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Santé

Chikungunya : la progression continue

Aux urgences de l'hôpital de Saint-Benoît de La Réunion.(Photo: AFP)
Aux urgences de l'hôpital de Saint-Benoît de La Réunion.
(Photo: AFP)
L’épidémie de Chikungunya poursuit sa progression à La Réunion malgré le renforcement du dispositif de surveillance et de lutte annoncé par le Premier ministre Dominique de Villepin, il y a quelques jours. Plus de 50 000 infections ont été recensées dans l’île. On signale aussi des personnes contaminées par ce virus transmis par les moustiques à Mayotte, aux Seychelles, à Maurice et vraisemblablement à Madagascar. Au-delà des implications sanitaires, l’épidémie de Chikungunya commence à avoir des conséquences économiques sérieuses. Le secteur touristique est déjà touché de plein fouet et les spécialistes craignent d’avoir à faire face à de grosses pertes.

La principale arme contre le virus Chikungunya est le pulvérisateur. Car, en l’absence de traitement préventif ou de vaccin, l’objectif est de réussir à traquer et éliminer le moustique responsable de la propagation de la maladie chez l’homme, l’Aedes rayé. C’est lui qui pique ses proies, essentiellement en début de matinée ou en fin de journée, et leur inocule le virus qui va faire apparaître les premiers symptômes de la maladie dans les quatre à sept jours qui suivent.

La démoustication doit toucher tous les lieux où les moustiques adultes se nichent mais aussi ceux où les larves attendent d’éclore. Ce qui rend l’opération particulièrement difficile. Il faut, en effet, traiter les arbres et la végétation. Puis il faut s’attaquer aux sols, aux flaques d’eau ou de vase, aux pots de fleurs, bref à tous les endroits où les moustiques vont pondre leurs œufs. Si le temps est pluvieux, il est alors nécessaire de recommencer pour s’assurer de l’efficacité des produits. 

Le gouvernement français a annoncé, il y a quelques jours le renforcement des effectifs mobilisés pour accomplir cette tâche. Le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, a même été envoyé sur place pour évaluer la situation. Environ 2 000 hommes se consacrent à la lutte contre les moustiques. Ils sont répartis en brigades de 15 à 20 personnes qui peuvent démoustiquer jusqu’à 1 000 maisons en deux semaines.

Tuer les moustiques et les larves

L’Institut de Veille sanitaire (InVS) insiste néanmoins sur la nécessité de mobiliser les populations dans la lutte contre le Chikungunya. Notamment pour participer à la destruction des «gîtes larvaires» dans tous les petits recoins où l’eau peut stagner près, ou à l’intérieur, des habitations, sans laquelle toute action est inefficace. Il revient aussi aux populations des zones concernées d’appliquer des mesures de prévention individuelles pour essayer de se protéger. Il est ainsi recommandé d’utiliser des sprays et des crèmes anti-moustiques, de mettre en place dans les maisons des diffuseurs électriques, de porter des vêtements longs, afin de limiter les risques de piqûres.

Il est vrai que la rapidité avec laquelle l’épidémie de Chikungunya a progressé ces dernières semaines justifie une réelle mobilisation à tous les niveaux. Le virus s’est propagé à Mayotte et aux Seychelles où l’on a respectivement enregistré 56 et 1 000 cas depuis le début du mois de janvier. A Maurice, le ministère de la Santé vient d’annoncer que 15 personnes étaient infectées. Madagascar pourrait aussi être touché. On y a noté récemment un afflux de malades dans les hôpitaux avec des symptômes évocateurs. Quant à La Réunion, les autorités sanitaires y décrivent une épidémie à «croissance exponentielle». On recense actuellement environ 15 000 nouveaux cas par semaine. Ce qui porte le total des personnes infectées depuis le début du phénomène, en mars 2005, à 50 000, soit 7% de la population de l’île. Et selon toute vraisemblance, le pic n’est pas atteint.

Certes, la maladie n’est pas mortelle. La contamination par le virus Chikungunya n’est pas pour autant anodine. Elle provoque des symptômes invalidants. Quelques jours après l’infection, le premier signe est une fièvre forte et brutale. La malade ressent ensuite des douleurs articulaires et musculaires intenses dans les extrémités des membres. C’est d’ailleurs en raison des difficultés que le patient peut alors ressentir pour se redresser à cause de ces courbatures que l’on nomme ce virus Chikungunya. Ce qui veut dire «l’homme courbé» en swahili. Des migraines, des éruptions cutanées et des hémorragies bénignes peuvent aussi survenir.

Les médecins sont assez désarmés face à ce virus contre lequel aucun traitement n’est disponible. Ils prescrivent des anti-inflammatoires et du repos. Mais les malades peuvent mettre plusieurs semaines à se rétablir. Une période durant laquelle ils ressentent une grande fatigue et ont des difficultés à mener une vie normale même s’ils ne sont, la plupart du temps, pas obligés de rester à l’hôpital. Certaines formes de l’infection peuvent néanmoins être plus graves. A La Réunion, 22 patients (13 nourrissons et 9 adultes) ont dû être admis dans un service de réanimation. Plusieurs bébés présentaient, par exemple, les symptômes d’une méningo-encéphalite. L’InVS estime que pour 10 des 13 nouveaux nés concernés, la transmission de la mère à l’enfant est probable. Le virus peut aussi contribuer à détériorer l’état de santé de personnes vulnérables, comme les vieillards ou les malades dont le système immunitaire est défaillant. Il n’a, à ce jour, provoqué la mort de personne mais il a été signalé comme «cause secondaire» dans 4 décès.

Les touristes annulent leurs séjours

La propagation du virus Chikungunya commence à avoir des répercussions économiques. A La Réunion, l’industrie touristique est la première victime de l’épidémie. La présidente du Comité du tourisme de l’île, Jocelyne Lauret, a fait part de son inquiétude. En 10 jours, on a enregistré l’annulation d’environ 10 000 nuitées. Le phénomène est le même du côté des compagnies aériennes auprès desquelles de nombreux voyageurs ont manifesté le désir de renoncer à leurs déplacements vers La Réunion en raison de la situation sanitaire. Des concerts de chanteurs célèbres (Francis Cabrel et Julien Clerc), censés venir de métropole, ont aussi été annulés en raison de l’épidémie. D’autre part, les réservations sont au point mort.

Dans ce contexte, les professionnels du tourisme ont demandé aux autorités de prendre des mesures pour limiter l’impact du Chikungunya. Jocelyne Lauret a estimé que La Réunion devait être classée «zone sinistrée» et qu’un «réseau national médical» devait être mis en place pour les touristes infectés lors de leur séjour, de manière à ce qu’ils puissent être suivis en métropole. On a, il est vrai, déjà enregistré à Blois, les cas de deux personnes rentrées récemment de l’île et qui présentent les symptômes d’une infection par le Chikungunya.

Le gouvernement français est conscient de la situation. La visite de Xavier Bertrand a contribué à montrer sa détermination à prendre en compte toutes les implications de l’épidémie. Au-delà du renforcement des effectifs chargés de la démoustication et de «la définition d’un protocole de soins» destiné à être diffusé à tous les personnels de santé, des mesures visant à venir aide aux secteurs économiques en crise à cause de l’épidémie sont à l’étude. Une circulaire prévoyant l’allègement des charges sociales et fiscales des entreprises touchées par les arrêts de travail est, par exemple, en préparation.


par Valérie  Gas

Article publié le 03/02/2006 Dernière mise à jour le 03/02/2006 à 17:26 TU