Cameroun - Côte d'Ivoire : 1 - 1 (11-12 tirs au but)
Eto’o coince, Drogba passe
(Photo : AFP)
De l’un de nos envoyés spéciaux en Egypte
Un tour sur la pelouse avant la rencontre, pendant l’échauffement des joueurs, confirmait tout ce que l’on avait dit les jours précédents. La tension était palpable des deux côtés, davantage côté encadrement, pas seulement technique. Les joueurs des deux camps étaient en pleine concentration, regard absent, dans une sorte de bulle. Les yeux, perdus dans une sorte de brume, ne se croisaient pas, ils avançaient les uns et les autres comme des automates. Ils étaient dans leur partie où il y aurait nécessairement un vainqueur et un vaincu. La pression avait été terrible. Les Camerounais sont venus pour gagner la CAN ; les Ivoiriens avec la même ambition mais aussi pour battre les Camerounais afin de rétablir, dans leur orgueil, un peu de l’amertume laissée par le double succès des « Lions » à Yaoundé et plus encore à Abidjan lors de la phase éliminatoire.
Un duel d’hommes
(Photo: Gérard Dreyfus/RFI)
Un duel d’hommes. Pas une soirée pour un ballet ou des arabesques. Non, du dur, du costaud, du solide, du puissant. Car les Ivoiriens au niveau de la puissance n’ont pas grand chose à envier à leurs rivaux. Les artistes du contre-pied étaient restés aux vestiaires. On nous promettait comme une sorte de derby entre « Eléphants » et « Lions ». On eut tout cela. Chacun engageant d’entrée une terrible bataille d’usure dont nul ne pouvait prédire qui allait sortir vainqueur. Chacun épiait l’autre, observait son positionnement. Les feux étaient allumés de tous les côtés. Feu rouge pour les oranges ivoiriens ; feu rouge pour les verts camerounais. Stop, interdiction de passer. Des occasions, il n’y en avait guère. Un pied, une jambe arrêtait chaque fois les charges des uns et des autres. Il y avait du rythme mais jamais de chevauchées. Il y avait quelques tentatives de franchissement de la ligne interdite mais les cadenas étaient verrouillés à double tour.
La première grosse alerte était signalée côté camerounais : une petite faute de main de Souleymanou qui, en d’autres circonstances, lui aurait valu la correctionnelle devant un Didier Drogba, un peu surpris, qui envoyait son tir légèrement sur la gauche du but, mais de toute façon trop haut. La deuxième encore sur le but camerounais avec un Arouna Koné, bien servi par son capitaine, qui s’emmêlait un peu les pieds.
(Photo: Gérard Dreyfus/RFI)
Imperceptiblement les Eléphants prenaient un très léger ascendant sur les Camerounais. Le « Lion » était un peu assoupi à l’image de Samuel Eto’o, bien évidemment très encadré. Achille Webo, blessé à la cuisse était obligé de sortir ; il était remplacé par Albert Meyong Zé. Pour sûr, on n’était pas sur le terrain pour se distribuer les cadeaux de fin de CAN. Eto’o tardait à se montrer. Il surgissait, bondissait comme un lion affamé sur sa proie à la trente-neuvième minute. De son corps Jean-Jacques Tizié, faisait un obstacle hermétique. Le match était passionnant par son incertitude plus que par sa chorégraphie. On vous avait prévenus. 0-0 à la mi-temps, photographie parfaite du face-à-face.
La guerre d’usure
Qui du lion ou de l’éléphant serait le taureau de l’arène ? Bien malin celui qui pouvait le dire au retour des vestiaires. Des banderilles, pas de coup de semonce, pas d’estocade en vue. La vraie guère d’usure. Les milieux étaient les plus actifs et les attaquants pas une seule fois libres de leurs mouvements. A l’heure de jeu, on s’interrogeait dans les tribunes : à l’allure où l’on va, on aura peut-être encore droit à des prolongations, qui sait des tirs au but comme lors du quart de finale précédent entre Nigérians et Tunisiens. De toute façon, vu le quadrillage du terrain de part et d’autre, on n‘imaginait pas une action individuelle, plutôt un coup de pied arrêté.
Les tambours s’époumonaient dans la tribune des quelques dizaines de supporteurs ivoiriens accourus d’Abidjan ; les danseuses, au nombre de cinq, venues du Cameroun ne cessaient de rythmer les courses de leurs joueurs chéris. Déhanchement à gauche, déhanchement à droite…Et quand on sait qu’elles peuvent aller ainsi pendant des heures et des heures, quelle santé les ambianceuses du Sud !
