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Corée du Sud

Sous le choc de l’imposture du Dr Hwang

Les centaines de militants du comité «I love professeur Hwang», sont venus comme chaque week-end soutenir leur héros déchu.(Photo : AFP)
Les centaines de militants du comité «I love professeur Hwang», sont venus comme chaque week-end soutenir leur héros déchu.
(Photo : AFP)
Six mois après les révélations sur des articles scientifiques falsifiés parus dans la revue américaine Science, le professeur Hwang, mondialement connu pour ses travaux sur le clonage, est l’objet de poursuites judiciaires. Le pionnier du clonage cellulaire aurait également détourné des fonds publics destinés à son laboratoire de recherche.

De notre envoyée spéciale à Séoul

Dix-huit heures à Séoul, samedi 11 février. La nuit est déjà tombée. Le vent glacial s’engouffre dans les couloirs de la station Gwanghwamun au centre de la capitale sud-coréenne. A la sortie du métro, la place est déjà noire de monde. Les moins treize degrés qui sévissent dans la capitale depuis deux jours n’ont pas découragé les centaines de militants du comité « I love professeur Hwang », venus comme chaque week-end soutenir leur héros déchu. Des femmes en majorité, mais aussi des couples venus avec les poussettes et tous chantent en chœur à la lueur de minuscules bougies avec, accrochés au manteau, des petits drapeaux nationaux.

Impossible de mesurer l’impact de ce que l’on appelle « l’Affaire Hwang » en Corée si l’on ne comprend pas combien ce peuple, si fier de son industrie automobile et de ses techniques de pointe, s’identifiait à la célébrité du maître du clonage médical. Mais aujourd’hui, l’élégant vétérinaire, issu d’un milieu modeste et devenu en quelques années le pionnier de la biotechnologie, vit reclus dans sa maison de Séoul, avec interdiction de sortir du territoire tant que l’enquête judiciaire sera en cours. Sans attendre la confirmation d’un procès pour détournements de fonds publics, les services postaux ont d’ores et déjà détruit les cinquante mille timbres imprimés à l’effigie du célèbre scientifique. Un drame pour Kwangbo Shim, l’un des fondateurs du comité « I love professeur Hwang » qui, engoncé dans sa parka, crie à l’injustice en reprenant les slogans de protestation diffusés à la sono au bas d’un immense immeuble de verre translucide. « Oui, une injustice, ce sont d’anciens collègues, des jaloux partis s’installer aux Etats-Unis qui ont convaincu un jeune chercheur de l’équipe Hwang de remplacer les vraies cellules clonées par des cellules normales, et tout ça pour faire tomber Whang afin de récupérer le brevet sur la technique de clonage dont le professeur est l’inventeur. »

Il faut dire que le professeur Hwang Woo-Suk possédait tous les atours d’un professionnel enviable. Soutenu à cent pour cent par le gouvernement pour ses recherches sur les cellules souches issues d’embryons humains, des cellules prometteuses pour de futurs traitements contre les maladies dégénératives comme Alzheimer ou Parkinson, le ministère de la Science et de la Technologie lui a versé près de 40 millions de dollars en deux ans, entre 2002 et 2004. La compagnie Korean Air lui donnait un accès permanent et gratuit sur n’importe lequel de ses vols… Alors, complot ou pas complot ?

« Hwang n’avait pas conscience d’avoir des cellules fertilisées »

Que reproche-t-on exactement au professeur Hwang qui continue de clamer son innocence ? Son avocat, Dennis Lee, défend son client en rappelant l’intégrité et le talent du chercheur, connu entre autres pour avoir fait naître l’année dernière dans son laboratoire, le premier chien cloné du monde, Snoopy le lévrier afghan : « Peut-être que oui, peut-être que non, l’explication d’une falsification par certains membres de son équipe pour le pousser à la faute est une possibilité, oui, mais je n’en ai pas la preuve. Mon client attend de la justice qu’elle mène son enquête et fasse la lumière sur cette affaire. Pour le moment, nous ne pouvons rien dire, nous attendons les résultats des investigations. Ce que je sais en revanche, c’est qu’en publiant ces deux articles dans le magazine américain Science, le professeur Hwang n’avait pas conscience d’avoir des cellules fertilisées, il était sûr de travailler sur les cellules qu’il avait auparavant clonées. »

