Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Social

Le contrat de projet, entre emploi et précarité

François Fillon, ministre du Travail, prépare, comme l'a demandé le Président de la République dans son allocution du 31 décembre, un projet de loi de mobilisation sur l’emploi. Les propositions qui se font jour relancent déjà le débat sur la précarisation du travail et ses conséquences réelles sur l’embauche.
Présentant ses vœux pour 2004 à la presse, le ministre du Travail, François Fillon, a reconnu qu’il y aurait beaucoup à faire cette année pour voir «s’enclencher un recul durable du chômage». Jacques Chirac a fait de la lutte pour l’emploi la priorité de son gouvernement lors de son allocution du 31 décembre, annonçant une grande loi de mobilisation. En dépit des doutes émis çà et là sur la possibilité de légiférer en ces matières qui dépendent essentiellement de la conjoncture économique et des employeurs eux-mêmes, le ministre s’est donc attelé à la tâche.

Pour ce faire, il dispose des deux rapports qui viennent de lui être remis, coup sur coup, sur l’amélioration du service de recherche d’emploi et sur une meilleure efficacité du droit du travail. Déjà les propositions qui ont filtré de ces documents font bondir les organisations syndicales. Le gouvernement précise que ces pistes de réflexion seront négociées avec les représentants des salariés et du patronat qui seront d’ailleurs reçus, d’ici la fin janvier, par le ministre du Travail pour évoquer le contenu de cette loi.

L’étude confiée à Michel de Virville, haut dirigeant du constructeur automobile Renault, préconise la création d’une nouvelle forme de contrat de travail, intermédiaire entre le contrat à durée déterminée (CDD) et le contrat classique à durée indéterminée (CDI). Il suggère d’ouvrir aux cadres et aux personnes qualifiées des contrats dont la durée serait liée à la réalisation d’un projet précis. Pour François Fillon ce contrat pourrait couvrir une période de trois à cinq ans. Michel de Virville, auteur de la proposition, est bien conscient de «l’inquiétude que ne manquera pas de susciter une telle perspective». Il estime que ce contrat de projet devrait donc être entouré de garanties.

Les syndicats y voient pour leur part la fin du CDI, contrat de référence, et un pas de plus vers le «salarié jetable» après usage, comme un stylo ou un briquet. En revanche du côté de l’organisation patronale Medef on souhaiterait que le contrat de projet ne soit pas limité aux seuls cadres ou aux experts mais bien plus largement ouvert, à l’image du contrat de chantier qui prévaut dans les travaux publics. Selon le président du Medef Ernest-Antoine Seillière, les entreprises hésiteraient moins à embaucher si elles savaient ne pas avoir à s’engager, ensuite, dans des procédures de licenciement.

Droits et devoirs des chômeurs

Les opposants à ce nouveau contrat viennent cependant de recevoir le soutien du Premier ministre en personne qui a déclaré, «en préalable à cette discussion, je dis que la précarité est l’adversaire du gouvernement».

Parmi les 50 propositions du rapport de Virville figure également la prise en compte juridique du départ négocié d’un salarié qui donne lieu actuellement à un détournement de la procédure de licenciement ou de démission. En matière de droit du travail il suggère de remettre à jour la liste des dérogations au repos hebdomadaire et dominical que les syndicats de la distribution et du commerce ne manqueront pas de dénoncer comme une étape supplémentaire vers l’ouverture des magasins le dimanche.

L’autre rapport remis au ministre du Travail ne devrait pas, non plus, passer inaperçu. Jean Marimbert, président de la mission sur les services de l’emploi, s’étonne des faibles résultats du contrôle effectué pour savoir si les chômeurs recherchent véritablement un emploi. Il estime donc qu’une loi, là encore, devrait fixer clairement les obligations, droits et devoirs des chômeurs afin de distinguer les demandeurs d’emplois de ceux qui abusent du système d’indemnisation du chômage. Il s’interroge aussi sur la durée à l’issue de laquelle un chômeur serait tenu d’accepter un emploi même moins rémunéré que le précédent.

Sur ces sujets, le secrétaire général du syndicat CFDT François Chérèque relève que le dialogue social doit normalement précéder la loi et que, dans ce cas, c’est l’inverse qui leur est proposé.



par Francine  Quentin

Article publié le 15/01/2004