Social
Les grèves gagnent les transports
(Photo: AFP)
Au cours de cette semaine sociale, les lycéens ont, une fois encore, manifesté pour dire qu’ils étaient toujours en désaccord avec la réforme de l’éducation prévue par la loi Fillon. Les scientifiques ont pris le relais et sont sortis - comme l’année dernière – de leurs laboratoires pour protester, eux aussi, contre la politique du gouvernement concernant la stratégie de la recherche française pour les prochaines décennies. Mais c’est jeudi que les grandes manifestations sont annoncées. Les syndicats ont appelé les salariés, aussi bien du secteur public que du privé, à faire grève et à manifester. Au moment où plusieurs groupes industriels, des banques, des sociétés pétrolières viennent d’annoncer des profits record, leurs employés ont de multiples raisons de montrer leur mécontentement : malgré les bénéfices, l’emploi recule et se précarise, le pouvoir d’achat stagne, et les 35 heures peuvent disparaître.
La journée s’annonce si chaotique que plusieurs ministres se sont déjà exprimés. Jean-Louis Borloo, ministre de l’Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale a confirmé la réunion de la commission nationale de la négociation collective le 18 mars, « pour regarder l’évolution du pouvoir d’achat cette année ». Les organisations syndicales avaient demandé la réunion de cette commission après l’annonce de la santé financière exceptionnelle des entreprises cotées en bourse.
Une mauvaise image de la capitale ?
De son côté le ministres des Transports Gilles de Robien s’est félicité « du très, très gros effort d’information » réalisé par la SNCF et la RATP à la veille de cette journée de grève dans les transports publics. Il faut dire que dans ce secteur, la journée s’annonce très difficile. La moitié des TGV devraient circuler et un tiers seulement des trains Corail et des TER, les trains express régionaux. La RATP prévoit de fortes perturbations dans le métro, sur les lignes de RER et d’autobus. Dans les grandes villes de province, les transports publics seront également paralysés. Le transport aérien devrait être touché, annonce la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) puisque les contrôleurs aériens sont des fonctionnaires.
Le SNUipp-FSU, principal syndicat de l’enseignement primaire estime à 60 % le pourcentage de grévistes jeudi dans les écoles maternelles et élémentaires publiques. Il s’agit de protester contre le projet de loi Fillon et de réclamer plus de moyens pour l’éducation. A EDF, les syndicats appellent également le personnel à la grève. Cependant la CGT Mines-Energie a annoncé qu’il n’y aurait pas de coupure d’électricité. Décision prise pour ne pas aggraver la situation alors que certains abonnés subissent encore des coupures de courant en raison des intempéries.
A la veille de cette journée noire, Jean-François Copé, porte-parole du gouvernement, a déclaré que le gouvernement serait « évidemment très attentif » au message de cette journée de mobilisation. « La politique que nous menons depuis 2002 vise, décision après décision, réforme après réforme, à apporter de nombreuses réponses aux interrogations ou aux inquiétudes des Français sur des sujets aussi divers que le pouvoir d’achat, la modernisation de notre pays, la préservation de nos services publics, la préservation de notre modèle social ».
Une « visibilité » du soutien syndical aux JO
La date de cette journée de mobilisation pour les 35 heures a été choisie en février, après l’assouplissement des lois Aubry sur la durée légale du travail. Les responsables syndicaux ne l’avaient pas prévu, mais l’appel à la mobilisation coïncide avec la visite des experts du Comité international olympique. Pendant trois jours, ils sont là pour examiner la candidature de Paris à l’organisation des jeux Olympiques de 2012. Face à ses concurrentes (Londres, Madrid, Moscou, New York), la capitale française a des atouts car la plupart des infrastructures sont déjà réalisées. Mais le comité français redoute que les perturbations de jeudi ne donnent à la délégation une mauvaise image de la capitale.
Plusieurs des grandes entreprises qui sont en grève jeudi font partie du « club » qui a investi pour vendre la candidature de Paris un peu partout à travers le monde. Si la capitale française est choisie, ces grande entreprises attendent des retombées économiques importantes. Parmi ces 17 grandes, se trouvent notamment EDF et la RATP, bastions de la défense des services publics. Pour manifester sans faire de tort à la candidature de Paris, les organisations syndicales ont commencé par choisir un parcours qui conduira le défilé loin des différents rendez-vous du Comité international olympique. Jeudi, il doit visiter des sites situés au nord et au sud-ouest de la capitale. Les mécontents déambuleront de la place d’Italie à la place de la Nation. En plus, les organisations syndicales se sont concertées pour qu’il y ait une « visibilité » du soutien syndical aux JO. Il y aura quelques drapeaux, des distributions de pin’s, indique l’Union régionale Ile-de-France CGT. Les manifestants porteront également des tee-shirts et des casquettes aux couleurs des Jeux. Si les syndicats veulent dire « non » à la politique sociale du gouvernement, ils diront « oui » aux Jeux, sauf le syndicat FO qui ne veut probablement pas être récupéré, même pour la bonne cause : entre 50 et 70 000 emplois pourraient être créés entre 2005 et 2012 si Paris obtient les Jeux. Une estimation qui a de quoi allécher les chefs d’entreprises.
Des objets promotionnels ont été remis aux syndicats par le comité français d’organisation des JO. Ce sont donc les entreprises qui sponsorisent la candidature de Paris qui ont financé cette opération marketing. Pour une fois, les patrons ont peut-être intérêt à voir leurs salariés défiler dans la rue. Quant à la commission d’évaluation, elle ne vient qu’une seule fois. Alors malgré une journée où les déplacements seront difficiles, pas question pour elle de rester à l’hôtel.
par Colette Thomas
Article publié le 09/03/2005 Dernière mise à jour le 09/03/2005 à 17:44 TU