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Le CPE : mieux que rien ou pire que tout ?

Le Premier ministre Dominique de Villepin (C) discute avec un apprenti lors de son déplacement axé sur l'emploi et la formation des jeunes,  à l'Institut universitaire des métiers du patrimoine à Troyes.(Photo : AFP)
Le Premier ministre Dominique de Villepin (C) discute avec un apprenti lors de son déplacement axé sur l'emploi et la formation des jeunes, à l'Institut universitaire des métiers du patrimoine à Troyes.
(Photo : AFP)
La mobilisation politique autour du contrat première embauche (CPE) s'intensifie. Tandis que la majorité donne son entier soutien au projet du Premier ministre Dominique de Villepin, les partis de gauche pointent les risques auxquels ce nouveau type de contrat peut exposer : précarisation et exclusion. A la veille des débats parlementaires, les syndicats et les organisations étudiantes s’efforcent de sensibiliser l’opinion, et invitent à descendre dans la rue mardi pour manifester l’hostilité au projet.

Pour ses opposants, la réponse est catégorique : le contrat de première embauche (CPE) est loin de constituer un remède efficace au chômage des jeunes. Pour l’ensemble des partis de gauche, les syndicats et les associations d’étudiants, le CPE exposera les jeunes à davantage de précarisation et aggravera leurs difficultés à s’insérer dans le monde du travail avec une recherche d’emploi perpétuellement renouvelée. «Si le CPE passe, c’est la porte ouverte vers le démantèlement général du code du travail», a déclaré François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste. L’offensive est donc lancée et les organisateurs appellent à une mobilisation sociale générale mardi, jour où l’Assemblée nationale examine l’amendement créant ce contrat.

Un mouvement d’ampleur serait perçu comme un revers pour le Premier ministre mais le calendrier choisi l’expose modérément si on considère que les étudiants sont en période d’examen et que les lycéens sont en vacances scolaires. Pour l’heure, le Premier ministre persiste à se montrer dans les meilleures des dispositions. Il déclare vouloir «écouter et engager le dialogue» : «J’affirme le souhait qui est le mien de voir un vrai débat à l’Assemblée nationale», a-t-il assuré. A quinze mois de la présidentielle, Dominique de Villepin teste sa cote de popularité. Continuant de batailler ardemment pour faire valoir les mérites du projet, il a affirmé dimanche dans différents médias que la proposition n’est «ni de droite, ni de gauche (mais) une réponse moderne qui vise à s’inscrire dans une exigence de sécurisation de l’emploi». Il a cependant ajouté : «S’il y a obstruction, nous verrons bien», une petite phrase inquiétante laissant planer le doute sur un possible recours à l’article 49-3 qui l’autoriserait à faire passer «en force» le CPE.

Les chiffres des sondages ne concordent pas avec l’affirmation du Premier ministre

Dominique de Villepin ne cesse de marteler que le CPE est un «contrat anti-précarité». Il a affirmé dimanche lors d’une intervention télévisée que ce projet était «le plus social jamais élaboré pour les jeunes (…). Il n’y a jamais eu une proposition faite aux jeunes qui soit aussi avantageuse et protectrice (…) Nous apportons aux jeunes des garanties qu’on ne leur a jamais offertes». Il a en outre affirmé : «l’ensemble des sondages montrent que l’immense majorité des Français comprennent le sens et soutiennent» son projet.

En fait, les chiffres des sondages semblent contradictoires avec l’affirmation du Premier ministre. Le contrat de première embauche est conçu pour inciter les entreprises de plus de 20 salariés à l’embauche des moins de 26 ans ; le hic selon les opposants, c’est que la durée d’embauche prévue est  limitée à deux ans, et qu’une clause prévoit la possibilité de licenciement sans que l’employeur ait à se justifier. Du côté des cadres interrogés, seuls 33% estiment que ce CPE constitue une réponse efficace au chômage des jeunes contre 65% qui considèrent qu’il accentuera leur précarité professionnelle. Selon les secteurs, les résultats diffèrent mais les sceptiques restent partout majoritaires : dans le secteur public, 73% des cadres expriment l’idée que le CPE va accroître la précarité –contre 59% des cadres du secteur privé. L’opinion publique, bien que partagée, reste majoritairement contre : le même sondage fait valoir que 52% des Français ne sont pas favorables à ce projet, et ils sont 56% parmi les 15-29 ans.

En marge des grands leaders politiques de gauche, les collectifs de jeunes multiplient les  blogs et les sites internet sur la toile : il y a d’une part les opposants, farouchement hostiles au CPE (http://www.stopcpe.net/), qui dénoncent un contrat «à la merci de l’arbitraire patronal» et, d’autre part les partisans qui se réjouissent, quant à eux, de l’exonération de la totalité des charges patronales pour les CPE (http://www.jeunespourlecpe.hautefo//). Les partisans du CPE sauront-ils être aussi déterminés que les anti CPE ? Bruno Julliard, président de l’union nationale des étudiants de France (Unef), promet pour sa part de rester mobilisé même si le projet devait passer : «On a vu le gouvernement reculer sur la colonisation, alors que la loi avait été votée. On peut arriver à convaincre que tout ne sera pas plié après le 9 février. Un large mouvement de jeunesse, c’est un danger politique pour le gouvernement», a-t-il insisté. Autrement dit, mardi promet d’être une journée test.


par Dominique  Raizon

Article publié le 06/02/2006 Dernière mise à jour le 06/02/2006 à 18:40 TU