Social
Les syndicats confrontés à la radicalisation
(Photo: AFP)
En revanche, la mobilisation reste forte contre le changement de statut d’Electricité et de Gaz de France dont l’Assemblée nationale adoptait solennellement le principe le 29 juin. Depuis le mois de janvier date à laquelle le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin confirmait le changement de statut de ces entreprises publiques pour 2004, les gaziers et les électriciens sont engagés dans un bras de fer avec le gouvernement. Six journées d’actions en trois mois ont été lancées et des gestes de harcèlement se sont multipliés sous forme de coupures «ciblées» de l’énergie fournie à des grandes entreprises ou à des personnalités politiques symboliques. Soucieux de s’allier l’opinion publique les agents d’EDF et GDF ont lancé l’opération Robin des bois, rétablissant l’électricité au domicile de familles pauvres ou approvisionnant gratuitement des hôpitaux.
C’était compter sans l’exaspération d’éléments incontrôlés qui se livrent depuis quelques semaines à des actes illégaux contre lesquels la direction d’EDF a annoncé le dépôt de près de 100 plaintes pour coupures de courant et dégradation de matériel. Remontant d’un cran le niveau de leur action des perturbateurs ont saboté, le 28 juin, un centre EDF important de région parisienne bloquant le trafic ferroviaire de la plus grande gare parisienne pour son trafic de banlieue et, par la même occasion, 150 000 voyageurs qui se rendaient pour la plupart à leur travail. La CGT qui, très largement majoritaire à EDF, mène le combat contre le changement de statut, a dû se désolidariser de tels actes invitant les militants «à des actions populaires et visibles».
Baroud d’honneurCes mouvements non autorisés par les organisations syndicales peuvent constituer un baroud d’honneur des protestataires, prélude à un retour au calme après l’adoption par le parlement du changement de statut. En effet le gouvernement a opté pour la fermeté en cette affaire et estimé que la garantie d’un maintien de l’Etat à hauteur de 70% du capital constituait l’ultime concession aux opposants.
Mais la radicalisation de la base constitue également un problème récurrent pour les syndicats représentatifs. La CFDT a le souvenir cuisant des grandes grèves de l’hiver 1995 où le mouvement contre la réforme de la sécurité sociale l’avait largement, et durablement, débordée. Depuis, des secteurs entiers de la confédération ont fait dissidence, comme les syndicats santé ou les cheminots, souvent pour rejoindre Sud (Solidaires Unitaires Démocratiques), une organisation plus récente et plus radicale.
L’ensemble des syndicats qui avaient signé la convention d’indemnisation du chômage excluant au 1er janvier 2004 des dizaines de milliers de chômeurs ont pris de plein fouet le succès des «recalculés», ces demandeurs d’emploi exclus de l’indemnisation qui ont eu recours à la justice pour réclamer leurs droits et ont obtenu satisfaction.
La CGT qui a, pour se démarquer de la CFDT sa rivale, adopté une image plus strictement revendicative, n’est pas épargnée par le phénomène des débordements de la base comme les actions à EDF viennent de le montrer. Cela se manifeste aussi avec le conflit des intermittents du spectacle. Un petit groupe d’intermittents et précaires s’est installé depuis plusieurs jours sur le toit de l’immeuble abritant le Medef, organisation patronale, pour exiger la tenue d’une table ronde gouvernementale sur le régime d’assurance-chômage. Le secrétaire général de la fédération CGT des spectacles a désapprouvé cette occupation et dénoncé une «surenchère» dans les revendications. Les «jusqu’au boutistes» perchés sur le toit du Medef sont affiliés à la coordination des précaires et internittents d’Ile-de-France, rappelant que, déjà dans les années 80, le terme de coordination désignait les militants engagés dans des actions lancées en dehors des organisations syndicales, quand ce n’était pas contre elles.
par Francine Quentin
Article publié le 29/06/2004 Dernière mise à jour le 29/06/2004 à 13:15 TU