Outre la faute scientifique, certains chercheurs se sont offusqués de contraventions aux règles éthiques en rémunérant certaines femmes de son équipe pour obtenir leurs ovocytes, nécessaires au processus du clonage. Des trois volets qui lui sont reprochés (falsification scientifique/fraude éthique/détournement financier), l’achat d’ovocytes est le seul qu’a reconnu Hwang, mettant tout de même en avant qu’à l’époque des faits, il n’existait aucun article de loi sur le don d’ovules. En 2004, la Corée s’est dotée d’un texte de loi imposant une réglementation plus stricte à la recherche sur les embryons. Dorénavant l’achat ou la rémunération pour l’obtention d’ovules est interdit, sauf pour certains programmes de recherche ciblés, extrêmement bien encadrés.

Redorer l’image ternie de la science et de la patrie

Avec ces cellules prélevées sur des embryons humains congelés (hors projet parental), nous atteignons le cœur du débat qui agite la société sud-coréenne. Dans les cafés de Séoul, vous trouverez toujours de part et d’autre de la table, des supporters des travaux entamés par le professeur Hwang sur l’embryon (des cellules connues pour leur formidable potentiel, capables de se transformer en n’importe quel tissu humain) contre de farouches opposants qui préfèrent voir les scientifiques s’intéresser aux cellules déjà formées, les cellules souches adultes. Maria Moon, directrice d’un Institut catholique en banlieue nord, suit la position du diocèse de Séoul, «Donner mes ovocytes moi ? Pas question, pas question ! Même si la Corée est un pays à majorité bouddhiste, l’Eglise catholique s’est toujours opposée aux recherches du docteur Hwang, prélever des cellules sur un l’embryon c’est tuer une vie en devenir.»

Pour contrer les pressions religieuses, les bouddhistes étant les seuls en Corée à tolérer les recherches sur l’embryon, Kim Yi-Yun, 47 ans, a fondé la première Association de donneuses volontaires : « On m’a dit que j’étais trop vieille pour donner mes ovules mais ça ne fait rien, je veux convaincre les femmes de mon pays pour qu’elles contribuent à faire avancer la science. Grâce à ces recherches, nous pourrons guérir les handicapés et un grand nombre de malades dans le monde ». Park So-Yon a plus de chance que sa voisine. Le nom de cette jeune trentenaire a été retenu et figure pour le moment sur une liste d’attente : « Comme la fondatrice de l’Association vient de la dire, je suis sûre que nous, les Coréens, nous allons trouver de nouveaux médicaments contre les maladies incurables. Oh ! Pas pour moi non, en tout cas pas pour ma génération, mais dans le futur oui, pour les gens plus tard… »

A l’instar de Park So-Yon, le directeur de l’Institut Pasteur de Séoul estime qu’il ne faut pas faire croire en de vains espoirs car les recherches sur les cellules souches n’en sont qu’au stade préliminaire, que les nouveaux traitements contre les cancers ou les maladies du cerveau, s’ils existent un jour, ne seront pas disponibles sur le marché avant dix, vingt ou trente ans !

Depuis six mois, les journaux du monde entier titrent sur l’image de la science gravement écornée par le scandale de « l’Affaire Hwang », mais en Corée, la chute du professeur n’aura pas atteint le moral des apprentis chercheurs. Du lycée au campus universitaire de Séoul, tous les élèves rencontrés sont d’autant plus motivés qu’ils affrontent une double tâche : redorer à la fois l’image ternie de la science et de la patrie !


par Marina  Mielczarek

Article publié le 28/02/2006 Dernière mise à jour le 28/02/2006 à 17:32 TU

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