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Le gouvernement résiste à la vague sociale

Face aux syndicats et aux partis de gauche, le gouvernement n’a pas l’intention de se laisser faire.(Photo AFP)
Face aux syndicats et aux partis de gauche, le gouvernement n’a pas l’intention de se laisser faire.
(Photo AFP)
Après les manifestations du week-end qui ont rassemblé entre 300 000 et 600 000 personnes en France, secteur public et privé confondus, l’assouplissement de la loi sur les 35 heures, qui doit être voté le 8 février à l’Assemblée nationale, est plus que jamais au cœur du débat politique. Les syndicats et les partis de gauche, qui se sont unis pour battre le pavé et dénoncer la volonté du gouvernement de revenir sur la durée du temps de travail, entendent bien poursuivre leur action. Face à eux, le gouvernement n’a pas l’intention de se laisser faire. Même si l’accumulation des grognes sociales risque de compromettre la campagne en faveur du «oui» au référendum sur la Constitution européenne.

Pas question de renoncer à la modification de la loi sur les 35 heures. Dès dimanche, le porte-parole du gouvernement, Jean-François Copé, a été très clair sur ce point. Il a ainsi demandé : «Au nom de quoi on retirerait une loi qui accorde une liberté supplémentaire ?». Jean-Pierre Raffarin a enfoncé le clou le lendemain. Le Premier ministre a déclaré en guise de réponse aux revendications des représentants syndicaux et politiques, exprimées lors des défilés de samedi : «Je suis à l’écoute, je reste ouvert mais nous sommes dans une démocratie. Je ne méprise pas les manifestations mais je demande aux leaders syndicaux de ne pas mépriser le Parlement. Le débat se poursuit selon le calendrier prévu, c’est la vie démocratique». En affirmant sa détermination à poursuivre coûte que coûte dans le sens de la réforme de l’application de la législation sur le temps de travail hebdomadaire, le gouvernement a donc opposé une fin de non-recevoir à la demande solennelle du Premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande, de retirer purement et simplement ce projet.

Si le gouvernement ne veut pas céder à la pression de la rue, il ne peut pas non plus faire comme si le malaise n’existait pas chez les salariés. Jean-François Copé a dû, au moins, reconnaître que «la participation [aux manifestations] correspondait à ce qui était prévu». Il est vrai qu’il était difficile de nier l’importance de rassemblements, organisés dans plusieurs villes de France, qui ont réuni entre 300 000 personnes, selon la police, et 600 000 personnes, selon les organisateurs. Après le défilé du 20 janvier, qui avait regroupé les représentants de la fonction publique mécontents, les manifestations du 5 février ont fait office de test pour les organisations syndicales qui voulaient aussi, cette fois, mobiliser le secteur privé.

Et le pari semble avoir été réussi. A en croire François Chérèque, le leader de la CFDT, les salariés du privé étaient «au rendez-vous des manifestations». Une analyse partagée par Bernard Thibault, le secrétaire général de la CGT, qui a déclaré : «Le malaise social grandit dans notre pays et le privé est très présent dans les cortèges». Et de menacer le gouvernement s’il n’«entend» pas les revendications des salariés de «suites coordonnées, soit par branche, soit au plan interprofessionnel».

Le référendum sur la Constitution européenne en toile de fond

Face à cette mobilisation des salariés à l’appel des syndicats mais aussi de l’ensemble des partis politiques de gauche, le gouvernement a riposté en utilisant deux arguments principaux. Tout d’abord, il a minimisé le pourcentage de salariés du secteur privé présents dans les cortèges, à l’instar du ministre de l’Industrie, Patrick Devedjian, qui a déclaré qu’ils étaient composés «à 90 % de personnes du secteur public» qui ne sont pas concernées par le projet de loi. La réforme des 35 heures critiquée par la gauche vise, en effet, selon le gouvernement à répondre aux attentes d’une partie des salariés des entreprises privées qui veulent avoir la possibilité de «travailler plus pour gagner plus». Mais le gouvernement a surtout mis en cause la tentative de manœuvre politicienne qui vise à mélanger l’ensemble des revendications sociales et politiques du moment pour attaquer l’équipe de Jean-Pierre Raffarin, sans se soucier des conséquences. La participation des dirigeants socialistes, et notamment de François Hollande, aux défilés a donc été particulièrement critiquée.

Jean-Pierre Raffarin a ainsi dénoncé l’irresponsabilité du Premier secrétaire du Parti socialiste : «Je trouve que François Hollande qui est pour le succès au référendum [sur la Constitution européenne], joue avec le feu lorsqu’il attise les manifestations». Il est vrai que la position de François Hollande qui a appelé à ne pas «se battre contre l’Europe» mais «contre le gouvernement», est difficile à tenir dans un contexte où les critiques adressées, en France, au projet de constitution européenne concernent essentiellement les dangers pour les droits sociaux et la dérive libérale. Un récent sondage Ifop-Journal du Dimanche établit même que 56 % des personnes interrogées estiment que la «situation économique et sociale en France» est l’élément qui influencera le plus leur vote lors du référendum.

A l’inverse, la position qui consiste à essayer de dissocier totalement un référendum à portée historique pour l’Europe, de mécontentements sociaux présentés comme ponctuels et purement hexagonaux, n’est pas moins risquée. Surtout lorsque les malaises se succèdent et se superposent. Le projet de réforme des 35 heures qui a mobilisé les salariés ces derniers jours, n’est pas le seul axe de la politique gouvernementale à être l’objet d’attaques. Les chercheurs, eux aussi, recommencent à se mobiliser un an après leur grand mouvement de revendication. Déçus des propositions du gouvernement, notamment concernant le financement de la recherche fondamentale toujours insuffisant, ils entendent bien se faire entendre. Sans parler des enseignants et même des organisations lycéennes qui critiquent le projet de loi d’orientation sur l’école défendu par le ministre de l’Education nationale, François Fillon. Les associations représentant les élèves ont d’ailleurs appelé à manifester le 10 février. La grogne sociale ne fait vraisemblablement que commencer.

par Valérie  Gas

Article publié le 07/02/2005 Dernière mise à jour le 07/02/2005 à 17:17 TU