanendra jugé hâbleur

Ce rabrouement des manifestants pro-démocratie et la recrudescence des actions de la guérilla maoïste, propre à relancer la guerre civile, ajoute à la confusion politique du pays. Le scepticisme quant à la démocratie au sein du petit royaume himalayen grandit chaque jour un peu plus. Les élections du 8 février, premières depuis sept ans, devraient pourtant avoir lieu. Le roi a souhaité les maintenir, arguant qu’elles seront «libres et justes», a-t-il promis lors d’une rare allocution télévisée à la nation. Mais elles devraient être à hauts risques…

En effet, la promesse de Gyanendra de rétablir la démocratie «dans les trois ans» qui suivait son « coup d’Etat» n’a été suivie que par l’instauration d’un état d’urgence dans le pays. L’homme avait pourtant bénéficié d’un état de grâce de la part de son pays et de la communauté internationale. Il promettait en effet d’organiser un vote et de mettre fin au conflit avec les maoïstes, en ancrant dans le royaume les principes des droits de l’homme.

Cependant, l’état de grâce accordé au roi n’a guère duré devant ses pratiques politiques. Celles-ci se sont traduites par l’arrestation de centaines d’opposants et de journalistes, déclenchant alors la colère de l’opposition et la réprobation de la communauté internationale. Si les actes engagent, ceux du souverain du Népal n’ont fait qu’accroître le doute sur ses intentions réelles.

Pour le roi, les élections du 8 février seront «l’unique moyen de garantir le droit des citoyens et de consolider la démocratie». «La monarchie constitutionnelle et le multipartisme démocratique sont en route et la population participera activement au scrutin», a-t-il affirmé.

Mais les paroles semblent loin des actes du roi. «Les principaux leaders de l'opposition ont déjà été arrêtés», a déclaré le 1er février Rupesh Nepal, du Centre de services du secteur informel (INSEC), une organisation des droits de l'homme. Les manifestations pro démocratie sont réprimées, comme celle qui devait avoir lieu le 20 février, avec l’arrestation de leaders et l’instauration d’un couvre-feu.

Cela confirme ce que les observateurs qualifieraient de «bluff royal». Gyanendra n’aurait qu’une optique : conserver son pouvoir. On est loin de ce qu’il avait critiqué en prenant le pouvoir où il avait accusé le gouvernement de n'avoir pas su mater la guérilla maoïste. La «guerre du peuple» avait fait plus de 12 000 morts depuis 1996, avait-il déploré.

«Farce» électorale boycottée

L’attitude du roi est donc de moins en moins prise au sérieux, que ce soit par les partis politiques, par les rebelles maoïstes, ou même par la Fédération des journalistes népalais. Celle-ci appelle, par la voix de son président Mahendra Bistra, à protester contre «le gouvernement qui s'en est pris aux médias et tente de bâillonner la liberté de la presse».

La communauté internationale réagit également. «Alors que l'UE comprend la difficulté de la situation sécuritaire et humanitaire face aux atrocités répétées des maoïstes, y compris l'attaque insensée d'aujourd'hui que nous condamnons sans réserve, elle ne peut pas fermer les yeux sur les restrictions gouvernementales à l'exercice des droits fondamentaux du peuple népalais», a déclaré Javier Solana, Haut représentant de l'UE pour la politique étrangère.


par Gaëtane  de Lansalut

Article publié le 01/02/2006 Dernière mise à jour le 01/02/2006 à 19:06 TU

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