Baky Koné ouvre le score dès le début des prolongations
Sur le terrain, on se bousculait, on ne ménageait pas l’autre ; un combat âpre sans pitié, sans complaisance mais sans méchanceté. Le chronomètre égrenait les minutes. A un quart d’heure de la fin, il y avait du KO dans l’air ; le premier qui marquerait irait en demi-finale. Oui, mais qui du lion ou de l’éléphant ? A dix minutes de la fin, Artur Jorge faisait sortir Salomon Olembe pour faire rentrer Rudolph Douala.
A la quatre vingt-huitième minute une frappe monumentale de Timohée Atouba obligeait Tizié à une belle détente pour détourner du bout des doigts au-dessus de sa transversale. En retombant, il se prenait le poteau en plein visage…heureusement sans conséquence. Dur métier que celui de gardien.
Mais toujours 0-0…jusqu’au début des prolongations : centre de la droite, détournement de Tizié au loin dans les pieds de Baky, directement au fond des filets. Une entrée payante. Les « Lions » n’avaient plus de temps à perdre. Njitap, quelques secondes plus tard d’un beau tir du pied gauche, expédiait un missile sur la transversale. Ca y est le match prenait soudainement une autre dimension. Il avait suffi que l’une des deux équipes ouvre le score. Les « Eléphants » menaient 1 à 0, mais leurs barrissements de joie allaient être de courte durée, puisque d’une belle frappe du pied gauche, Meyong Zé redonnait l’espoir aux verts. 1-1.
Interminable série de tirs au but
Le jeu se durcissait de plus en plus au fur et à mesure que l’on se rapprochait de la sortie. Encore quinze minutes, le temps de la deuxième prolongation. Le public retenait son souffle pour le reprendre de plus belle après le changement de camp .
Palpitante fin de partie. Clameurs dès qu’un vert ou un orange approchait du but de l’autre. La fatigue, comme la rudesse des contacts échangés faisaient rendre l’âme à quelques uns. Allez les gars, encore un peu de courage. On ne peut pas s’arrêter là. Il faut encore essayer. Un corner ici, un autre de l’autre côté du terrain. Souleymanou et Tizié affichaient porte close. Atouba et Baky se télescopaient et c’était le grand qui restait au sol.
(Photo: Gérard Dreyfus/RFI)
L’épreuve des tirs au but commençait à s’immiscer dans les esprits. Chacun devait s’y préparer. Les courses étaient plus lentes, les centres moins tendus où les passes trop profondes. Baky, encore lui, en profondeur pour Romaric. Souleymanou plongeait comme poussé par une main qui lui disait non, ne le relâche pas. Ils étaient au bord de l’épuisement, d’un côté et de l’autre.
Les onze joueurs de chaque équipe inscrivent leur tir au but
Coup de sifflet final du Marocain Mohamed Guezzaz : place aux penalties.
Le premier à l’exercice, Samuel Eto’o. Face à Tizié. Plein centre (1-0) ; Drogba passe en deuxième, il ne pouvait pas faire moins. C’est bon, 1-
Au tour de Makoun. Il pose son ballon avec soin et marque, 6-5. Kouassi Blaise maintenant. OK, 6-6. Song, le capitaine réussit 7-6. Romaric, lui aussi, 7-7. Au service, Alioum Saidou. Tizié détourne. L’arbitre fait retirer et cette fois l’Ivoirien est battu, 8-7. Arthur Boka. Oui, 8-8. Au tour de Douala de poser le ballon sur le point fatidique et d’imiter tous ses prédécesseurs, 9-8. S’avance Didier Zokora pour réussir la neuvième tentative ivoirienne. On va dormir au stade de l’Académie militaire. Sur le banc Alain Gouaméné doit penser à la finale de 1992. Ils vont tous défiler : André Bikey, OK, 10-9. Zoo est maintenant arrivé, hé, hé, 10-10.
Eto’o craque, Drogba passe
Les deux gardiens dans leur face-à-face : Souleymanou manque de puissance, Tizié est parti du mauvais côté, 11-10 ; un prêté pour un rendu ? Du pareil au même, 11-11.
Eto’o bisse pour la troisième série…largement au-dessus. Un deuxième géant s’apprête, Didier Drogba. Il va le faire…il le fait. 12-11 pour la Côte d’Ivoire.
Ni vainqueur, ni vaincu, mais un qualifié, la Côte d’Ivoire au terme d’une rencontre, certainement la plus dense, la plus physique depuis le début du tournoi . Le dernier des Mondialistes ira à Alexandrie rencontrer le Nigéria. Pour l’heure, cette victoire importante après deux défaites contre les « Lions Indomptables » est de nature à redonner un allant aux « Eléphants » dans
par Gérard Dreyfus
Article publié le 04/02/2006 Dernière mise à jour le 04/02/2006 à 23:06 TU