Nigeria - Sénégal
La « petite finale » des ambitions déçues
De l’un de nos envoyés spéciaux en Egypte
C’est un bien étonnant parcours que celui suivi par les «Lions de la Teranga» durant cette CAN. Ils le reconnaissent eux-mêmes, ils sont entrés par la petite porte. «Au départ, beaucoup ne misaient rien sur nous», rappelle El Hadji Diouf. Et pour cause : un palmarès relativement maigre (une seule finale en 2002), des remaniements dans l’effectif avec le maintien à l’écart de cadres comme Khalilou Fadiga et Salif Diao. Et le début de la compétition n’a-t-il pas confirmé ces pronostics peu encourageants ? Deux défaites pour une seule victoire dans les matchs de poule ; un jeu laborieux, sans rythme, une confiance qui peine à s’instaurer sur le terrain. A cela s’ajoute l’expulsion du défenseur Habib Beye face au Ghana et les quatre matchs de suspension qui s’en suivirent.
Les « Lions de la Teranga » obtiennent néanmoins leur ticket pour les quarts de finale, in extremis. Mais c’est peut être dans l’adversité que se forgent les caractères et que se soude un groupe. La foi dans sa bonne étoile. Etre passé si près du gouffre aide-t-il à relativiser, à se sentir moins stressé ? En tout cas, les hommes d’Abdoulaye Sarr arrivent là où on ne les attendaient pas.
La tête hauteLe déclic s’opère durant le quart de finale face à la fringante équipe guinéenne, en seconde période. Les « Lions », menés au score, posent enfin leur jeu, serrent les lignes, vont de l’avant et osent marquer. A l’erreur de Tony Sylva amenant le premier but guinéen, le onze sénégalais répond par trois réalisations, résultats à la fois d’individualités brillantes (Mamadou Niang, Henri Camara, Diomansy Kamara…) et d’un collectif enfin retrouvé. Les coéquipiers de Ferdinand Coly s’affirment aux yeux de leurs adversaires.
Et les Egyptiens ont bien raison de ne pas prendre ces Sénégalais à la légère. En demi-finale, dans l’impressionnant stade international du Caire rempli à ras bord, les « Lions » étonnent par leur sérénité. En égalisant par Mamadou Niang, ils plongent le bouillant public égyptien dans la stupeur. Les Sénégalais savent que la place en finale est largement à leur portée. Dans le même temps, les « Pharaons » sentent que leur orgueil peut être battu en brèche par la générosité sénégalaise. Mais voilà, il suffit d’abord d’une erreur d’attention pour encaisser un but assassin en fin de match, et ensuite d’une appréciation contestable de l’arbitre pour se voir refuser un penalty qui, s’il avait été sifflé et transformé, aurait changé bien des choses… Philosophe, Diomansy Kamara affirme très justement : «On sort la tête haute. Il y a deux ans, nous avions atteint les quarts de finale. Cette fois, les demi-finales. On progresse. C’est bien». Et El Hadji Diouf d’ajouter : «on méritait de jouer la finale. D’ailleurs cette finale, on aurait pu la jouer contre… le Nigeria» !
Trop d’individualités chez les « super Eagles » ?Oui, les « Super Eagles » avaient largement les moyens de soulever le trophée. Presque étonnamment, les Nigérians n’ont été «que» deux fois champion d’Afrique (1980, 1994), malgré leur trois demi-finales jouées consécutivement (2000, 2002, 2004). C’est sûr, ils pourraient, avec un peu plus de constance, afficher un palmarès autrement plus étoffé. Le onze nigérian est de ces équipes dont on attend toujours beaucoup, et qui souvent tergiversent et trébuchent. Et les Nigérians tombent dans leurs travers : un collectif à la limite de l’implosion en dépit ou à cause de ses trop nombreux talents individuels. D’où une impression de gâchis.
Le Nigeria a posé ses bagages à Port Saïd, fort d’une équipe jeune, la plus jeune du tournoi. De grands gamins pétris d’ambition et de qualités techniques à l’image des John Obi Mikel, Obinna Nsofor ou Taye Taiwo. Et la machine nigériane s’est ainsi mise en branle. Ils sont peut être « super », ces Eagles, mais ils fonctionnent au diesel. Il leur faut du temps pour asseoir leur domination. Mais l’efficacité est au rendez-vous. Trois matchs, trois victoires, cinq buts marqués, un seul encaissé.
Parvenus en quart de finale, l’affaire se complique : l’absence d’un véritable patron sur le terrain se fait sentir. Le très charismatique Jay-Jay Okocha est cloué depuis le début du tournoi, sur le banc des remplaçants, pour cause de blessure. Si les individualités sont toujours aussi brillantes, le collectif souffre face à une robuste équipe tunisienne, tenante du titre. Les Nigérians peinent à imposer leur jeu. Les deux équipes se neutralisent. Il faut donc en venir aux tirs au but pour choisir le vainqueur. C’est un peu la loterie, la chance, qui sourit aux hommes d’Augustine Eguavoen, contrairement au scénario d’il y a deux ans, quand ils s’étaient faits sortir en demi-finale, par les Tunisiens, aux tirs au but.
La qualification n’est certes pas volée, mais les « Aigles » ont montré des limites, des signes de faiblesse. Quelques dissensions dans le groupe minent l’ambiance générale. Et cela se fait sentir en demi-finale face à la Côte d’Ivoire. Un match peu enlevé en dépit des efforts d’Okocha, de Kanu ou d’Obafemi Martins. Une équipe nigériane empruntée face à de « Eléphants », plus en confiance, plus sûrs d’eux mêmes. Essoufflés, les Nigérians s’inclinent. Ils repartent une nouvelle fois bredouilles. Mais ces jeunes Super Aiglons, s’ils savent s’entendre, pourront faire de bien belles choses à l’avenir. Et penser dès à présent au Mondial sud-africain en 2010.
par Olivier Péguy
Article publié le 09/02/2006 Dernière mise à jour le 09/02/2006 à 11:43 TU
