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Contrat première embauche : le gouvernement joue le calendrier

Les étudiants participent à la mobilisation sociale contre le Contrat première embauche.(Photo : AFP)
Les étudiants participent à la mobilisation sociale contre le Contrat première embauche.
(Photo : AFP)
Le contrat première embauche (CPE), présenté mi-janvier, par le Premier ministre Dominique de Villepin dans son plan pour l’emploi des jeunes, cristallise la mobilisation sociale contre la politique du gouvernement. Les partis de gauche, les organisations syndicales, les mouvements étudiants et lycéens ont tous dénoncé cette mesure dont ils estiment qu’elle condamne les jeunes à la précarité. La décision d’avancer au 31 janvier la date de l’examen du texte, présenté dans le cadre du projet de loi sur l’Egalité des chances, devant l’Assemblée nationale, a dans ce contexte pris des allures de provocation supplémentaire. Le gouvernement est accusé de vouloir couper l’herbe sous le pied des associations étudiantes et lycéennes, en faisant passer le texte au moment où les uns sont en examens, les autres sont en vacances.

Il n’y a pas de hasard de calendrier, il y a des urgences dans le calendrier. Et à en croire le gouvernement, le contrat première embauche (CPE) en est une. Ce serait donc pour disposer au plus vite de tous les outils nécessaires dans la lutte contre le chômage que le projet de loi dans lequel figure cette nouvelle disposition concernant les jeunes de moins de 26 ans, va être examiné par les députés dès le 31 janvier (soit 15 jours avant la date prévue) et ne fera l’objet que d’une seule lecture à l’Assemblée et au Sénat.

Toute pragmatique qu’elle soit, cette explication n’a pas convaincu les organisations syndicales et les mouvements étudiants. L’Union nationale des étudiants de France (Unef) n’y a pour sa part vu qu’une «manœuvre grossière» destinée à essayer «de passer au travers des mailles du filet de la colère étudiante». Du côté politique, l’analyse a été la même. Jean-Marc Ayrault, le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, a par exemple décrit cette décision comme une «fuite en avant dans l’espoir de court-circuiter tout le monde». Même l’UDF (Union pour la démocratie française) a critiqué l’accélération du calendrier parlementaire. François Sauvadet, le porte-parole du parti centriste, a déclaré : «Je trouve cela choquant de faire passer à la hussarde ce texte, c’est une mauvaise méthode».

Profiter des vacances

Il est vrai qu’en accélérant un peu le processus d’examen du texte, le gouvernement peut profiter de la conjonction d’un certain nombre de facteurs susceptibles d’handicaper une éventuelle mobilisation de grande ampleur des jeunes. Les vacances d’hiver qui s’étalent sur tout le mois de février et le début du mois de mars ont, en effet, toutes les chances de calmer les ardeurs manifestantes des lycéens. Quant aux étudiants, ils ont fort à faire à la même période avec la première vague des examens. Lorsque l’on sait l’impact politique que peuvent avoir les manifestations de jeunes -surtout lorsqu’elles conjuguent leurs effets avec la mobilisation des syndicats et des partis de gauche-, il ne paraît pas étonnant que le gouvernement ait saisi la fenêtre de tir la moins risquée pour faire passer une mesure qui leur est destinée mais ne semble pas les satisfaire.

Car le moins que l’on puisse dire, c’est que la présentation du CPE n’a pas fait un tabac. Dès son annonce, les syndicats ont immédiatement critiqué ce dispositif révélateur, selon eux, de la volonté du gouvernement de mettre en place des dispositions qui aggravent la précarité des salariés et en l’occurrence des jeunes. C’est la clause en vertu de laquelle ce contrat permet, pendant une période de deux ans, un licenciement sans justification qui est à l’origine de ce rejet. Elle n’a pas été perçue comme un moyen de donner plus de flexibilité pour inciter les entreprises à embaucher, comme l’aurait souhaité le gouvernement. Elle a simplement été envisagée comme un cadeau aux entreprises réalisé sur le dos des salariés. Cette vision est largement partagée dans les mouvements étudiants qui ont eux aussi dénoncé le CPE, présenté comme un obstacle supplémentaire à leur insertion dans la vie professionnelle.

Mobiliser jusqu’au 7 février

L’appel à la manifestation pour le 7 février a donc été lancé collectivement par les organisations représentant les lycéens, les étudiants et les salariés (UNL, Unef, CGT, CFDT, FO, CFTC, FSU, Unsa) qui se sont mis d’accord sur un seul mot d’ordre : le «retrait du CPE». Le choix de la date n’a pas été facile. Il tient compte de la nécessité de laisser du temps aux syndicats étudiants pour faire passer le message dans les amphithéâtres et des contraintes du calendrier social déjà planifié (des manifestations étaient déjà prévues le 31 janvier par la CGT, le 2 février par les fonctionnaires). A défaut d’être rapide, les organisateurs de la manifestation espèrent que la mobilisation sera massive.

Le gouvernement souhaite le contraire. Et en attendant l’épreuve de la rue, Dominique de Villepin essaie de reprendre l’offensive en martelant son point de vue dans l’espoir de faire accepter le CPE. Il a saisi l’occasion de la séance des vœux aux parlementaires de la majorité, pour inciter ces derniers à mener à ses côtés «un combat pour la vérité». Car le Premier ministre estime que les attaques contre le CPE travestissent la réalité et qu’il s’agit d’une vraie bonne mesure pour l’emploi des jeunes. Et de rappeler qu’à l’heure actuelle 23 % d’entre eux sont au chômage et qu’ils mettent en moyenne 8 à 11 ans à sortir de l’intérim et du contrat à durée déterminée. Le CPE représente donc, selon Dominique de Villepin, «une entrée directe dans un emploi stable» et offre des garanties inédites (droit à la formation au bout de deux mois, indemnité de rupture…). Reste à savoir si les aménagements du calendrier et la pédagogie suffiront à désamorcer le mouvement anti-CPE.


par Valérie  Gas

Article publié le 25/01/2006 Dernière mise à jour le 06/02/2006 à 14:50 TU